Tout au long de ma vie d’adulte, chaque fois que j’ai eu une question sur le monde ou que j’ai eu besoin de trouver quelque chose en ligne, j’ai cherché des réponses sur Google.

Mais depuis peu, je m’éloigne de Google avec un nouveau moteur de recherche alimenté par l’intelligence artificielle (IA). (Non, pas Bing, qui est mort à mes yeux après avoir essayé de briser mon mariage l’année dernière.)

Il s’agit de Perplexity. Ce moteur de recherche, dont les fondateurs ont travaillé dans la recherche en intelligence artificielle chez OpenAI et Meta, est rapidement devenu l’un des produits les plus en vogue dans le monde de la technologie. Les initiés de la technologie en font l’éloge sur les réseaux sociaux, et des investisseurs comme Jeff Bezos – qui était également un investisseur de la première heure de Google – l’ont arrosé d’argent. L’entreprise a récemment annoncé qu’elle avait amassé 74 millions de dollars lors d’un tour de table mené par Institutional Venture Partners, ce qui la valorise à 520 millions de dollars américains (plus de 700 millions de dollars canadiens).

Intrigué par le battage médiatique, j’ai récemment passé plusieurs semaines à utiliser Perplexity comme moteur de recherche par défaut, à la fois sur ordinateur et sur mobile. J’ai testé à la fois la version gratuite et le produit payant, Perplexity Pro, qui coûte 20 $ US par mois et donne aux utilisateurs l’accès à des modèles d’IA plus puissants et à certaines fonctionnalités, comme la possibilité de télécharger leurs propres fichiers.

Des centaines de recherches plus tard, je peux dire que même si Perplexity n’est pas parfait, il est très bon. Et même si je ne suis pas prêt à rompre totalement avec Google, je suis désormais plus convaincu que les moteurs de recherche alimentés par l’IA comme Perplexity pourraient desserrer l’emprise de Google sur le marché de la recherche ou, du moins, l’obliger à rattraper son retard.

J’ai également peur que les moteurs de recherche dotés d’IA ne détruisent mon emploi et que l’ensemble du secteur des médias numériques ne s’effondre à cause de produits comme ceux-ci. Mais je m’avance un peu.

Les points forts

À première vue, l’interface de Perplexity ressemble beaucoup à celle de Google : une zone de texte centrée sur une page d’accueil peu fournie.

Mais dès que vous commencez à taper, les différences deviennent évidentes. Lorsque vous posez une question, Perplexity ne vous renvoie pas une liste de liens. Au lieu de cela, il parcourt le web pour vous et utilise l’intelligence artificielle pour rédiger un résumé de ce qu’il a trouvé. Ces réponses sont annotées de liens vers les sources utilisées par l’IA, qui apparaissent également dans un panneau au-dessus de la réponse.

J’ai testé Perplexity sur des centaines de requêtes, notamment des questions sur l’actualité (« Comment Nikki Haley s’est-elle débrouillée dans les primaires du New Hampshire ? »), des recommandations d’achat (« Quelle est la meilleure nourriture pour un chien âgé souffrant de douleurs articulaires ? ») et des tâches ménagères (« Pendant combien de temps un ragoût de bœuf reste-t-il bon dans le réfrigérateur ? »).

Chaque fois, j’ai reçu une réponse générée par l’IA, généralement d’un ou deux paragraphes, parsemée de citations de sites web tels que NPR, The New York Times et Reddit, ainsi qu’une liste de questions complémentaires que je pouvais poser – par exemple : « Peut-on congeler un ragoût de bœuf pour qu’il se conserve plus longtemps ? ».

Une fonction impressionnante de Perplexity est le « Copilot », qui aide l’utilisateur à affiner sa requête en lui posant des questions complémentaires. Lorsque j’ai demandé des idées pour organiser une fête d’anniversaire pour un enfant de 2 ans, par exemple, Copilot m’a demandé si je voulais des suggestions pour des espaces extérieurs, des espaces intérieurs, ou les deux. Lorsque j’ai choisi « intérieur », il m’a demandé de choisir un budget approximatif pour la fête. Ce n’est qu’ensuite qu’il m’a donné une liste de lieux possibles.

