« Passer de tout à rien, c’est sûr que ça fait mal », a témoigné Éric Lavigne en sortant de l’immeuble de TVA, boulevard De Maisonneuve Est à Montréal, jeudi après-midi. Après deux décennies au sein de l’entreprise, ce monteur pour l’émission Le tricheur se préparait à refaire son CV.

Les employés de Groupe TVA qui entraient dans l’immeuble emblématique de l’arrondissement de Ville-Marie ou en sortaient, jeudi après-midi, avaient la tête basse. Beaucoup ont préféré garder leurs commentaires pour eux. D’autres ont accepté de faire part de leur étonnement aux journalistes venus à leur rencontre.

« C’est sûr qu’on a hâte d’avoir plus de détails », a souligné Jany Rompré, une assistante réalisatrice employée de Groupe TVA depuis deux ans. Au moment de parler à La Presse, elle ne savait pas encore si son emploi était en jeu. Mais étant l’une des dernières personnes embauchées, elle s’attendait à devoir partir.

L’ambiance était au choc dans les locaux jeudi, ont confirmé plusieurs personnes sur place.

La nouvelle a frappé les employés « de plein fouet », a déploré Kevin Murphy, recherchiste à l’émission Salut Bonjour depuis 2019.

En effet, après l’annonce en février dernier de l’abolition de 140 postes, M. Murphy espérait que la restructuration annoncée était suffisante. « Je ne m’attendais pas à ça du tout, du tout, a-t-il confié. C’est un gros coup pour le moral. »

Compte tenu des circonstances, son employeur fait les choses du mieux qu’il peut, estime le recherchiste.

Je n’ai pas l’impression d’un je-m’en-foutisme, l’annonce de [Pierre Karl Péladeau], c’était senti, il était très impliqué, vulnérable. Les explications étaient claires, transparentes.

Kevin Murphy, recherchiste de l’émission Salut Bonjour

Des services aux employés seront aussi offerts, a ajouté M. Murphy.

« Ça ne remonte plus »

La surprise était tout aussi grande pour Éric Lavigne, employé de Groupe TVA depuis 1998. Ce monteur de l’émission Le tricheur a appris vendredi que la production serait désormais transférée à l’externe. Il n’y avait aucune certitude que son expertise serait requise par cette nouvelle équipe. « Je retourne dans le monde de la pige », a-t-il laissé tomber. « Demain matin, il faut que je refasse mon CV. »

Le bouleversement est d’autant plus grand qu’il est vécu par toute son équipe, a-t-il ajouté. « C’est plus dur à gérer », a expliqué M. Lavigne, les larmes aux yeux.

On est tous des collègues, et là on ferme tout d’un bloc. Il faut le digérer.

Éric Lavigne, monteur pour l’émission Le tricheur

L’homme de 51 ans savait que les profits n’étaient plus au rendez-vous pour le Groupe TVA, mais ne s’attendait pas à une telle annonce. « Ce n’est pas la première fois qu’on est dans un creux de vague, a-t-il dit. Avant, ça remontait toujours. Là, ça ne remonte plus. »

Soutien en ligne

Les messages de soutien et de tristesse ont aussi déferlé en ligne jeudi. « Journée sombre pour le tiers de nos amis et collègues du Groupe TVA », a déploré sur X le reporter au Journal de Montréal Francis Pilon. « 547 d’entre eux perdent leur emploi, tout juste avant les Fêtes et la fin de l’année, a-t-il ajouté. Grosse pensée pour tous ceux touchés. »

« De tout cœur avec mes 547 collègues qui apprennent aujourd’hui qu’ils perdront leurs emplois à TVA », s’est aussi émue l’animatrice Annie-Soleil Proteau. « Des passionnés, des vaillants, qui font face à un néant inquiétant. Je vous serre fort, chacun de vous. Soutenons nos médias québécois… »

Pour l’auteur-compositeur-interprète Gilles Valiquette, rencontré devant le 1600, boulevard De Maisonneuve Est après une intervention en studio pour parler de la nouvelle chanson des Beatles, ces compressions chez TVA auront un impact sur la culture québécoise. « À partir du moment où tu éclipses la production locale, c’est toute la culture qui y perd. »