La Bourse américaine est en passe de connaître sa plus longue série baissière de 2024, secouée par les turbulences géopolitiques et la réalisation que les taux d’intérêt ne baisseront pas de sitôt.

Le S&P 500, un des principaux indices boursiers, a chuté de 0,9 % vendredi, sa sixième baisse consécutive, la pire série depuis octobre 2022.

Baisse de 3 % cette semaine

Cette baisse a mené le S&P 500 à un recul de 3 % sur la semaine, la troisième baisse hebdomadaire consécutive. C’est la plus longue série de pertes hebdomadaires depuis septembre 2023. À cette époque, la conjugaison de la dette, d’un possible arrêt des activités gouvernementales des États-Unis et des taux d’intérêt élevés entraînait un sentiment négatif.

Ces craintes se sont dissipées fin 2023, quand l’inflation a ralenti. Les investisseurs ont alors misé sur une baisse prochaine des taux et les cours ont bondi durant le premier trimestre de 2024. Mais l’inflation est tenace et ce mois-ci, il est apparu que la Réserve fédérale pourrait ne pas baisser ses taux de sitôt. De plus, l’aggravation du conflit au Proche et au Moyen-Orient inquiète, Israël ayant frappé l’Iran tôt vendredi.

« Ça augure mal, à l’évidence », affirme Andrew Brenner, responsable des titres à revenu fixe internationaux chez National Alliance Securities.

Les investisseurs ont retiré 21 milliards des fonds investissant dans les actions américaines entre le 3 et le 17 avril, selon EPFR Global. Ce coup de frein contraste violemment avec les quatre premiers mois de 2024, quand 80 milliards y ont été placés. Et le malaise ne se manifeste pas qu’en Bourse.

PHOTO AGENCE FRANCE-PRESSE

Un homme passe devant une affiche représentant des missiles dans une rue de Téhéran. Les marchés sont en baisse, craignant un embrasement au Proche et au Moyen-Orient et une inflation tenace.

Les rendements des obligations américaines, qui déterminent les taux d’intérêt de nombreux prêts, ont augmenté. Le taux moyen des hypothèques à 30 ans, le prêt immobilier le plus populaire aux États-Unis, a dépassé les 7 % jeudi pour la première fois cette année.

Tensions géopolitiques

Le dollar est aussi en nette hausse, ce qui pèse sur les pays qui importent des biens des États-Unis et émettent des obligations libellées en dollars. Les prix du pétrole, alimentés par les tensions géopolitiques, ont augmenté de plus de 10 % depuis le début de l’année.

« Rien n’est positif en ce moment », a déclaré M. Brenner.

L’inflation plus forte que prévu érode l’optimisme des investisseurs quant aux intentions de la Fed, dont le taux directeur reste proche de son sommet de 20 ans. « Les chiffres récents, à l’évidence, ne renforcent pas notre optimisme et indiquent plutôt qu’il faudra probablement plus de temps que prévu pour atteindre cet optimisme », a déclaré Jerome Powell, le président de la Fed, mardi.

Les économistes de la Société Générale ont fait leur deuil d’une réduction des taux américains en 2024. Les économistes de BNP Parisbas et de Wells Fargo ont aussi revu à la baisse leurs prévisions de réduction.

Sur les marchés à terme, qui permettent aux investisseurs de parier sur l’évolution des taux d’intérêt, on mise sur une, voire deux baisses d’un quart de point d’ici à la fin de 2024. Au début de l’année, on s’attendait à six baisses sur cette période.

Dans un premier temps, ce changement a été bien accueilli à la Bourse, car il s’inscrivait dans le contexte d’une économie forte qui soutiendrait les bénéfices des entreprises. Mais les dernières statistiques sur l’inflation ont refroidi investisseurs et économistes.

John Williams, le président de la Fed de New York, a même évoqué cette semaine une nouvelle hausse des taux, plutôt qu’une baisse, si l’inflation reste stable, ajoutant que ce n’est pas le scénario le plus probable.

Selon d’autres responsables, l’assouplissement des taux pourrait survenir bien plus tard cette année, voire en 2025. Jusqu’à présent, ces inquiétudes ne menacent pas la solidité de l’économie américaine. Le S&P 500 a perdu plus de 4 % ce mois-ci, mais il reste en hausse de 5 % sur l’année.

De l’optimisme quand même

Par ailleurs, un sondage récent de la Bank of America auprès de gestionnaires de fonds du monde entier a révélé un niveau d’optimisme inégalé depuis janvier 2022 : on s’attend à une accélération de la croissance mondiale. Le plus grand risque, selon les personnes interrogées, est une hausse de l’inflation qui pourrait maintenir les taux d’intérêt à un niveau élevé, comprimant la croissance à l’étranger et à l’intérieur du pays.

Reflétant certaines de ces inquiétudes, l’indice Russell 2000 des petites entreprises – plus sensibles aux perspectives de l’économie nationale – a perdu environ 5 % sur l’année.

« Je pense que la récente pression à la vente n’est que le début », a déclaré Peter Tchir, responsable de la stratégie macroéconomique chez Academy Securities.

Cet article a été publié dans le New York Times.

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