Quelle place le Vieux-Montréal occupe-t-il, ou devrait-il occuper, dans la vie culturelle de la métropole? Comment la vieille ville, désignée quartier patrimonial il y a 50 ans, peut-elle se redéfinir, se réorganiser, pour offrir un profil culturel qui se fonde à ses autres missions, institutionnelle, résidentielle, touristique, commerciale et économique?

Quels sont les enjeux de ce territoire unique où cohabitent, mais pas toujours en bon voisinage, l'ancien et le moderne, la pierre et du verre, le vieux et le neuf? Sans parler du fédéral et du municipal...

Ces questions, pertinentes et actuelles, se sont posées de nouveau mercredi lors de la deuxième journée du deuxième colloque Avenir Vieux-Montréal qui se tenait au Centre PHI de la rue Saint-Pierre, le plus actif des nouveaux îlots créatifs du quartier. Après l'aspect commercial traité mardi, la partie culturelle du colloque avait été confiée à Culture Montréal qui a toujours le mérite d'aborder les questions sur un plan nouveau.

Ici, la direction du grand lobby citoyen avait demandé à cinq créateurs de procéder à un «inventaire sensoriel» du quartier à partir des cinq sens. Comment se construit ou s'est construite notre perception du Vieux-Montréal par ce que l'on voit et entend, par ce que l'on sent, goûte et touche? Le clop-clop des chevaux de calèche laisse-t-il une impression plus forte que l'odeur du crottin et de l'urine des mêmes nobles bêtes, une affaire qui semblait indisposer au plus haut point une des participantes? Quelle est votre vue préférée du Vieux? Le grand fleuve avec le pont Jacques-Cartier à la main gauche ou, adossé nuitamment au même garde-fou, le skyline dessiné par les gratte-ciel du centre-ville? Et comment oublier le goût du prosecco découvert dans ce bar à bulles de la rue Saint-Paul le soir de la fête à Loulou ou celui des frites sel-vinaigre de tel camion de cuisine de rue?

Les yeux, le nez, les oreilles et la bouche ramènent chacun à leur sens respectif mais on touche de partout: pour l'un, le Vieux-Montréal restera toujours ce brûlant coude-à-coude avec une fille de Boston au Ice Fest; pour l'autre, c'est la marche pieds nus sur les pavés mouillés après y avoir cassé un talon aiguille...

Dans le Vieux comme ailleurs, la vie culturelle d'un quartier ne peut se résumer à l'offre de spectacles sur scène. Le Vieux-Montréal, c'est la vie dans les rues, a rappelé en ouverture David Howes, professeur d'anthropologie et directeur du Center for Sensory Studies de l'Université Concordia. Par opposition à la vie souterraine qui bat deux rues au nord, la vie dans les rues avec ses peintres, ses jongleurs, ses musiciens et autres amuseurs.

La vie dans les rues et sur les places, rappellera pour sa part le musicien et journaliste Tristan Malavoy, ces places dont le passé n'est pas mis en valeur, comme la place Jacques-Cartier, marché public jusque dans les années 40. «Il ne faut pas se contenter de la stricte recherche du beau», prétend Malavoy, qui était affecté à la vue. Contourner le syndrome de la carte postale...

La rue de la Commune (qui longe le fleuve) doit être repensée, dira pour sa part Phyllis Lambert, architecte, militante de la conservation urbaine et résidante du Vieux-Montréal depuis 35 ans. Et le Vieux-Port - «Montréal est né là» -, qui appartient aujourd'hui au fédéral, doit «revenir sous l'égide de Montréal». Étape importante, selon plusieurs, dans la marche vers une vision intégrée du secteur.

Des discussions en ce sens sont déjà en cours, a souligné le maire Coderre à qui est revenu le mot de la fin de ce colloque consacré à l'avenir de «son» arrondissement, le plus riche en histoire du Canada, en histoire du Québec et en histoire de Montréal. Le 375e a déjà ses échéances, nombreuses, pressantes. D'emblée, le maire de Ville-Marie peut regarder vers 2042, l'année où le Vieux-Montréal et le Vieux-Port auront 400 ans.