La grande dame du théâtre québécois Françoise Faucher et le plus rock star des chefs d'orchestre Yannick Nézet-Séguin étaient particulièrement heureux de se retrouver, mardi, dans un théâtre de Montréal, d'autant plus que c'était pour être honorés par la gouverneure générale Michaëlle Jean, alors qu'on annonçait les noms des prochains récipiendaires des Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle.

«Lorsque j'ai fondé mon choeur et orchestre La Chapelle de Montréal (en 1995), on a fait quelques années des projets ensemble, où elle récitait des poèmes de (Paul) Claudel», s'est remémoré après l'annonce le maestro âgé de 34 ans.

«C'était extraordinaire de travailler avec Françoise Faucher, a-t-il ajouté. Et quand on s'est vus avant (l'annonce de mardi matin), c'était un moment très touchant pour moi parce que c'était comme si je pouvais me rapprocher un peu de cette aura qu'elle a.»

«Partager ce prix, en quelque sorte, avec notamment un Yannick Nézet-Séguin qui fait une carrière tellement prestigieuse, c'est réjouissant, lui a rendu Mme Faucher, 80 ans, en entrevue. Quand on pense à ce jeune homme qui entre dans la vie et qui nous apporte tant de beauté, de grandeur, de spiritualité à travers la musique, c'est formidable.»

Françoise Faucher a été «très touchée» d'apprendre qu'elle sera l'une des six récipiendaires de l'édition 2010 des «Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle de la réalisation artistique», accompagnés de bourses de 25 000 $. Les artistes qui seront honorés avec elle sont le chorégraphe Edouard Lock, les auteurs-compositeurs-interprètes Bryan Adams et Buffy Sainte-Marie, l'impresario Walter Homburger et l'acteur et metteur en scène Robin Phillips.

Les lauréats recevront leurs prix lors d'une cérémonie le 29 avril, à Rideau Hall, résidence officielle de la gouverneure générale. Ils ont assisté à la présentation de mardi, au théâtre Espace Go, à Montréal, à l'exception de MM. Adams et Lock et de Mme Sainte-Marie, retenus ailleurs.

«C'est bien, ça honore, ça donne envie de continuer, bien sûr, mais ce n'est qu'un geste, a souligné Mme Faucher. Il faut que ce soit amplifié, que la culture vive d'une façon beaucoup plus intense à travers tout le Canada. Je trouve qu'ici, au Québec, on est très vigoureux, très inventifs, la culture rayonne. Mais on a besoin d'aide, on a besoin du nerf de la guerre - l'argent -, et on a besoin que la culture se répande dès le départ, c'est-à-dire dans les écoles. Il y a un travail énorme à faire.»

Robin Phillips a tenu des propos similaires, estimant que les Prix du Gouverneur général donnent aux artistes l'occasion de s'exprimer publiquement sans leurs masques de théâtre. «Je pense que les artistes doivent agir en leaders, a-t-il affirmé en entrevue. Si nous nous y prenons de la bonne façon, les politiciens s'y prendront aussi de la bonne façon, et le contraire est également vrai.»

Yannick Nézet-Séguin recevra quant à lui le Prix du Centre national des Arts. Ce prix, lui aussi assorti d'un chèque de 25 000 $, est décerné à une personne ou un groupe ayant apporté une contribution exceptionnelle dans le domaine des arts de la scène au cours de l'année précédente.

«Les honneurs témoignent du travail que je fais, a convenu M. Nézet-Séguin. Mais comme chef d'orchestre, il y a une dimension additionnelle: je rassemble beaucoup de musiciens et je suis le porte-parole, la voix, l'image de plusieurs musiciens qui travaillent plus dans l'ombre. Je prends ces honneurs-là comme tel.»

«On dit souvent «nul n'est prophète en son pays', mais ce n'est pas quelque chose que je peux dire, a-t-il déclaré. C'est vrai que ma carrière est internationale, mais le Canada et le Québec n'ont pas attendu que je sois connu à l'étranger pour m'apprécier. Je le reçois avec beaucoup de plaisir et je suis vraiment honoré.»

Les récipiendaires du Prix Ramon John Hnatyshyn pour le bénévolat sont Mohammed et Yulanda Faris, un couple de mécènes de la Colombie-Britannique. Mme Faris est notamment la présidente de la Fondation de l'Opéra de Vancouver. Son époux a entre autres joué un rôle de premier plan dans la construction du Scotiabank Dance Center de la même ville.

«On a de plus en plus tendance à parler de la contribution de nos artistes d'une manière toujours quantifiable, chiffrable, pondérable, et l'on oublie trop souvent que l'art est art avant d'être industrie», s'est désolée Michaëlle Jean, lors d'une allocution, ce qui lui a valu les applaudissements de quelques dizaines d'invités.

«Ce que les artistes nous offrent, c'est l'imaginaire, l'émotion, l'inspiration contre la tentation du défaitisme, du renoncement et surtout de l'indifférence», a-t-elle affirmé.

«Il faut à nos artistes, nous le savons, des années de persévérance, d'apprentissage, d'exploration, de travail acharné pour en arriver à exprimer cette singularité qui leur est propre et à nous faire entrevoir à travers elle l'universel qui nous rassemble», a ajouté Mme Jean.

Les Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle étaient jusqu'à maintenant connus comme les Prix du Gouverneur général pour les arts de la scène.