L'artiste britannique Damien Hirst, déjà habitué des provocations avec des animaux baignant dans le formol ou un crâne incrusté de diamants, entend cette fois révolutionner le marché de l'art en vendant des centaines de ses oeuvres aux enchères, snobant les galeries.

Lundi et mardi, la prestigieuse maison Sotheby's de Londres mettra sous le marteau 223 oeuvres de Hirst, pour une estimation totale de 65 millions de livres (82 millions d'euros). C'est la première fois qu'un artiste met lui-même ses oeuvres aux enchères, tandis que les galeries étaient jusqu'à présent un passage obligé, empochant une juteuse commission de 40 à 50%.

Hirst «réécrit les règles de l'histoire de l'art», estimait le quotidien Daily Telegraph dans une récente édition.

La maison Sotheby's qualifie elle aussi la vente d'«historique». Sotheby's a souligné que jamais depuis sa fondation en 1744, un artiste n'y avait vendu directement ses oeuvres.

«Beaucoup d'argent circule dans le marché de l'art mais les artistes n'en voient pas la couleur», a estimé un expert de la maison.

Récemment interrogé sur la télévision BBC, Damien Hirst a précisé avoir été «approché» par Sotheby's. «Je savais que ça allait en énerver plus d'un mais j'aime pas mal ça. Le marché de l'art a été établi à l'époque victorienne, comme une sorte de club de gentlemen et c'est resté le même depuis de très nombreuses années», a-t-il ajouté.

Damien Hirst est déjà l'un des artites contemporains les mieux vendus dans le monde. En août 2007, il est devenu l'artiste vivant le plus cher au monde avec «For The Love Of God» («Pour l'Amour de Dieu»), copie en platine d'un crâne du 18e siècle, parsemée de 8.601 diamants. L'oeuvre a été vendue 100 millions de dollars (74 millions d'euros).

L'artiste devrait empocher la quasi-totalité du fruit de la vente de Sotheby's, intitulée «Beautiful inside my head forever» («Beauté dans ma tête pour toujours»). La commission de la maison est en effet payée par les acheteurs. L'artiste a cependant promis de verser une partie de ses bénéfices à des associations caritatives.

Fidèle au thème préféré de l'artiste -- la mort --, le clou des enchères sera «Le veau d'or» (2008) : l'animal est installé dans un aquarium de formol avec les sabots, les cornes et un disque reposant sur son crâne recouverts d'or. Il est estimé entre 8 et 12 millions de livres (10 à 15 millions d'euros).

Sur le même principe, Sotheby's va également proposer un requin, un zèbre ou encore un poulain transformé en licorne, toujours plongés dans du formol.

La «révolution Hirst» va-t-elle signer le glas des galeries, se demandait la semaine dernière le Sunday Times. Peut-être pas, mais elle devrait encore accroître la fortune de l'artiste, devenu un véritable homme d'affaires à la tête d'un atelier de près de deux cents assistants qui enchaînent les productions.

L'édition européenne du magazine américain Time a récemment fait sa Une sur un «artiste riche qui va encore s'enrichir». Son manager, Frank Dunphy, a estimé que Hirst valait «un milliard de dollars» et qu'il était «l'artiste le plus riche en dollars de l'histoire de l'art».

Hirst possède entre trente et quarante propriétés, a indiqué M. Dunphy à la presse britannique. Il partage son temps entre sa ferme dans le Devon, dans le sud-ouest de l'Angleterre, et Londres, où il a sa suite au Claridge's, un des plus luxueux hôtels de la capitale. Quand il n'est pas au Royaume-Uni, il passe trois mois dans sa villa mexicaine.

À 43 ans, la fortune de Hirst serait le double de celle de Mick Jagger et Elton John, et équivaudrait à celle de JK Rowling, l'auteur de la saga Harry Potter, selon la presse britannique.