Perplexity est également capable d’admettre qu’il ne sait pas quelque chose, ce qui est rafraîchissant. Parfois, il a donné une réponse partielle à ma question, avec une mise en garde du type « Les résultats de la recherche ne fournissent pas de détails supplémentaires ». La plupart des produits de chat IA que j’ai utilisés n’ont pas ce genre d’humilité ; ils semblent sûrs de leurs réponses, même lorsqu’ils racontent n’importe quoi.

Les domaines où Google domine encore

Lors de mes tests, j’ai trouvé Perplexity très utile pour les recherches compliquées ou ouvertes, par exemple pour résumer des articles récents sur une entreprise spécifique ou pour me donner des suggestions de restaurants pour un soir. Je l’ai également trouvé utile lorsque ce que je cherchais – des instructions pour renouveler un passeport, par exemple – était caché sur un site web encombré à la navigation difficile.

Toutefois, je me suis rabattu sur Google pour quelques types de recherches, généralement lorsque je cherchais des personnes précises ou des sites web dont je connaissais déjà l’existence. Par exemple, lorsque j’ai tapé « Wayback Machine » dans la barre de recherche de mon navigateur, j’ai été redirigé vers Perplexity, qui a produit un essai d’un paragraphe sur l’histoire de l’Internet Archive, l’organisation qui gère la Wayback Machine. J’ai dû chercher un petit lien de citation pour accéder au site web de la Wayback Machine, ce que je voulais au départ.

Une situation similaire s’est produite lorsque j’ai demandé à Perplexity de m’indiquer le chemin à suivre pour me rendre à une réunion de travail. Grâce à son intégration avec Google Maps, Google m’aurait donné des indications détaillées à partir de chez moi. Mais Perplexity ne sait pas où j’habite, et le mieux qu’il puisse me proposer est un lien vers MapQuest.

Les données de localisation ne sont que l’un des nombreux avantages dont dispose Google par rapport à Perplexity. La taille en est un autre ; Perplexity, qui ne compte que 41 employés et est établie dans un espace de travail partagé à San Francisco, compte 10 millions d’utilisateurs actifs mensuels, un chiffre impressionnant pour une toute jeune start-up, mais une goutte d’eau par rapport aux milliards d’utilisateurs de Google.

Perplexity n’a pas non plus de modèle commercial lucratif. Pour l’instant, le site n’a pas de publicité et moins de 100 000 personnes paient pour la version « premium », a déclaré Aravind Srinivas, PDG de l’entreprise. Et, bien sûr, Perplexity ne propose pas de versions de Gmail, de Google Chrome, de Google Docs ou de l’un des dizaines d’autres produits qui rendent l’écosystème de Google si incontournable.

M. Srinivas a déclaré que même s’il pensait que Google était un concurrent redoutable, une petite start-up ciblée pourrait le faire sursauter.

« Ce qui me rend confiant, c’est le fait que s’ils veulent faire mieux que nous, ils devront essentiellement tuer leur propre modèle d’entreprise », a-t-il déclaré.

Qu’en est-il des hallucinations ?

L’un des problèmes des moteurs de recherche basés sur l’IA est qu’ils ont tendance à halluciner, à inventer des réponses et à s’éloigner parfois de leur source. Ce problème a hanté plusieurs hybrides de recherche IA, y compris la version initiale de Bard de Google, et reste l’un des principaux obstacles à une adoption massive.

Lors de mes tests, j’ai constaté que les réponses de Perplexity étaient pour la plupart exactes – ou, pour être plus précis, qu’elles étaient aussi exactes que les sources sur lesquelles elles s’appuyaient.

