Il devient plus difficile d’obtenir un prêt hypothécaire au pays, comprend-on des données de la plus récente enquête de la Banque du Canada auprès des responsables du crédit des principales institutions financières.

Ce constat survient au moment où la construction de nouveaux logements ralentit considérablement au Québec comme ailleurs au Canada.

« Les banques canadiennes restreignent leurs normes de prêt, écrit Hugo Ste-Marie, directeur, stratégie de portefeuille et analyse quantitative chez Scotia, dans une note à sa clientèle publiée lundi. Du côté des consommateurs, il semble qu’il soit beaucoup plus difficile d’obtenir un crédit hypothécaire que d’autres types de crédit, ce qui suggère que les banques sont suffisamment exposées au risque immobilier pour l’instant et qu’elles n’approuvent potentiellement que les consommateurs ayant un excellent score de crédit. »

Des appels chez Desjardins et à la Banque Nationale pour savoir de quoi il en retourne au quotidien n’ont pas permis d’avoir une réaction immédiate de leur part.

« C’est typique quand il y a un retournement de marché. Les prêteurs ne sont pas sûrs où s’en va la valeur des actifs immobiliers. Dans ce temps-là, ils veulent moins s’exposer au marché immobilier », commente Paul Cardinal, directeur du Service économique de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ).

L’élément déclencheur, selon lui, est l’augmentation du coût des fonds pour les banques. « À la suite de ça, c’est possible que les prêteurs veuillent se prendre une petite marge supplémentaire parce qu’ils trouvent le contexte plus risqué. Ça arrive souvent dans un pareil contexte que les prêteurs se concentrent sur les clients ayant les meilleures cotes de crédit, qu’ils aient un plus long historique d’affaires et qu’ils aient un portefeuille bien garni. Si on est un petit constructeur en affaires depuis deux ou trois ans avec un volume limité, c’est possible qu’on éprouve plus de difficulté à trouver du financement actuellement, malheureusement. »

Pour le professeur d’économie à l’UQAM Philippe Goulet Coulombe, le marché de l’habitation vit un ajustement. « L’évolution des conditions de crédit est un indicateur volatil, mais on constate que les conditions se détériorent quand il y a des hausses de taux d’intérêt comme cette année et en 2018 ou quand il y a une récession majeure comme en 2020. »

« Ça prend du temps avant que les effets de la politique monétaire se fassent sentir, poursuit l’universitaire. On le voit dans ce sondage. Je pense que l’on va continuer à le sentir. Le marché s’ajuste tranquillement à ce nouvel environnement. »

Recul de 50 % des mises en chantier

En réaction à la hausse des coûts de financement, les constructeurs ralentissent la cadence. Il s’est bâti moins de 2900 unités en avril, une baisse de 48 % comparativement au même mois l’an passé. Il s’agit d’une huitième baisse mensuelle consécutive. Tout baisse, les maisons comme les logements collectifs, et dans toutes les régions. Après quatre mois, le nombre de nouvelles unités est tombé de 48 % dans la région montréalaise.

Il s’agit de données non désaisonnalisées. Celles-ci sont colligées par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Elle les traite pour éliminer l’effet saisonnier et ainsi pouvoir comparer la performance d’avril avec celle de mars. Sur cette base, la SCHL note du progrès en avril, avec une augmentation de 8 % du rythme annuel des mises en chantier par rapport à mars.

La construction résidentielle au Québec connaît son pire début d’année depuis 2016, selon l’APCHQ.

De toute évidence, la pénurie de logements ne peut que s’aggraver davantage.

Paul Cardinal, directeur du Service économique de l’APCHQ

M. Cardinal prévoyait 46 000 mises en chantier cette année. Il vient d’abaisser ses prévisions à 40 000. Il s’apprête aussi à abaisser ses prévisions pour 2024.

« En ce moment, les projets ne lèvent pas de terre, parce qu’il y a resserrement des politiques de financement, dit Marc-André Plante, porte-parole de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec. On arrive à la conclusion que s’il n’y a pas de programmes pour stimuler l’offre, la crise du 1er juillet va être difficile et elle le sera encore davantage l’année suivante. »