BCE exhorte le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) à mettre en place des conditions, comme des plafonds sur les vitesses admissibles et des restrictions d’accès, s’il décide de permettre aux petits fournisseurs d’accès internet d’utiliser les réseaux de fibre optique de leurs concurrents pour offrir des services à leurs clients.

Des représentants de la société mère de Bell Canada ont comparu devant le régulateur fédéral des télécommunications mercredi dans le cadre de ses consultations sur la concurrence en matière de services internet.

Cette comparution est survenue moins d’une semaine après que Bell a imputé une lourde responsabilité au CRTC lorsqu’il a annoncé des coupes de 9 % de ses effectifs et affirmé qu’il envisageait de réduire davantage ses investissements dans son réseau de fibre optique.

Le chef des affaires juridiques et réglementaires de Bell, Robert Malcolmson, a déclaré aux commissaires du CRTC que leur calcul selon lequel l’octroi d’un accès temporaire à internet haute vitesse de gros n’entraînerait pas de réductions des dépenses était « complètement faux ».

« La question est de savoir si le conseil va foncer ou prendre une pause pour réfléchir à la manière dont les incitations à l’investissement peuvent être rétablies tout en maintenant une concurrence vigoureuse sur les prix, qui existe clairement sur le marché actuellement », a fait valoir M. Malcolmson.

Dans une décision provisoire rendue en novembre, le CRTC a obligé temporairement Bell et Telus à fournir à leurs concurrents l’accès à leurs réseaux de fibre optique jusqu’au domicile au Québec et en Ontario dans un délai de six mois.

Bell a réagi en réduisant de 1,1 milliard ses dépenses liées à son réseau d’ici 2025, y compris une réduction d’au moins 500 millions dès cette année. L’entreprise soutient que cette règle, dont elle fait appel, diminue la rentabilité de ses investissements.

Le CRTC a rendu cette décision afin de stimuler la concurrence pour les services internet. L’examen qu’il mène actuellement vise à déterminer s’il doit rendre cette décision permanente et, le cas échéant, s’il doit l’appliquer à d’autres provinces.

Des conditions réclamées

Certaines petites entreprises ont demandé au CRTC d’élargir les règles d’accès de gros pour les aider à combler les lacunes dans l’offre de service. Plus tôt cette semaine, l’entreprise néo-brunswickoise Xplore a notamment plaidé qu’une telle décision lui permettrait d’être plus compétitive dans les régions éloignées.

M. Malcolmson, de Bell, a répliqué mercredi que donner la priorité à la revente plutôt qu’à l’investissement « nuira à l’expansion du réseau et à la concurrence ».

L’entreprise a malgré tout proposé plusieurs conditions pour aider à atténuer les désavantages potentiels pour des entreprises comme Bell si le CRTC étendait le régime d’accès de gros.

Il s’agit notamment d’autoriser uniquement la revente de vitesses internet allant jusqu’à 1,5 gigaoctet par seconde, reflétant les vitesses maximales disponibles sur les réseaux câblés, afin de contribuer à préserver « l’avantage concurrentiel résultant de la construction d’un réseau plus rapide ».

L’entreprise a également proposé que les petits joueurs puissent vendre leurs services internet dans un endroit particulier en utilisant le réseau d’une autre entreprise uniquement cinq ans après sa construction, afin de « fournir une fenêtre minimale pour récupérer une partie de notre investissement avant de céder notre réseau à nos concurrents ».

M. Malcolmson a mentionné qu’il est important que les entreprises qui créent des réseaux restent motivées à investir dans leurs propres réseaux, sinon elles se concentreront elles aussi sur la revente. Il a confirmé que Bell avait déjà commencé à modifier son approche en prévision des orientations du CRTC.

« Nous avons en fait commencé à revendre l’accès à internet sur les réseaux câblés sous la marque Bell dans le cadre de notre réseau existant », a-t-il déclaré.

« Bien que nous n’en soyons qu’aux premières étapes pour l’instant, nous sommes prêts à réduire davantage le déploiement (de la fibre optique) et à passer à contrecœur à la revente de câbles et de fibres Telus si les conditions réglementaires l’exigent. »

Telus attend le verdict

Nous en sommes maintenant à mi-chemin dans les audiences qui se tiennent cette semaine devant le CRTC sur cet enjeu. Au total, plus de 20 groupes doivent défiler devant les commissaires.

Comparaissant plus tôt mercredi, Telus a indiqué qu’elle ne décidera pas si elle doit ajuster ses plans de dépenses de réseau avant que le régulateur fédéral rende sa décision.

Contrairement à Bell, l’entreprise n’a pas réduit ses investissements dans son réseau à la suite de la décision provisoire rendue en novembre.

« La mise en place des tarifs de gros définitifs déterminera en fin de compte la manière dont nous investirons notre argent », a précisé le vice-président principal et contrôleur d’entreprise de Telus, Matthew Murray.

La présidente de Telus Solutions consommateurs, Zainul Mawji, a ajouté que la mise en place d’un cadre de services d’accès haute vitesse de gros qui serait sans restriction serait un résultat « très brutal » qui dissuaderait les grandes entreprises d’étendre leur réseau dans de nouvelles régions.

« Peut-être pas tout de suite, mais au fil du temps, c’est certain que les opérateurs qui sont là depuis longtemps réduiraient, diversifieraient leurs investissements et commenceraient à exploiter les réseaux des uns et des autres », a-t-elle avancé.

« Les régions éloignées seraient les plus touchées. Nous disposons au Canada d’une des meilleures couvertures en matière d’accès à la fois par fibre optique et sans fil dans une vaste partie du pays. Il reste des endroits auxquels il faut donner accès, mais cela coûte cher. »

Telus a presque terminé la construction de son réseau de fibre optique au Québec, mais elle a encore beaucoup de travail à faire en Alberta et en Colombie-Britannique.

« Nous aimerions continuer à le faire et terminer de brancher ces communautés, mais cela nécessite de garantir que nous disposons d’un cadre, et si nécessaire de tarifs, qui nous permettraient de récupérer ces coûts et d’obtenir un retour sur investissement », a souligné M. Murray.