Deux semaines après avoir critiqué l’enthousiasme des gouvernements à accueillir Boeing au Québec, Bombardier en rajoute et affirme qu’Ottawa « improvise » dans sa façon d’épauler l’industrie aérospatiale.

Invité à commenter l’approche du gouvernement fédéral à l’endroit du secteur, mercredi, le président et chef de la direction du constructeur de jets privés n’a pas mâché ses mots.

« Je suis le PDG de l’une des plus grandes entreprises aéronautiques manufacturières au Canada et je ne l’ai pas vue, la stratégie, s’il y en a une, a-t-il lancé, devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM). Je ne l’ai pas vue. J’en ai entendu parler, mais j’aimerais ça la lire. »

M. Martel répondait à une question du président et chef de la direction de la Chambre, Michel Leblanc. Il ne s’est pas adressé aux journalistes présents sur place au terme de l’évènement organisé au centre-ville de Montréal par la tribune d’affaires.

Le grand patron de l’avionneur québécois estime qu’Ottawa devrait s’inspirer de ce qui se passe au sud de la frontière. À son avis, le gouvernement américain trouve le moyen de stimuler l’innovation chez ses champions locaux en leur accordant des contrats, ce qui permet de financer des avancées technologiques qui peuvent ensuite être exportées aux quatre coins du monde.

« Chez nous, on improvise un peu », a ajouté M. Martel.

Sans surprise, ce dernier a fait référence au contrat de gré à gré de 5,4 milliards décroché par Boeing pour remplacer les avions de surveillance vieillissants de l’Aviation royale canadienne (ARC).

Ce dossier avait pris une tournure politique puisque Bombardier avait déployé, pendant des mois, des efforts considérables pour réclamer un appel d’offres en bonne et due forme afin de proposer une version militarisée de son Global 6500. Malgré la médiatisation du dossier, le gouvernement Trudeau avait néanmoins décidé d’accorder un contrat sans appel d’offres au constructeur américain.

Il y a des choses, comme cela, pour lesquelles on aurait intérêt à avoir un plan à plus long terme pour comprendre où l’on s’en va tout le monde ensemble et créer un certain alignement de toute l’industrie.

Éric Martel, PDG de Bombardier

Meilleure écoute

Le dirigeant de Bombardier croit que les grands acteurs de l’industrie canadienne devraient être consultés davantage par les décideurs. En évoquant de « gros enjeux de main-d’œuvre » à venir, M. Martel a souligné que le constructeur d’avions d’affaires s’attend à voir jusqu’à 5000 de ses employés – des travailleurs d’usine, des techniciens et des ingénieurs – partir pour la retraite au cours des sept prochaines années.

En dépit des besoins, les écoles de formation sont loin d’être pleines, dit M. Martel.

« On a besoin que nos gouvernements voient cela et que l’on travaille à remplir les écoles parce que les emplois vont être là. »

M. Martel s’est réjoui de la création d’une zone d’innovation aérospatiale au Québec, mais cela n’avait pas empêché Bombardier de s’étonner du traitement réservé à Boeing il y a deux semaines.

Le géant américain avait dévoilé des investissements de 275 millions au Québec, dont 110 millions injectés dans la zone d’innovation afin de financer la mise en place d’un centre de recherche et d’innovation. Boeing n’a pas été directement financée par Québec et Ottawa, mais elle bénéficiera de l’expertise québécoise.

Lisez « Nous sommes ici pour y rester »

En réagissant aux annonces, Bombardier avait rappelé que la multinationale américaine avait « récemment mis à risque l’industrie aéronautique au Québec » lorsqu’elle avait intenté des recours aux États-Unis afin d’obtenir temporairement des tarifs douaniers de 300 % sur les appareils de la C Series assemblés à Mirabel.

Sans le nommer, M. Martel a profité de son passage à la CCMM pour répliquer à de récents commentaires du ministre fédéral de l’Industrie, des Sciences et de l’Innovation, François-Philippe Champagne.

« J’entendais un ministre dire que Bombardier ne représente pas à elle seule l’aéronautique, a expliqué le gestionnaire. Je suis d’accord, mais en même temps, on représente 40 % des revenus de l’aéronautique au pays. C’est vrai que nous ne sommes pas tout seuls, mais en même temps, je pense que nous sommes un incontournable. On devrait être à la table et [participer aux] conversations. »

Une autre bonne note

Bombardier a par ailleurs reçu des nouvelles encourageantes de Standard & Poor’s, l’une des principales agences de notation. Elle a relevé la cote de crédit de la multinationale québécoise, qui passe à B+. Une amélioration de la note de crédit se traduit généralement par une diminution de ses coûts d’emprunt.

Dans son analyse, l’agence new-yorkaise a souligné les progrès de l’avionneur en matière de désendettement. Moody’s avait également révisé à la hausse la note de crédit de Bombardier en mai dernier.

Les investisseurs n’ont toutefois pas semblé surpris par la décision de Standard & Poor’s. À la Bourse de Toronto, mercredi, l’action de l’entreprise a clôturé à 90,61 $, en hausse de 64 cents, ou 0,7 %.

En savoir plus
  • 18 000 personnes
    Effectif mondial de Bombardier
    source : bombardier
    9700
    Nombre de salariés de l’avionneur au Québec
    source : bombardier