(Washington) Une majorité de participants à un sondage lancé par Elon Musk sur Twitter a voté lundi pour que l’entrepreneur abandonne la direction du réseau social.

Ce sont 57,5 % des plus de 17 millions de votants qui se sont dits favorables à un départ de M. Musk, qui s’est engagé à respecter le résultat, mais n’a pas encore réagi.

« Dois-je quitter la direction de Twitter ? », avait demandé le milliardaire dans la nuit de dimanche à lundi sur le réseau social.

« Je m’en tiendrai aux résultats de ce sondage », avait-il promis.

Dans un échange avec un de ses abonnés Twitter, M. Musk a assuré qu’il n’avait pas de successeur désigné. Il a indiqué dans un autre message que la plateforme était « sur la voie rapide de la faillite ».

Depuis le rachat fin octobre, le patron de Tesla et de SpaceX a suscité de nombreuses polémiques en licenciant la moitié des effectifs de Twitter, en rétablissant des comptes suspendus, en suspendant ceux de journalistes et en cherchant à lancer un nouvel abonnement payant.  

« Du plan d’abonnement bâclé à l’interdiction des journalistes en passant par les controverses politiques quotidiennes, cela a été la tempête totale alors que les annonceurs ont fui, laissant Twitter creuser son déficit », a noté l’analyste Dan Ives de Wedbush Securities, qui estime à 4 milliards de dollars par an les pertes potentielles de l’entreprise.

Selon le conseiller en investissement Gary Black, M. Musk est également sous la pression du conseil d’administration de Tesla pour lâcher les rênes de Twitter et se recentrer sur le constructeur automobile, dont l’action a chuté de plus de 33 % depuis l’acquisition du réseau social.

« Il est difficile d’ignorer les chiffres », a tweeté M. Black.

Le sondage lancé par M. Musk « n’a rien à voir avec la démocratie », a tweeté Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF) et président du Forum sur l’information et la démocratie. « C’est le degré zéro, voire le contraire de la démocratie. La légitimité ne peut pas venir d’un vote d’internautes ».

Ce sondage est intervenu après une nouvelle décision du réseau social ayant fait beaucoup réagir.

Incompréhension sur les nouvelles règles

Twitter a annoncé dimanche qu’il ne serait plus possible de publier des liens vers des réseaux concurrents, comme Facebook, Instagram, Mastodon ou Truth Social, le réseau social de Donald Trump.

Il est désormais prohibé de tweeter un message comme : « Merci de me suivre @Identifiant sur Instagram », a indiqué la plateforme.

Ces nouvelles règles ont suscité l’incompréhension de nombreux utilisateurs, dont Jack Dorsey, le cofondateur et ancien patron de Twitter.

Après la suspension de certains comptes en vertu de cette nouvelle règle, dont celui de l’investisseur Paul Graham, M. Musk a nuancé sa décision.  

Il a d’abord tweeté qu’au lieu de cibler des tweets individuels, la politique se limiterait à « suspendre des comptes uniquement lorsque l’objectif “principal” de ce compte est la promotion de concurrents ».

Le tempétueux milliardaire a ensuite affirmé que les « changements politiques majeurs » sur le réseau social feraient systématiquement l’objet d’un vote.

PHOTO JIM WATSON, AGENCE FRANCE-PRESSE

Comptes suspendus

La semaine dernière, M. Musk a supprimé puis rétabli les comptes de plusieurs journalistes américains de CNN, du New York Times et du Washington Post notamment, faisant réagir l’Union européenne et l’ONU.

La vice-présidente de la Commission européenne a même menacé l’entrepreneur de sanctions, et le Parlement européen lui a demandé de venir témoigner devant lui.

Le multimilliardaire avait d’abord suspendu mercredi @elonjet, un compte qui rapportait automatiquement les trajets de son jet privé, puis ceux de journalistes qui avaient tweeté à propos de cette décision, les accusant de mettre sa famille en danger.

Ceux-ci ont été rétablis samedi, mais certains ont indiqué avoir été sommés d’effacer certaines publications s’ils voulaient pleinement utiliser la plateforme.

Samedi soir, le compte Twitter d’une journaliste du Washington Post, Taylor Lorenz, a à son tour été suspendu pendant plusieurs heures.

« Elon Musk a suspendu mon compte Twitter », a affirmé sur son blogue la journaliste, qui couvre le secteur des technologies.

Son compte a été restauré dimanche.

