Les prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle ont été remis hier à six artistes canadiens qui se sont démarqués par leur carrière hors du commun. Se trouvent parmi eux le cinéaste québécois indépendant Jean Pierre Lefebvre, la comédienne acadienne Viola Léger et le chanteur et réalisateur Daniel Lanois.

Deux autres prix ont aussi été décernés. Le premier à la cinéaste et comédienne Sarah Polley, pour souligner la qualité de son travail en 2012, et le second au mécène québécois Jean Pierre Desrosiers pour le bénévolat.

Depuis 20 ans, ce CGA qui travaille au cabinet d'avocats Fasken Martineau s'implique auprès des artistes, de La La La Human Steps au Cirque Éloize, en siégeant à de nombreux conseils d'administration et en dirigeant des dizaines de campagnes de financement pour des organismes et des compagnies de théâtre, du Prospero au Rideau Vert.

Content de sortir de l'ombre? «C'est normal que je sois dans l'ombre, dit M. Desrosiers. Moi, j'ai la job facile... Ce sont les gens avec qui je travaille qui créent. Je ne suis pas artiste, mais je contribue à leur art en les aidant.»

Proche du président du CA du Musée d'art contemporain, Alexandre Taillefer, qui a lancé récemment un appel au mécénat, Jean Pierre Desrosiers estime qui si les artistes sont les bénéficiaires évidents de ces partenariats, les gens d'affaires ont aussi beaucoup à gagner. «Je ne serais pas la même personne si ne n'avais pas fréquenté Edouard Lock, Denise Filiatrault, Jeannot Painchaud... Ils m'ont appris beaucoup.»

Le cinéaste Jean Pierre Lefebvre, qui a réalisé une trentaine de productions en près de 50 ans, voit ce prix comme une reconnaissance de ce qu'il a apporté à la culture québécoise. «J'ai aimé lui appartenir. Dans mes films, j'ai voulu parler de la famille québécoise, de ce qu'on est, de ce qu'on vit.»

La voie de l'indépendance

Il a été un des rares cinéastes des années 60 à ne pas être passé par l'ONF. Mais il affirme ne pas avoir choisi la voie de l'indépendance: c'est le cinéma indépendant qui l'a choisi. «On m'a souvent traité de tête de cochon. Disons que je tiens à ce que je tiens et que mon souci a toujours été de ne rien faire que je ne pourrais partager avec mes enfants. Ma démarche a été plus éthique qu'esthétique.»

Lorsqu'on oppose aujourd'hui le cinéma grand public au cinéma d'auteur, on se trompe de débat, estime le cinéaste de 72 ans. «Je comprends qu'on ait ce débat, par contre. Mais espérer un avenir commercial pour notre cinéma, dans notre marché, c'est une utopie. Ce n'est pas nous qui contrôlons les réseaux de distribution, les petites salles ferment, les télédiffuseurs ne veulent plus investir... C'est une situation de transition qui est mondiale, mais dans tout ça, il ne faut pas oublier que la culture est un investissement capital qui n'est pas d'ordre financier. On peut comparer ça à la défense de notre langue. C'est une question d'identité et de culture, et c'est cette quête que nous avons faite pendant les années 60 et 70. Aujourd'hui, plutôt que de parler du monde, on cherche juste à les flatter dans le sens du poil.»

Les trois autres gagnants des prix de la réalisation artistique sont le violoniste Andrew Dawes, le comédien Eric Peterson et la chorégraphe Menaka Thakkar.