Équipes séparées par le télétravail, allégations de climat toxique, prix internationaux qui se font plus rares : le jeu vidéo québécois connaît des turbulences depuis quelques années. C’est dans ce contexte qu’un nouveau directeur général, Jean Jacques Hermans, est entré en poste à la Guilde du jeu vidéo du Québec en février dernier. Entrevue avec ce grand admirateur de cette industrie de près de 300 studios, pour qui le meilleur est à venir.

Q : Si on se fie aux prix internationaux remportés, notamment aux prestigieux Game Awards, on dirait que l’étoile du Québec et de Montréal a pâli depuis 2015. Il y a eu The Messenger en 2018 et Marvel’s Guardians of the Galaxy en 2021, et c’est tout. Comment expliquez-vous ce ralentissement ?

R : C’est une bonne remarque. On en parle à l’interne, on voit ce qui se passe. C’est certain qu’il y a des cycles. Développer des jeux AAA, c’est trois ou quatre ans ; il y a des choses qui se préparent. J’ai l’impression qu’on est plus dans un cycle de développement et que dans les mois et les années qui viennent, les jeux vont sortir et qu’on va retrouver notre lancée. On veut utiliser le retour en personne de MEGAMIGS, qui va être le gros évènement cette année fin octobre, pour utiliser l’engouement pour faire des lancements.

Q : Comment la Guilde gère-t-elle les accusations de harcèlement et de climat toxique dans plusieurs studios dans le monde, qui ont frappé l’industrie, plus particulièrement Ubisoft Montréal en 2020 ? Que pouvez-vous y faire ?

R : Premièrement, je dirais que ce n’est pas à la Guilde de gérer les enjeux qui sont inhérents aux entreprises elles-mêmes. La responsabilité de l’association, c’est de faire de la promotion, des ateliers, de la formation en diversité. Il y a les enjeux dont vous parlez, mais il y a aussi les enjeux de diversité, c’est à l’esprit de tout le monde présentement. La Guilde s’est beaucoup investie, surtout depuis la fusion, dans des programmes de diversité. On a dans l’équipe une conseillère en diversité, des initiatives comme une ligne d’écoute pour les employés des studios, des groupes de rencontre, on travaille avec un partenaire sur un guide des meilleures pratiques. J’ajouterais qu’il y a un projet en développement auprès des populations autochtones pour inciter les jeunes à mieux comprendre les métiers dans l’industrie.

Q : Quels étaient les défis que vous souhaitiez relever lors de votre embauche par la Guilde ?

R : Au moment de mon embauche, il y a eu trois enjeux stratégiques. Après la fusion entre les deux associations en 2019, l’Alliance numérique et l’ancienne Guilde des développeurs de jeux vidéo indépendants, il y avait de beaux projets, tombés à cause de la pandémie. Il y a eu le mariage, mais pas la lune de miel ! Le deuxième objectif est de développer une vraie stratégie de relations gouvernementales. Le troisième, c’est la présence dans les régions.

Q : Quelles sont vos demandes auprès des gouvernements ?

R : Le gouvernement reçoit beaucoup de soumissions, d’études et de mémoires. La stratégie de l’industrie maintenant, c’est aussi d’être plus présente à Québec. On aimerait par exemple y développer un concept de la journée du jeu vidéo. Les demandes présentement sont vraiment autour de la main-d’œuvre et de l’immigration, on n’est pas les seuls à être là-dedans. Il y a plusieurs programmes, on aimerait un guichet unique. C’est clair que si on veut garder la propriété intellectuelle au Québec, il faut aider, développer des avenues de financement pour les studios indépendants.

Q : On doit parfois vous dire que les jeux vidéo, c’est inutile, que ça rend violent. Qu’est-ce que vous répondez ?

R : Deux Canadiens sur trois se considèrent comme des gamers. C’est une industrie en pleine croissance, qui génère des retombées, où il y a beaucoup de créativité, d’innovations, de place pour les jeunes. Mais c’est vrai que, dans ma famille plus éloignée, on m’a dit : « Oh, pourquoi tu vas là ? » J’ai toujours été dans l’innovation. Quand on parle de métavers, on parle d’un concept qui utilise des moteurs de jeux vidéo en temps réel. Il y a des collaborations super intéressantes avec des entreprises comme CAE, qui ont un environnement en formation où elles ont besoin d’avoir des effets en temps réel.

Maintenant, oui, on doit faire attention. On travaille entre autres avec l’Université Laval, à Québec, sur des projets de recherche qui ont trait à la dépendance, à la violence dans les jeux. Il faut continuer d’être un leader dans ce domaine-là.

Pour des considérations de concision et de lisibilité, cette entrevue a été remaniée.

Jean Jacques Hermans en bref

  • Bachelier de l’Université de Montréal en 1984
  • Directeur de la gestion des programmes et partenariats chez Softimage, puis Microsoft, de 1992 à 1997
  • Directeur général et PDG de Merging Technologies, un manufacturier suisse de solutions d’enregistrement haute résolution, de 1997 à 1999
  • Vice-président relations corporatives à la Chambre de commerce du Canada de 2006 à 2020
  • Vice-président exécutif, Affaires corporatives et opérations, chez K6 Media Group, un studio d’animation, de production et de distribution expert en logiciels d’animation, en 2021
  • Nommé directeur général de la Guilde du jeu vidéo du Québec en février 2022
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  • 13 500
    Nombre d’employés dans l’industrie du jeu vidéo au Québec
    Association canadienne du logiciel de divertissement, 2021