(Pékin) La Chine a dévoilé des mesures pour relancer l’immobilier, un secteur crucial pour sa croissance, mais rendu exsangue par un durcissement des règles de financement et par la pandémie, qui ont placé nombre de promoteurs au bord de la faillite.

Ces nouvelles mesures comprennent en particulier un soutien au crédit.

Le géant asiatique a connu un boom du secteur immobilier depuis la libéralisation du marché en 1998, dans un pays où l’acquisition d’un bien est souvent un prérequis au mariage et un investissement.

Les promoteurs ont pu se développer à vitesse grand V grâce aux prêts bancaires. Mais leur endettement a tellement gonflé que les autorités ont décidé de mettre le holà à partir de 2020.

L’accès au crédit pour les promoteurs s’est depuis considérablement réduit, tandis que la demande en biens immobiliers piquait du nez en Chine sur fond de ralentissement économique et d’incertitudes liées aux restrictions contre la COVID-19.

Nombre de promoteurs immobiliers luttent désormais pour leur survie, dont l’ex-poids lourd du secteur, Evergrande, étranglé par une dette estimée l’an dernier à quelque 300 milliards de dollars.

L’immobilier est en Chine un secteur-clé de l’économie, qui pèse avec celui de la construction, environ un quart du PIB, et fait vivre une armée de travailleurs peu qualifiés.

« Un tournant »

Dans ce contexte, les autorités ont établi vendredi seize mesures de soutien, censées offrir une bouffée d’oxygène au secteur.  

La banque centrale et le régulateur des banques et des assurances n’ont pas rendu publiques ces nouvelles directives, mais les grandes lignes en ont été dévoilées lundi par la presse économique chinoise.

Les mesures prévoient le prolongement des échéances pour les promoteurs criblés de dettes, encouragent les banques à prêter davantage aux groupes sains financièrement et assurent des liquidités pour achever des chantiers en cours.

Faute de liquidités, certains groupes immobiliers ont mis fin à leurs travaux ces derniers mois. Et un nombre croissant de propriétaires furieux ont refusé d’honorer leurs mensualités, au risque d’aggraver la crise et les défauts de paiement.

Les mesures dévoilées par Pékin « garantissent » la remise des biens et ordonnent aux banques d’accorder des « prêts spéciaux » pour parvenir à cette fin, selon une directive circulant en ligne et citée par les médias chinois.  

Cette décision traduit un « tournant » pris par les autorités depuis leur décision en 2020 de durcir l’accès au crédit des promoteurs immobiliers, estime l’économiste Ting Lu de la banque Nomura.

« Ces mesures montrent que Pékin est prêt à revenir sur la plupart de ses décisions », selon M. Lu.

Pour autant, il ne s’agit « pas d’un sauvetage » du secteur immobilier, nuance l’analyste Andrew Batson, du cabinet Gavekal Dragonomics, spécialisé sur l’économie chinoise.

« Les banques ne sont encouragées à augmenter leurs financements qu’aux promoteurs immobiliers qui ne sont pas déjà en défaut de paiement. Et (les autorités rappellent que) les promoteurs en difficulté sont censés vendre leurs actifs », souligne-t-il.

« Positif, mais… »

La nouvelle a fait bondir lundi à l’ouverture de plus de 3 % la Bourse de Hong Kong, où de nombreux groupes immobiliers sont cotés. La place a finalement clôturé en hausse de 1,7 %.

L’action du plus grand promoteur de Chine en termes de ventes, Country Garden, a terminé en hausse de 45 %. Celle de Greenland, l’un de ses concurrents, a gagné plus de 35 %.

Vendredi déjà, la Chine avait annoncé l’assouplissement de plusieurs mesures anti-COVID-19 qui pénalisent lourdement l’économie, dont une réduction de la quarantaine pour les arrivées internationales.

Le pays asiatique est la dernière grande économie à maintenir une politique sanitaire stricte contre le coronavirus.  

Cette stratégie dite « zéro COVID-19 » se traduit par des confinements de quartiers ou villes entières dès l’apparition de cas positifs, des quarantaines obligatoires et surveillées pour les personnes contaminées, mais aussi des tests PCR quasi quotidiens.

Elle a d’importantes répercussions sur les chaînes logistiques mondiales et le moral des entreprises.

Les mesures annoncées ces derniers jours « sont positives, mais ne constituent pas des revirements majeurs », estime M. Batson. Tant pour l’immobilier que pour la COVID-19, le pouvoir « tente de faire fonctionner » sa politique actuelle « plutôt que de passer à quelque chose de (complètement) nouveau ».