Depuis qu’il a pris les rênes de Twitter, M. Musk a rétabli de nombreux comptes bannis, dont celui de M. Trump. Il a également mis fin à la lutte contre la désinformation liée à la COVID-19.

Il a en revanche suspendu le compte du rappeur Kanye West après la publication de plusieurs messages jugés antisémites et refusé le retour sur la plateforme du complotiste d’extrême droite Alex Jones.  

Twitter dans la tempête depuis son achat par Elon Musk

Fuite des annonceurs, licenciements massifs, démissions en cascade, cacophonie autour des nouvelles fonctionnalités : depuis son rachat, fin octobre, le réseau social Twitter tangue au cœur de la tempête Elon Musk.

« L’oiseau est libre »

Le 27 octobre 2022, le milliardaire controversé Elon Musk annonce l’achat de Twitter pour 44 milliards de dollars, après une saga de plus de six mois. « L’oiseau est libre », tweete-t-il, faisant allusion au logo du réseau.

« Twitter est désormais entre de bonnes mains », salue l’ancien président Donald Trump, banni de la plateforme après l’assaut du Capitole début 2021.

Des associations craignent au contraire qu’Elon Musk n’ouvre les vannes à la désinformation et aux discours de haine.

L’Union européenne prévient le 28 que Twitter devra respecter sa nouvelle réglementation sur le numérique, qui contraint les grandes plateformes à modérer leurs contenus.

Elon Musk tente de rassurer en promettant un prochain « conseil de modération des contenus ».

Les annonceurs temporisent

Au lendemain du rachat, General Motors arrête provisoirement de payer pour des publicités sur Twitter, devenant le premier grand annonceur à remettre en cause sa présence sur le réseau, dont 90 % des revenus proviennent de la publicité.

D’autres entreprises suivent, comme les géants américains General Mills (Cheerios et Häagen-Dazs) et Mondelez international (biscuits Oreo) ou encore Volkswagen et Audi.

Huit dollars pour certifier son compte

Le 1er novembre, Elon Musk annonce le lancement prochain d’un abonnement de huit dollars par mois pour les utilisateurs souhaitant faire certifier leur compte comme authentique et être moins exposés à la pub.

La certification des comptes était jusque-là gratuite et seulement accessible à certains profils, comme les gouvernements, les entreprises, les médias, les personnalités politiques, culturelles ou sportives, etc.

Vague de licenciements

Le 4, Twitter entame une vague de licenciements, qui frappe environ 50 % de ses 7500 salariés dans le monde.

« Il n’y a malheureusement pas d’autre choix quand l’entreprise perd plus de quatre millions de dollars par jour », se défend Elon Musk.

Cacophonie autour de Twitter Blue

Le 9, une grande cacophonie entoure le lancement sur les iPhone du nouveau Twitter Blue, l’abonnement payant pour faire authentifier son compte.

Pendant 48 heures, de nombreux comptes se font passer pour ceux de célébrités ou d’entreprises. Ces usurpations poussent Twitter à suspendre Twitter Blue dès le 11.

Avertissement des autorités américaines

Le 10, l’agence américaine de la concurrence (FTC) émet un avertissement rare, disant suivre les récents développements chez Twitter « avec beaucoup d’inquiétude ».

La FTC rappelle que Twitter risque des amendes conséquentes en cas de dérogation aux règles sur la sécurité et la confidentialité des données.

Ultimatum et départs en cascade

Le 16, le milliardaire adresse un ultimatum à ses employés : ils doivent s’engager à « travailler de longues heures à haute intensité », faute de quoi ils seront licenciés.

Selon plusieurs médias américains, des centaines d’entre eux choisissent de partir.

Trump rétabli, Kanye suspendu

Après un sondage auprès des abonnés, Elon Musk décide le 19 de lever la suspension du compte Twitter de Donald Trump.

Dans la foulée, il annonce le rétablissement en masse de comptes bannis — s’ils n’ont pas enfreint la loi — ainsi que la fin de la lutte contre la désinformation sur la COVID-19.

Le 2 décembre, Twitter suspend le compte du rappeur américain Kanye West pour « incitation à la violence », révélant les limites de la liberté d’expression absolue prônée par Elon Musk.

Abonnement payant, suite

Après plusieurs essais, le milliardaire lance le 12 une nouvelle formule d’abonnement payant à Twitter, incluant l’authentification des comptes.

