Que ce soit en usine ou devant leur écran, les humains sont souvent déboussolés par les nombreuses innovations technologiques. Ils devraient l’être un peu moins, du moins au Québec, grâce au financement de 18 millions qu’annoncera ce vendredi HEC Montréal.

Ce financement record pour HEC sera utilisé par le plus important laboratoire universitaire en expérience utilisateur (UX) au monde, le Tech3Lab. La moitié provient du gouvernement fédéral, 25 % du provincial et 25 % de 13 partenaires, notamment la Société Radio-Canada, Desjardins, Sobeys et Vidéotron.

« C’est un moment historique, lance, sourire en coin, Pierre-Majorique Léger, codirecteur du Tech3Lab. On est dans un moment assez intéressant dans l’histoire du développement technologique, on a une transformation dans la manière d’interagir avec des interfaces de toutes sortes. »

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Pierre-Majorique Léger, codirecteur du Tech3Lab et professeur au département de technologies de l’information de HEC Montréal

Incompréhension et échec

Pour le professeur au département de technologies de l’information, des intelligences artificielles génératives comme ChatGPT ou Dall-E ont chambardé notre façon d’interagir avec la technologie. Plus de 42 milliards US ont été investis cette année dans ce domaine aux États-Unis, souligne-t-il.

« Quatre-vingt-cinq pour cent des projets sont des échecs. Une partie de l’échec vient de l’incompréhension de la façon dont l’outil va être utilisé par l’humain. Ça, c’est notre métier », explique-t-il.

Le Tech3Lab, où travaillent une centaine d’étudiants, est un laboratoire d’un genre unique. Il se spécialise dans l’étude des interactions entre humains et technologie, en recourant notamment à des outils issus des neurosciences.

On scrute par exemple le mouvement des yeux, l’expression des émotions, l’activité électrodermale et encéphalographique, ainsi que les pulsations cardiaques de participants pour évaluer la facilité avec laquelle ils maîtrisent un site web ou un module de production en usine.

Les données sont combinées selon une méthode qui a valu son premier brevet à HEC Montréal en 2019, grâce à sept chercheurs dont M. Léger et Sylvain Sénécal, codirecteur du Tech3Lab et professeur au département de marketing de HEC Montréal. On peut alors mieux comprendre la réaction d’un utilisateur devant un site, une application ou une interface, et répertorier les meilleures pratiques.

Les 18 millions annoncés ce vendredi serviront à deux programmes de recherche dirigés par MM. Léger et Sénécal, assistés d’une dizaine de chercheurs de HEC. Le premier programme vise à aider les organisations à développer des interfaces qui seront faciles à utiliser, l’autre à améliorer et rendre plus accessibles les mesures de l’UX.

Vrais patients

Peu de grandes entreprises au Québec ont les moyens de monter leur propre laboratoire de recherche dans ce domaine, et celles qui le font ont besoin d’experts, souligne Sylvain Sénécal, d’où l’importance du Tech3Lab. « Certains de nos plus importants partenaires qui ont leur laboratoire ont recruté nos étudiants, ça fait partie de notre mission. Pour d’autres petites entreprises, pour Alloprof par exemple, ce n’est pas dans leur plan stratégique. Ils peuvent quand même accéder à la fine pointe des méthodes, ça leur donne un accès qu’ils n’auraient pas autrement. »

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Sylvain Sénécal, codirecteur du Tech3Lab et professeur au département de marketing de HEC Montréal

Cette symbiose avec l’entreprise privée est une des fiertés du Tech3Lab, souligne M. Léger, et permet une formation plus efficace. « Au lieu de former des étudiants dans une tour d’ivoire, on leur apporte de vrais problèmes à résoudre. Comme dans un centre hospitalier universitaire où on a affaire à de vrais patients. »