J’ai toutefois relevé quelques erreurs. Lorsque j’ai demandé à Perplexity de me donner la date du prochain match de tennis de Novak Djokovic, il m’a donné les détails d’un match qu’il avait déjà terminé. Une autre fois, lorsque j’ai téléchargé un fichier PDF d’un nouvel article de recherche sur l’IA et que j’ai demandé à Perplexity de le résumer, j’ai obtenu un résumé d’un article totalement différent, publié il y a trois ans.

M. Srinivas a reconnu que les moteurs de recherche alimentés par l’IA commettaient encore des erreurs. Il a expliqué que Perplexity étant un petit produit relativement obscur, les utilisateurs ne s’attendaient pas à ce qu’il fasse autant autorité que Google, et que ce dernier aurait du mal à intégrer l’IA générative dans son moteur de recherche parce qu’il devait maintenir sa réputation d’exactitude.

« Disons que vous utilisez notre produit et que nous obtenons de bons résultats sur 8 requêtes sur 10. Vous seriez impressionné, a affirmé M. Srinivas. Supposons que vous utilisiez le produit de Google et qu’il n’obtienne que 7 sur 10. Vous vous demanderiez comment Google peut se tromper sur trois requêtes. »

« Cette asymétrie est notre chance », a-t-il ajouté.

Une victoire pour les utilisateurs, une perte pour les éditeurs

Même si j’ai apprécié Perplexity et que je continuerai probablement à l’utiliser en tandem avec Google, je dois admettre que j’ai eu un pincement au cœur après l’avoir vu produire des résumés impeccables et concis d’articles d’actualité, de revues de produits et d’articles pratiques.

Aujourd’hui, l’économie des médias numériques repose encore en grande partie sur un flux régulier de personnes qui cliquent sur les liens de Google et se voient proposer des publicités sur les sites web des éditeurs.

Avec Perplexity, il n’est généralement pas nécessaire de visiter un site web ; l’IA se charge de la navigation à votre place et vous fournit toutes les informations dont vous avez besoin, directement sur la page de réponse.

La possibilité que les moteurs de recherche alimentés par l’IA remplacent le trafic de Google – ou incitent Google à intégrer des fonctions similaires dans son moteur de recherche, comme il a commencé à le faire avec son expérience « search generative experience » – est en partie la raison pour laquelle de nombreux éditeurs numériques sont terrifiés en ce moment. C’est aussi en partie la raison pour laquelle certains se défendent, notamment le Times, qui a poursuivi OpenAI et Microsoft pour violation des droits d’auteur l’année dernière.

Après avoir utilisé Perplexity et entendu parler de produits similaires développés par d’autres jeunes pousses, je suis convaincu que ceux qui sont inquiets n’ont pas tort. Si les moteurs de recherche IA peuvent résumer de manière fiable ce qui se passe dans la bande de Gaza ou dire aux utilisateurs quel grille-pain acheter, pourquoi quelqu’un visiterait-il encore le site web d’un éditeur ? Pourquoi les journalistes, les blogueurs et les évaluateurs de produits continueraient-ils à mettre leur travail en ligne si un moteur de recherche d’IA ne fait que l’engloutir et le régurgiter ?

J’ai fait part de ces craintes à M. Srinivas, qui a répondu par une esquive diplomatique. Il a admis que Perplexity enverrait probablement moins de trafic vers les sites web que les moteurs de recherche traditionnels. Mais il a ajouté que le trafic restant serait de meilleure qualité et plus facile à monétiser pour les éditeurs, car il résulterait de requêtes de meilleure qualité et plus ciblées.

Je suis sceptique quant à cet argument, et je suis toujours nerveux par rapport à ce que l’avenir réserve aux écrivains, aux éditeurs et aux personnes qui consomment des médias en ligne.

Pour l’instant, je dois donc mettre en balance la commodité d’utilisation de Perplexity et la crainte de contribuer à ma propre perte en l’utilisant.

Cet article a été publié à l’origine dans le New York Times.

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