Ils ont écouté, étudié, décortiqué et dirigé des centaines, voire des milliers d'oeuvres de musique classique. Cinq chefs d'orchestre, qui dédient baguette et âme à leur art, nous parlent des oeuvres qui les font vibrer.

Le romantisme de Yannick Nézet-Séguin

Le chef de l'Orchestre Métropolitain se dit passionné de musique romantique. Parmi ses oeuvres favorites figurent toutes les symphonies de Bruckner et de Beethoven ainsi que l'opéra Pelléas et Mélisande de Debussy. Il est également un fervent admirateur de la Messe en si mineur de Bach ainsi que de toutes les symphonies de Mahler. «Ce sont des oeuvres qui contiennent toute l'humanité et toute la variété des sentiments humains. Des émotions douces-amères qui, par définition, ne sont pas descriptibles autrement que par la musique», explique le jeune chef. «On pourrait passer une vie à les approfondir et à les écouter, comme mélomane mais aussi comme interprète. Le propre de la musique classique est de nous faire vivre des émotions impossibles à exprimer même en mots ou en poésie. Je pense que ces compositeurs y sont parvenus mieux que quiconque.»

Bach et Kent Nagano

Le maestro de l'OSM est incapable de désigner les meilleures oeuvres du répertoire classique. «C'est une question du type île déserte!» s'exclame-t-il. «En tant que chef d'orchestre, je dois être convaincu que l'oeuvre que je suis en train de présenter au public est la plus grande qu'il ait jamais écrite. Mais si vous me demandez ce que je joue au piano lorsque je suis seul à la maison, très souvent, je sélectionne une partition de Johann-Sébastien Bach. L'une de ses suites pour orchestre, un concerto, une cantate, une de ses grandes oeuvres religieuses et même des partitions écrites pour d'autres instruments. Je dois avoir une relation spéciale avec Johann! C'était un grand, grand génie.»

Yoav Talmi: Requiems et Symphonies

«C'est comme si vous me demandiez de choisir lequel de mes enfants j'aime le plus», s'est exclamé le chef de l'Orchestre Symphonique de Québec lorsque La Presse l'a sondé au sujet de ses oeuvres préférées. C'est tout de même le Requiem de Mozart qui trône au sommet de son palmarès. «Le travail ultime d'un grand génie», résume-t-il. Il adore également la Symphonie no 2 (Résurrection) de Mahler pour la gamme d'émotions qu'elle reflète, la Symphonie no 4 de Brahms même si c'est la première partition qu'il a étudiée à l'adolescence et la «révolutionnaire» Eroica de Beethoven. Il affectionne tout particulièrement le Requiem de Fauré: «À chaque fois que je termine de diriger cette oeuvre, je me sens plus près du paradis.»

Jean-François Rivest: l'intensité

Chef invité à l'OSM, Jean-François Rivest a des goûts éclectiques. La musique qu'il préfère diriger est celle de Chostakovitch. «Je sens toujours de l'électricité dans la salle, explique-t-il. Il est arrivé, avec la Symphonie no 11, que des dizaines de personnes viennent me voir en pleurant après le concert parce que c'est le compositeur qui est parvenu le mieux à inventer un moyen de communication direct entre l'exécutant et le public.» Le chef de l'Orchestre de l'Université de Montréal aime aussi le jazz, la musique de la Renaissance et affectionne la musique de Bach et de Brahms. «J'aime les choses quintessentielles et je pense que c'est ce qui se passe dans Bach et dans Brahms. J'ai du mal avec la musique dont certaines parties pourraient être inutiles ou interchangeables, mais qui sont agréables à écouter. Vivaldi en est le meilleur exemple. Ou sinon Tchaïkovsky.»

Jacques Lacombe

Le chef de l'Orchestre Symphonique de Trois-Rivières est lui aussi un grand admirateur de Bach. Il aime beaucoup les Suites pour violoncelle, particulièrement la sixième. «Tant pour la pureté et la simplicité. C'est absolument époustouflant ce que Bach est capable de communiquer comme émotion avec un minimum de notes. L'oreille de l'auditeur est appelée à compléter les accords. C'est une musique qui vient de l'intérieur, je trouve.» Jacques Lacombe aime également l'opéra Werther de Massenet et Le Sacre du printemps de Stravinsky. «C'est une oeuvre qui a bouleversé l'évolution de la musique classique au début du 20e siècle. S'il existait une machine à retourner dans le temps, un événement auquel j'aimerais assister est sa création à Paris. C'est une oeuvre d'une puissance incroyable. Chez Stravinsky, l'art de l'orchestration est très subtil. Il peut aller autant dans la force que dans les menus détails.»