(Ottawa) Les dirigeants de Shopify estiment que la migration vers les ventes en ligne déclenchée par la pandémie de COVID-19 est là pour rester.

Le chef de la direction de l’entreprise d’Ottawa, Tobi Lutke, et son président, Harley Finkelstein, ont souligné mercredi que les premiers modèles émergeant des pays qui ne vivent plus de confinement, comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie, montraient que les consommateurs ont adopté le commerce électronique même après la levée des restrictions contre la COVID-19 — et ils s’attendent à observer éventuellement la même chose en Amérique du Nord.

« Les préférences des consommateurs ont changé de façon permanente », a affirmé M. Finkelstein lors d’une conférence téléphonique avec des analystes.

« Le centre de gravité était hors ligne. Il est maintenant en ligne, et il est impossible de revenir à la version prépandémique. »

Ce changement a été une mine d’or pour le géant du commerce électronique, qui aide les entreprises dans la gestion de leurs boutiques en ligne, et qui a dû composer pendant des années avec le fait que les achats en ligne représentaient moins de 10 % des ventes au détail.

La pandémie, avec les fermetures temporaires de magasins et l’explosion des offres en ligne, a poussé la proportion des ventes en ligne au Canada à de nouveaux records. En avril 2020, elle a atteint un record de 11,4 %.

Shopify était prête pour cette percée. Elle a passé une grande partie des cinq dernières années à créer un réseau de distribution, à signer une série d’accords sur les réseaux sociaux, à concevoir de nouvelles façons pour les entrepreneurs d’accéder à du capital et à se positionner comme une rivale du géant américain Amazon.com.

Dès le début de la pandémie, Shopify a vu une nuée de nouvelles entreprises utiliser ses logiciels, et les clients prêts à faire des achats en ligne ne se sont pas encore dissipés, a noté la société en publiant ses résultats financiers pour le plus récent trimestre.

Profits en forte hausse

Shopify a dévoilé mercredi un bénéfice net de 1,26 milliard US au cours du trimestre, en hausse par rapport à la perte nette de 31,4 millions US réalisée lors de la même période l’année dernière.

Le bénéfice net du trimestre clos le 31 mars s’est élevé à 9,94 $ US par action, comparativement à une perte de 27 cents US par action pour la même période un an plus tôt.

Shopify a attribué cette croissance à un gain non réalisé de 1,3 milliard US sur une prise de participation dans la société Affirm, de type « achetez maintenant et payez plus tard », qui a procédé en janvier à un premier appel public à l’épargne, ainsi qu’à l’intérêt soutenu pour les achats en ligne.

En excluant les éléments non récurrents, Shopify a fait état d’un bénéfice de 254,1 millions US, ou 2,01 $ US par action, comparativement à un bénéfice ajusté de 22,3 millions US, ou 19 cents US par action, un an plus tôt.

Les analystes s’attendaient à un profit ajusté de 73 cents US par action et à un chiffre d’affaires de 865,5 millions US, selon les prévisions recueillies par la firme de données financières Refinitiv.

Le volume brut de marchandises de Shopify — la valeur totale des commandes passées grâce à ses offres — s’est élevé à 37,3 milliards US au cours de son dernier trimestre, contre 17,4 milliards US au cours de la même période l’an dernier.

Son action a pris mercredi après-midi 159,02 $, soit 11,1 %, à la Bourse de Toronto, où elle a clôturé à 1589,47 $.

Malgré tout, Shopify est loin de pouvoir s’asseoir sur ses lauriers.

Les perspectives de Shopify tiennent compte du retour aux transactions hors ligne pour certains achats et services, puisque la vaccination sera de plus en plus courante dans de nombreux pays en 2021 et les gens auront plus de liberté pour sortir de chez eux.

La directrice financière Amy Shapero a prévenu que cela pourrait peser sur les revenus de Shopify, qui ont atteint 988,6 millions US, une augmentation de 110 % par rapport à ceux de 470 millions US de la même période l’an dernier.

« Nous continuons de nous attendre à une croissance rapide des revenus en 2021, mais à un rythme inférieur à celui de 2020 », a-t-elle précisé.

Vague de départs

L’entreprise devra également faire face à d’importants changements dans son équipe de direction.

À la mi-avril, Shopify a annoncé le départ de la directrice du talent Brittany Forsyth, du directeur de la technologie Jean-Michel Lemieux et du chef des affaires juridiques Joe Frasca.

Tout au long de la pandémie, Shopify a également vu le départ de son directeur des produits Craig Miller, du directeur du marketing des produits Arati Sharma et de Michael Perry, le directeur de Kit, une entreprise d’intelligence artificielle acquise par Shopify.

« Quand les gens quittent les entreprises, il est […] difficile pour tout le monde de trouver comment réagir, mais je pense que c’est quelque chose qui doit être célébré parce que clairement, des choses incroyables ont été réalisées ensemble », a affirmé M. Lutke, qui a repris les fonctions de M. Miller en septembre.

Pour sa part, il a promis mercredi qu’il n’était pas près de quitter la société et a indiqué aux analystes qu’il s’investissait « à fond » parce qu’il n’aurait « jamais de meilleure idée ».

« Partir au bon moment est ce que font les dirigeants de classe mondiale », a-t-il déclaré. « Pour moi, il est encore bien trop tôt. »