Ancienne victime du réseau des pensionnats, Florent Vollant espère que les siens sauront tourner la page.

«On a subi des violences. On a subi des agressions. On a été violés au plus profond de l'être. C'était une tentative d'anéantir notre culture. Ils voulaient tuer l'Indien dans l'enfant...»

Florent Vollant ne mâche pas ses mots quand il parle de la tragédie des écoles résidentielles. Le ton est doux, mais les propos tranchent comme un couteau. Colère? Peut-être pas. Mais le sentiment d'un énorme gâchis, ça oui.

Avec raison. Car le chanteur innu, qui se produira ce soir à l'hôtel Reine-Elizabeth, dans le cadre de la Commission de vérité et réconciliation, est lui-même une victime de l'ancien réseau des pensionnats. Et son souvenir reste douloureux.

«J'avais 4 ans, raconte-t-il. Ils sont venus nous chercher au fin fond du Labrador, moi et mes six frères et soeurs. Ils ont dit à mes parents qu'on n'aurait plus jamais faim ni froid. Mais je n'avais jamais eu faim ni froid! Puis, ils nous ont mis dans le train pour Sept-Îles. J'ai pleuré pendant trois jours. Jusqu'à ce que mon frère vienne me voir et me dise: ''Papa et maman, c'est fini...'' J'y suis resté pendant sept ans.»

Florent Vollant, 53 ans, admet qu'il s'en est bien sorti. Après le pensionnat, il est retourné chez lui, pour reconnecter avec ses racines. Il est tombé dans la drogue et la délinquance (sa période «de perdition», dit-il), mais pas autant que ceux qui ont choisi de rester à Sept-Îles et qui se sont perdus pour vrai.

«Retrouver mes gestes, ma langue, mes rituels, ça m'a sauvé.»

Collectivement par contre, il est clair que les plaies ne se sont toujours pas refermées. Pas besoin de revenir sur tous les maux qui affligent les communautés autochtones du Canada. Entre la drogue, la violence, le taux de suicide alarmant, la disparition des langues ancestrales et le dysfonctionnement parental, les séquelles sont innombrables. «On a hérité d'une violence extraordinaire. Ça, c'est l'héritage des pensionnats», résume le chanteur.

Nécessaire guérison

Est-ce que la Commission de vérité et réconciliation sera suffisante pour guérir les traumatismes des écoles résidentielles? Vollant hésite. Selon lui, cette vaste opération de lavage, de pardon et de rédemption devrait permettre «d'identifier» les cicatrices et de mettre des mots dessus. En ce sens, il s'agit bel et bien d'un processus de guérison nécessaire, quelque chose qui devait être fait. «Un passage obligé», lance l'Innu.

Cela dit, il croit que la «réconciliation» doit aussi venir de l'intérieur. Une fois que les erreurs auront été reconnues, avouées et pardonnées, les autochtones devront tourner la page. «On ne peut pas rester éternellement des victimes, dit-il. À un moment donné, il faut passer à autre chose.»

L'espoir est là, conclut-il, en parlant des nouvelles générations, qui sont passées du repli à la fierté, comme on a pu le constater l'hiver dernier avec le mouvement Idle No More. «Il y a quelque chose qui se passe. Les résultats ne sont pas encore concrets. Et je ne sais pas comment ça va se traduire dans les années futures. Mais c'est encourageant. Si je n'y croyais pas, je ne serais pas ici...»

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Florent Vollant est en spectacle ce soir avec Richard Séguin, Biz (Loco Locass), Elisapie Isaac, Fort George Rockers, Willie Dunn et les Keepers of the Eastern Door Mohawk Singers and Dancers. Au Grand Salon de l'hôtel Reine-Elizabeth. 19h.