La hausse des prix des logements a coïncidé avec une diminution de l’accès à la propriété chez les Québécois, selon I’Institut de la statistique du Québec.

Première baisse

Le pourcentage de Québécois qui sont propriétaires de leur maison a diminué ces dernières années, une première depuis 1971. Ce pourcentage est passé de 61,3 % en 2016 à 59,9 % en 2021, soit un changement de - 1,4 %, selon la 15édition du Panorama des régions du Québec, publié lundi par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). Cette diminution est survenue alors que le prix des propriétés a connu une forte hausse depuis le début de la pandémie au Québec. « La baisse du taux de propriété a été observée sur l’ensemble des régions administratives, hormis le Saguenay–Lac-Saint-Jean, où on ne détecte pas de différence significative. La diminution du taux de propriété excède les 2 points de pourcentage dans les régions de Laval (- 2,8 %), de Lanaudière (- 2,4 %) et de la Montérégie (- 2,1 %). » Entre 2016 et 2021, le taux de propriété de la région de Montréal a quant à lui reculé de 0,5 %, note l’ISQ.

Situation tendue

Pour Cédric Dussault, du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), le coup de frein vécu au niveau de l’accès à la propriété au Québec est attribuable aux prix records des habitations, de même qu’à un manque de logements abordables à travers la province. « C’est conséquent avec ce qu’on constate sur le terrain, dit-il. On vit une explosion du prix des maisons à l’extérieur des grands centres, de même qu’une explosion du prix des loyers. La chute des taux d’inoccupation à l’extérieur des grands centres montre aussi que la situation du logement est tendue partout dans la province. » Au Québec, c’est environ six ménages sur dix qui sont propriétaires de leur logement, alors que quatre sur dix sont locataires. À Montréal, cette tendance est inversée : environ 60 % sont locataires, alors que 40 % sont propriétaires.

Spirale spéculative

M. Dussault note que les problèmes du logement abordable remontent à loin. « Le gouvernement fédéral s’est retiré du financement des logements sociaux dans les années 1990. On voit la même chose plus récemment au Québec avec l’abandon du programme de construction de logements sociaux AccèsLogis. Ce que les gouvernements font, c’est plutôt d’injecter l’argent dans le marché privé. Dans les faits, ils ne facilitent pas l’accès au logement, ils contribuent à une spirale spéculative, parce que ça devient intéressant pour les investisseurs, mais pas pour les propriétaires occupants. » Le problème est particulièrement aigu en Gaspésie et sur la Côte-Nord, où la construction de nouveaux logements est plus coûteuse, et où bon nombre d’unités d’habitation sont plutôt offertes sur les plateformes d’hébergement touristique comme Airbnb et autres, note le RCLALQ.

0,46 % des propriétaires possèdent 32 % du parc locatif

Si moins de gens deviennent propriétaires, cela met une pression accrue sur le marché de la location. Or, la concentration de la propriété des logements locatifs est aussi pointée du doigt comme l’une des causes de la difficulté de trouver du logement abordable. Une étude de chercheurs de l’Université McGill et de l’Université de Waterloo a montré plus tôt cette année que 0,46 % des propriétaires immobiliers à Montréal détenaient près de 32 % des logements locatifs de Montréal. « Donc des immeubles qui étaient détenus par de petits propriétaires sont de plus en plus vendus à des investisseurs ou à des spéculateurs. On assiste à la financiarisation du logement, et ce sont les citoyens qui paient la note », illustre M. Dussault. À l’échelle du Québec, ce sont 16 % des propriétaires et 25 % des locataires qui vivent dans un logement non abordable, soit qui requiert plus de 30 % des revenus bruts du ménage, selon l’ISQ.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Sans surprise, de façon générale, les couples accèdent plus facilement à la propriété que les autres types de ménages « en raison de leurs revenus potentiellement plus élevés »

Les couples plus susceptibles d’être propriétaires

Sans surprise, de façon générale, les couples accèdent plus facilement à la propriété que les autres types de ménages « en raison de leurs revenus potentiellement plus élevés », signale l’ISQ. « Parmi les ménages formés d’un couple, ceux avec enfants affichent le taux de propriété le plus élevé. Environ 79,4 % des couples avec enfants sont propriétaires de leur logement au Québec, comparativement à 75,1 % des couples sans enfants, à 51,2 % des familles monoparentales et à 40,4 % des personnes seules », note l’organisation.