Suspension de comptes de journalistes

Twitter suspend le 15 les comptes de plusieurs journalistes couvrant le réseau social et son nouveau propriétaire. Certains d’entre eux avaient tweeté la veille la décision de Twitter de suspendre le compte qui signalait automatiquement les trajets du jet privé d’Elon Musk.

L’UE menace aussitôt ce dernier de « sanctions ». Le 17, certains des comptes suspendus sont rétablis.

Vote majoritaire pour le départ de Musk

Le 19, une majorité de participants (57,5 %) à un sondage lancé sur Twitter par Musk lui-même vote pour que l’entrepreneur abandonne la direction du réseau social.

Le milliardaire s’est engagé à respecter le résultat, mais n’a pas réagi dans l’immédiat.

PHOTO OLIVIER DOULIERY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Musk et les sondages Twitter : une pratique courante pour prendre des décisions

De la vente d’actions Tesla à son départ de la direction de Twitter en passant par le rétablissement du compte de Donald Trump, Elon Musk a coutume de soumettre au vote des utilisateurs du réseau social à l’oiseau bleu des décisions majeures.

Le patron de Tesla et SpaceX, qui a recours à ces sondages depuis au moins 2018, sollicite de plus en plus l’avis de ses abonnés depuis son acquisition de Twitter fin octobre pour 44 milliards de dollars.

Il s’engage généralement à respecter les résultats, accompagnant souvent ses messages de la formule « Vox populi, Vox dei » (« La voix du peuple est la voix de Dieu ».)

Retour sur quelques-uns des principaux sondages initiés par M. Musk sur Twitter.

Attaque contre les médias

En mai 2018, dans l’un de ses tout premiers sondages sur Twitter, M. Musk a suggéré la création d’un « site sur la crédibilité des médias ».

« Je pense l’appeler Pravda », avait-il ajouté de manière ironique.

88,1 % des 681 000 votants avaient soutenu son idée, qui n’a toutefois jamais vu le jour.

« Arrêtez, s’il vous plaît », l’avait imploré la journaliste Shannon Stirone en commentaire.

« Vous voulez vraiment répandre la même méfiance envers les médias que cultive l’administration Trump ? », avait-elle questionné.

Dogecoin

En mai 2021, M. Musk a demandé si Tesla devrait accepter comme moyen de paiement le Dogecoin, une cryptomonnaie à l’origine parodique dont le multimilliardaire s’est fait le chantre, contribuant à faire gonfler son cours pendant un temps.

Plus de 78 % des quelque 4 millions de participants avaient alors dit oui.

Quelques mois plus tard, M. Musk a indiqué dans un tweet que le fabricant de véhicules électriques allait accepter les paiements pour certains produits estampillés Tesla avec la cryptomonnaie canine.

Vente d’actions Tesla

Le tempétueux dirigeant a proposé début novembre 2021 de vendre 10 % de ses actions Tesla, disant vouloir répondre aux accusations selon lesquelles « les gains non réalisés sont une forme d’évasion fiscale ».

Environ 58 % des 3,5 millions de votants ont répondu favorablement à cette suggestion.

D’après le Wall Street Journal, la SEC a ouvert une enquête pour déterminer si le patron et son frère Kimbal ont commis ou non un délit d’initiés autour de la vente d’actions.

Rétablissement du compte de Trump

Le mois dernier, M. Musk a sondé les utilisateurs de Twitter pour savoir s’il fallait ou non rétablir le compte de Donald Trump.

L’ancien président américain avait été suspendu pour avoir incité ses partisans à la violence lors de l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021.

51,8 % des plus de 15,8 millions de votants se sont prononcés favorablement et le compte de M. Trump a été réactivé dans la foulée.

Le magnat républicain s’est félicité du résultat, mais a dit qu’il ne comptait pas se remettre à tweeter, préférant se concentrer sur sa propre plateforme, Truth Social.

Départ de la direction de Twitter

« Dois-je quitter la direction de Twitter ? », a demandé M. Musk sur son réseau social dans la nuit de dimanche à lundi.

Le verdict est tombé quelques heures plus tard, 57,5 % des plus de 17 millions de votants se disant favorables à un départ de l’entrepreneur, qui n’a pas encore confirmé s’il lâcherait les rênes de l’entreprise.

Dans un échange avec un de ses abonnés, M. Musk a assuré qu’il n’avait pas de successeur désigné. Il a indiqué dans un autre message que la plateforme se dirigeait à grande vitesse vers la faillite.