Cinq ans après qu’Amazon.com inc. a augmenté leurs salaires à 15 $ l’heure, la moitié des travailleurs des entrepôts interrogés par des chercheurs disent qu’ils ont du mal à se nourrir ou à se loger.

L’étude nationale, publiée mercredi par le Center for Urban Economic Development de l’Université de l’Illinois à Chicago, a interrogé les employés américains sur leur bien-être économique, notamment en leur demandant s’ils avaient sauté des repas, s’ils avaient eu faim ou s’ils s’étaient inquiétés de ne pas pouvoir payer leur loyer ou leur hypothèque.

Ainsi, 53 % des personnes interrogées ont déclaré avoir connu une ou plusieurs formes d’insécurité alimentaire au cours des trois mois précédents et 48 %, une ou plusieurs formes d’insécurité en matière de logement. Les chercheurs ont constaté que les travailleurs ayant déclaré avoir pris des congés non rémunérés après s’être blessés au travail étaient plus susceptibles de signaler des difficultés à payer leurs factures.

« Ce n’est pas nécessairement qu’Amazon soit une exception », a indiqué Sanjay Pinto, coauteur de l’étude avec Beth Gutelius. Cependant, « ils ne sont certainement pas en tête de file pour ce qui est de la création d’emplois permettant de subvenir aux besoins des familles ».

Amazon n’a pas immédiatement commenté le contenu des conclusions de l’enquête, mais a cité les critiques formulées par l’entreprise à l’encontre d’un récent rapport d’Oxfam sur la surveillance des lieux de travail, qui s’appuyait sur les mêmes recherches. L’enquête ne pouvait pas prouver que les personnes interrogées travaillaient réellement pour Amazon, a déclaré l’entreprise, et sa durée signifiait probablement que seules les personnes ayant des « expériences extrêmement négatives » avaient pris le temps de répondre, parmi d’autres critiques.

Deuxième employeur du secteur privé aux États-Unis

Amazon est depuis longtemps critiquée pour le traitement qu’elle réserve à ses employés, en particulier ceux qui emballent et expédient des boîtes dans ses entrepôts. La plupart des critiques se sont concentrées sur les blessures qui ont dépassé le taux de ses homologues du secteur de la logistique. Amazon s’est engagée à rendre ses entrepôts plus sûrs, en partie en automatisant les aspects du travail qui nécessitent des mouvements répétitifs. Dans un rapport publié en octobre, Pinto et Gutelius ont examiné les blessures dans les rangs d’Amazon avant de s’intéresser à la situation économique des travailleurs.

L’entreprise dont le siège est à Seattle est le deuxième employeur du secteur privé aux États-Unis, derrière Walmart inc. Selon les chercheurs, Amazon représente environ 29 % de la main-d’œuvre du secteur de l’entreposage aux États-Unis.

À ce titre, l’entreprise joue un rôle de premier plan dans la fixation des salaires et des conditions de travail d’un secteur transformé par le commerce électronique.

L’enquête en ligne de 98 questions s’est adressée aux employés d’Amazon par l’entremise de publicités sur les réseaux sociaux, en ciblant les entrepôts et les quartiers qui accueillent des installations de l’entreprise. Les chercheurs ont également procédé à des contrôles de qualité afin d’éliminer les réponses des personnes qui semblaient donner des réponses inauthentiques.

Au total, 1484 travailleurs de 42 États ont fourni suffisamment d’informations pour être inclus dans les résultats. Pour les parties concernant la sécurité économique, la taille de l’échantillon a varié entre 1306 et 1472 répondants. La marge d’erreur est de plus ou moins 2,5 points de pourcentage. L’étude a été financée par la Fondation Ford, Oxfam America et le National Employment Law Project, une organisation à but non lucratif favorable à l’emploi.

Une « triste » histoire

Un tiers des personnes interrogées ont déclaré avoir eu recours à des programmes financés par le gouvernement – principalement des bons d’alimentation ou Medicaid – au cours des trois derniers mois. Cela fait écho à une analyse réalisée en 2020 par le Government Accountability Office des États-Unis, qui a révélé qu’Amazon était l’un des principaux employeurs de personnes bénéficiant d’une aide alimentaire dans neuf États ayant communiqué ces données.

Amazon n’a pas répondu immédiatement à une demande de commentaire formulée après la publication de l’enquête, tôt mercredi. En réponse à la publication du premier volet de l’enquête, un porte-parole de l’entreprise a rejeté le rapport, déclarant qu’il ne s’agissait pas d’une « étude », mais d’un sondage réalisé sur les réseaux sociaux par des groupes ayant un parti pris.

L’employé américain médian d’Amazon était payé 45 613 $ en 2023, contre 41 762 $ l’année précédente, a indiqué l’entreprise dans un document déposé le mois dernier. L’entreprise affirme que les employés des secteurs de l’entreposage et du transport sont payés plus de 20,50 $ l’heure, en moyenne. L’enquête, qui a été menée entre avril et août 2023, exclut les cadres, et les salaires sont un peu plus bas : la plupart des répondants ont déclaré des salaires compris entre 16 et 20 $ l’heure.

L’enquête montre que 65 % des travailleurs qui rejoignent Amazon gagnent plus que ce qu’ils gagnaient chez leur ancien employeur. Et le même pourcentage de travailleurs déclarent avoir reçu une augmentation pendant qu’ils travaillaient pour l’entreprise. Il est plus difficile de gravir les échelons dans les entrepôts d’Amazon, qui ressemblent à des chaînes de montage : les données de l’enquête montrent que seuls 13 % des travailleurs ont déclaré avoir bénéficié d’une promotion pendant leur séjour dans l’entreprise.

Les personnes interrogées qui ont rejoint Amazon en provenance d’une autre entreprise étaient plus susceptibles d’avoir travaillé auparavant dans la préparation et les services alimentaires, la vente et la fabrication.

« L’histoire d’Amazon est celle, triste, de la baisse des attentes des travailleurs américains à l’égard de leur employeur », a déclaré M. Gutelius, coauteur de l’étude et chercheur de longue date dans le domaine de la logistique et du travail en entrepôt.