Les investisseurs dans les fonds consacrés aux énergies renouvelables et plus largement aux titres ESG (facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance) ont vu leur investissement sous-performer en 2022, contrairement aux années précédentes. Anomalie ou signe avant-coureur de ce qui les attend ?

Par exemple, le Fonds indiciel énergie propre de CIBC a livré un rendement total (dividendes compris) de -25 % depuis sa création en novembre 2021. Composé de titres nord-américains, le fonds négocié en Bourse (FNB) compte parmi ses principales positions Northland Power, First Solar et Brookfield Renewable Partners.

À titre comparatif, l’indice de la Bourse canadienne a obtenu un rendement total négatif de 6,55 % en 2022. L’indice américain S&P 500 a fait bien pire à -18,51 %, en incluant les dividendes versés.

La différence de rendement 2022 entre le marché canadien et le marché américain est la forte pondération des titres de pétrole et de gaz dans l’indice canadien. On peut en dire autant de l’écart entre le rendement obtenu par le FNB énergie propre et celui de l’indice phare de la Bourse canadienne.

« La principale raison de l’écart est l’Ukraine/Russie, explique Sylvain De Champlain, président de De Champlain Groupe financier. Les valves du pétrole russe ont été fermées à cause de l’embargo. Ce qui fait qu’en 2022, le prix du pétrole a augmenté, a doublé dans une certaine période. C’est ce qui explique pourquoi le pétrole a tant performé », dit le planificateur financier.

En effet, le sous-indice équipondéré des titres de pétrole et de gaz du S&P TSX a obtenu un rendement de 33 % en 2022 et de 65 % en 2021. Sur cinq ans, le rendement annuel moyen est toutefois moins spectaculaire, à 6,85 % par année.

Endettement massif

Un autre facteur qui a joué contre les titres des énergies renouvelables est leur niveau d’endettement élevé, selon Michel Lafontaine, investisseur actif et économiste retraité.

Les entreprises d’énergies renouvelables, souvent de petite ou de moyenne taille et en forte croissance, sont très fortement impactées par une hausse des taux d’intérêt qui vient réduire leurs profits, car elles ont beaucoup de dettes.

Sylvain De Champlain, président de De Champlain Groupe financier

En revanche, poursuit M. De Champlain, « les pétrolières [comme Canadian Natural Resources et Suncor] sont d’énormes entreprises ayant des dizaines de milliards en capitalisation boursière. Avec le prix du pétrole qui a doublé, l’argent entre à pleines portes. Que les taux d’intérêt montent de 3 ou 4 points de pourcentage, ça ne les impacte pas », soutient-il.

« La différence entre les deux situations explique la mauvaise performance relative des fonds ESG par rapport au pétrole », résume M. De Champlain.

Comme on peut l’imaginer, ce ne sont pas tous les fonds ESG qui ont perdu 25 % de leur valeur en un an, loin de là. Fonds ESG préféré de M. De Champlain, le fonds commun de placement NEI leader en environnement, a enregistré un rendement négatif de 17,5 % en 2022. Sur cinq ans, son rendement annuel moyen s’élève à 4,97 %.

Il s’agit d’un fonds concentré dans des actions américaines et internationales, sans exposition aux énergies propres, soulignons-le. Ses principales positions sont Linde, Waste Management, Agilent Technologies.

Chez Desjardins, le portefeuille équilibré de la famille de fonds d’investissement responsable SociéTerre a obtenu un rendement de - 12,9 % au cours des 11 premiers mois de 2022. Le rendement annuel moyen sur cinq ans se chiffre à 2,3 %, soit 50 points centésimaux supérieurs au rendement de son indice de référence. Le portefeuille équilibré SociéTerre est composé moitié-moitié de fonds d’actions mondiales et de fonds à revenu fixe.

La performance du secteur des énergies renouvelables a été meilleure que celle des titres pétroliers lors de 7 des 10 dernières années, en incluant 2022.

Marie-Justine Labelle, directrice en investissement responsable chez Desjardins

La famille SociéTerre dispose d’un actif sous gestion d’environ 9 milliards, en baisse depuis un an en raison du rendement négatif de la dernière année. Les achats nets de parts sont tout de même restés en territoire positif en 2022, assure Desjardins. Presque un tiers des clients des fonds Desjardins détiennent aussi des fonds SociéTerre.

Et pour 2023 ?

M. De Champlain et Mme Labelle ne veulent pas se prononcer sur les perspectives de rendement pour 2023 au moment où les taux directeurs au Canada n’ont jamais été aussi hauts en près de 15 ans.

« Ça sera plus facile à dire après le premier trimestre, quand on aura vu les effets de la hausse des taux d’intérêt et l’évolution du contexte géopolitique », avance Mme Labelle.

Tous deux font preuve d’optimisme à long terme. « L’intérêt envers l’investissement responsable ne ralentit pas », observe Mme Labelle.

« Le pétrole va diminuer dans les prochaines années, et les énergies renouvelables vont croître, dit de son côté Sylvain De Champlain. Quand la Caisse de dépôt décide qu’il n’y aura plus d’énergies fossiles dans le bas de laine des Québécois, c’est ce que j’aime entendre. »

Dans une version précédente de ce texte, un intervenant identifiait un risque pour Boralex en raison de la hausse des taux d'intérêt et de son endettement élevé. Or les taux de la dette à long terme de l'entreprise sont essentiellement fixés pour plusieurs années.

En savoir plus
  • 2021
    Année où la Caisse de dépôt et placement du Québec a annoncé son retrait des titres pétroliers
    Source : Caisse de dépôt et placement du Québec