Le tandem du Kansas éblouit la presse blues avec ses chansons primitives et denses, empruntant les chemins de traverse de l'Amérique. Seule escale canadienne de Moreland&Arbuckle, Tremblant vit au rythme lent et paisible du Midwest...

Le Kansas, le heartland comme ils disent, est en plein coeur du territoire amerloque. Plus Midwest que ça... Terre promise pour Dustin Arbuckle, 27 ans, chanteur et harmoniciste, et Aaron «Chainsaw» Moreland, 34 ans, guitariste. Et pour Brad Horner, batteur de l'ombre, essentiel au blues rural anachronique du groupe.

1861, le troisième et plus récent disque du trio, est une mixture homogène de chansons anciennes, comme Gonna Send You Back To Georgia de Hound Dog Taylor, et nouvelles, d'une consternante vérité. Mississippi Hill Country, Delta blues, country et rock s'entrechoquent pour notre plus grand plaisir parce que faits avec la passion de l'artisan. Et avec les vrais outils. Moreland alterne entre sa National Resonator, sa National Steel, son Oscar Schmidt des années 30 et sa guitare à quatre cordes faite d'une boîte de cigares.

«J'en ai une douzaine comme ça, explique Moreland, joint au Kansas. Et ça inclut une guitare lap steel et un banjo. Mais j'en trimballe moins en tournée parce qu'elles sont accordées différemment. En plus, avec l'horaire chargé qu'on a, je n'ai plus le temps d'expérimenter avec toutes ces guitares. J'ai un peu honte de le dire, mais je peux passer plusieurs jours sans jouer d'aucune d'entre elles.»

Le Guitar Edge Magazine a écrit «Top ten blues legend in the making» à propos de mon interlocuteur. Sa réponse? «J'ai pas mal de chemin à faire avant de devenir une légende». Bien dit.

Dans le dossier de presse, on lit avec curiosité «1960's garage band energy» et «old classics, new sounds». «On n'essaie pas de copier qui que ce soit, répond Moreland. J'essaie plutôt d'extraire le feeling d'ensemble des oeuvres du passé, l'attitude, mais le note pour note? Ce n'est pas moi. Désolé. On fait plusieurs covers parce que nous sommes un groupe de blues, R.L. Burnside, Jr. Kimbrough, Johnny Cash, on fait même du Tom Waits (rire), Elmore James, on joue des choses très différentes, mais cela doit être compatible avec notre instrumentation».

Affinités musicales

Comment le destin d'Arbuckle et le vôtre se sont-ils croisés? «Dustin et moi étions dans des groupes différents. Après s'être rencontrés, on s'est aperçus que nous avions des affinités musicales, tirant sur les racines et les origines du blues. Pour nous, il existe une période fascinante entre la fin du XIXe siècle et la guerre de 1914-1918 qui a permis à un tas de gens, pas juste les esclaves, d'exprimer leur quotidien en chanson à l'aide d'instruments nouveaux, vestiges de la guerre de Sécession. Alors, on a commencé à faire des duos acoustiques ensemble, puis des électriques.»

Sur YouTube, une version hallucinante de The Legend of John Henry chantée jadis par les esclaves dans les champs de coton fait fureur : «L'enregistrement est tellement bon qu'on va l'inclure sur notre prochain disque», annonce fièrement Moreland.

Le vent dans les voiles? «On fait environ 120 spectacles par année, on vend des tonnes de produits dérivés, les médias nous aiment, nos vies ont basculé. On va en Europe en septembre, puis en Irak pour les troupes, je suis un homme de famille et je crois que c'est la bonne chose à faire». Patriotique, au sens républicain du terme...

Après avoir joué hier après-midi sur l'intimiste scène Deslauriers, Moreland&Arbuckle donnent aujourd'hui un atelier à l'Aire du blues, suivi d'un spectacle à la place Saint-Bernard.

Moreland&Arbuckle, en spectacle ce soir, 17h, au Festival de blues de Tremblant.