(Ottawa) Un dirigeant de TikTok a fait face mercredi à des législateurs canadiens qui craignent que les données de l’application ne se retrouvent entre les mains du gouvernement chinois.

Steve de Eyre, directeur de la politique publique et des affaires gouvernementales de TikTok Canada, a souligné lors d’une réunion d’un comité de la Chambre des communes que l’application de partage de vidéos n’était pas contrôlée par le gouvernement chinois.

Les gouvernements occidentaux se sont inquiétés du fait que la plateforme populaire détenue par ByteDance, établie à Pékin, pourrait mettre des données sensibles entre les mains du gouvernement chinois ou être utilisée comme outil de désinformation.

La loi chinoise stipule que le gouvernement peut ordonner aux entreprises de l’aider à recueillir des renseignements.

Lorsque le député néo-démocrate Matthew Green a posé une question sur la loi, un autre dirigeant de TikTok l’a balayée du revers de la main.

« Je ne suis pas un expert en droit chinois », a déclaré David Lieber, responsable de la politique publique en matière de protection de la vie privée pour les Amériques.

Le gouvernement fédéral a banni TikTok des appareils appartenant au gouvernement en février, après que son directeur de l’information a annoncé que l’application créait un niveau « inacceptable » de risque pour la vie privée et la sécurité.

Les provinces ont ensuite emboîté le pas et interdit TikTok sur les appareils gouvernementaux, ce que M. de Eyre juge injuste.

Il a ajouté qu’il avait depuis contacté le Conseil du Trésor et le responsable de l’information pour mieux comprendre la position du gouvernement.

« Nous fonctionnons de la même manière que les autres plateformes. Je dirai que notre politique – et nous avons été publics à ce sujet – est qu’il n’est probablement pas nécessaire d’avoir des applications de médias sociaux ou des applications de divertissement ou de jeux sur l’appareil d’un employé du gouvernement. Mais ces règles doivent s’appliquer de la même manière à toutes les plateformes », a-t-il déclaré au comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique.

Des craintes croissantes

Les autorités fédérales et provinciales chargées de la protection de la vie privée ont également cherché à savoir si TikTok était conforme à la législation sur la protection de la vie privée.

Un nombre croissant de gouvernements, dont celui des États-Unis, ont interdit la populaire application de partage de vidéos en raison des préoccupations croissantes en matière de cybersécurité.

En Australie, l’application a été interdite sur les appareils gouvernementaux après que le procureur général du pays a reçu l’avis des agences de renseignement et de sécurité.

Le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne ont également imposé des interdictions sur leurs appareils, et ont conseillé à leur personnel de supprimer l’application TikTok de leurs appareils personnels.

M. Lieber a précisé que TikTok prenait des mesures pour protéger les données canadiennes en les stockant sur des serveurs situés aux États-Unis, en Malaisie et à Singapour.

Il a indiqué que le gouvernement chinois n’avait jamais demandé les données des Canadiens, mais a admis qu’« il serait irresponsable de ma part ou de la part de tout autre employé d’une entreprise technologique de donner des garanties catégoriques sur ce dont les gouvernements sont capables ou incapables en termes de capacité à mener des activités, y compris le piratage informatique, de leur propre initiative ».

Une note de renseignement datant de septembre 2022, divulguée en vertu de la loi sur l’accès à l’information, a apporté un nouvel éclairage sur les préoccupations du gouvernement concernant TikTok.

La note du secrétariat de l’évaluation du renseignement du Bureau du Conseil privé indique que TikTok est la première application chinoise à atteindre plus d’un milliard d’utilisateurs en dehors de la Chine, « créant ainsi une plateforme de collecte et d’influence omniprésente et intégrée à l’échelle mondiale que Pékin pourrait exploiter ».

« Malgré les assurances, il est de plus en plus évident que les données de TikTok sont accessibles à la Chine », peut-on lire dans ce document, qui s’appuie à la fois sur des sources ouvertes et sur des informations classifiées.

Dans un rapport inédit sur la désinformation chinoise publié le mois dernier, le département d’État américain a affirmé que ByteDance cherchait à empêcher les détracteurs potentiels de Pékin, y compris ceux qui se trouvent en dehors de la Chine, d’utiliser ses plateformes.

Le rapport indique que le gouvernement américain dispose d’informations datant de la fin de l’année 2020 selon lesquelles ByteDance « maintient une liste interne régulièrement mise à jour » identifiant les personnes bloquées ou interdites d’accès à ses plateformes, y compris TikTok, « pour des raisons telles que la défense de l’indépendance de l’Ouïghour ».

Un porte-parole de TikTok, qui n’a pas donné de nom, a déclaré mercredi que « de telles listes n’existent pas pour TikTok ».

Avec des informations de l’Associated Press.