Perte boursière de 100 milliards US pour le géant américain

En présentant son robot conversationnel Bard en grande pompe mercredi à Paris, Google l’a décrit comme « une rampe de lancement pour la curiosité ». Mais cette réplique à ChatGPT a plutôt déclenché une dégringolade boursière mémorable, retranchant plus de 100 milliards US de valorisation à Alphabet, la maison-mère de Google.

Après Microsoft, qui a annoncé mardi que ChatGPT allait être intégré à son moteur de recherche Bing, Google a présenté à plusieurs dizaines de journalistes mercredi ses propres projets pour enrichir son moteur de recherche. Réalité augmentée, représentations 3D et intégration poussée de son robot conversationnel Bard font partie des nouveautés du moteur de recherche de Google, qui contrôle 85 % du marché mondial, selon Statista.

Malgré son intégration étroite au système d’exploitation Windows de Microsoft, Bing est coincé depuis plus de deux décennies à la deuxième position, avec quelque 9 % des parts de marché en 2023.

Erreur astronomique

Dès lundi, Google avait en outre publié sur Twitter un GIF animé décrivant son robot conversationnel Bard comme « un service d’intelligence artificielle conversationnelle expérimentale ». Peu de détails ont cependant été divulgués sur l’intégration de cette IA pour la recherche web.

Lisez le tweet de Google (en anglais)

CAPTURE D’ÉCRAN

Mercredi matin, quelques heures avant la présentation de Paris par Google, l’agence Reuters a signalé une erreur du robot Bard. À la question « Quelles découvertes du télescope spatial James Webb pourrais-je présenter à mon enfant de 9 ans ? », Bard a notamment répondu : « James Webb a pris les premières photos de planètes à l’extérieur de notre système solaire ».

Ce qui est faux, l’honneur revenant au Very Large Telescope européen dès 2004.

« C’est une fausse note ici, et l’action a été sévèrement punie pour cela, a expliqué à Reuters Dennis Dick, fondateur et analyste en structure de marché de la firme ontarienne Triple D Trading. Ce qui s’explique par le fait que tout le monde était excité de voir la réponse de Google pour contrer Microsoft. »

Indulgence envers ChatGPT

Déjà malmenée depuis lundi, alors que des analystes estimaient que les détails sur l’intégration de Bard au moteur de recherche étaient insuffisants, l’action d’Alphabet a plongé mercredi dès l’ouverture des marchés nord-américains. En fin de journée, elle perdait près de 8 %, retranchant 101,6 milliards de valorisation boursière à la maison-mère de Google.

« Cela souligne l’importance d’un processus de test rigoureux, a reconnu un porte-parole de Google à l’agence Reuters. Nous combinerons les commentaires externes avec nos propres tests internes pour nous assurer que les réponses de Bard atteignent un niveau élevé de qualité, de sécurité et d’ancrage dans les informations du monde réel. »

À l’inverse, l’annonce mardi par Microsoft de l’intégration de ChatGPT à son moteur de recherche Bing a reçu un accueil favorable au NASDAQ, avec une poussée de l’action de 4,9 % le premier jour.

Pourtant, là encore, les détails de cette intégration étaient rares. La nouvelle version d’un Bing permettant une conversation avec le robot qui a séduit, surpris ou inquiété des millions d’utilisateurs n’est accessible qu’à une poignée d’utilisateurs sur invitation.

Autre paradoxe, ChatGPT s’est révélé à maintes reprises peu fiable depuis son lancement grand public, fin novembre. Le robot conversationnel peut parfois émettre des faussetés comme « Jean-Paul Sartre est né au Québec », un exemple testé par La Presse, ou se montrer baratineur sur des sujets complexes. Mardi, il a suscité la colère de nationalistes en Inde en acceptant de faire une blague sur Krishna, mais pas sur Jésus ou Mahomet.

La dégringolade boursière d’Alphabet mercredi illustre tout le dilemme de Google concernant les robots conversationnels. Le géant des moteurs de recherche a une expertise certaine dans ce domaine et dispose d’outils performants en intelligence artificielle, peut-être supérieurs à ChatGPT, depuis au moins 2021, rappelait la semaine dernière le site américain The Verge. Le hic, soulignait-on à l’interne selon un reportage du New York Times, c’est que la réputation de Google pourrait être entachée si son robot conversationnel commettait des bourdes. Les trois premiers jours en public de Bard semblent confirmer cette crainte.