Northvolt construira un vaste complexe en Allemagne bien qu’elle s’y soit fait promettre une aide publique beaucoup moins généreuse qu’au Québec. L’écart entre les deux se chiffre pour l’instant en milliards de dollars.

L’usine allemande de Northvolt – dont la construction a été officialisée mercredi – n’assemblera que des cellules de batteries, la dernière étape avant l’assemblage des batteries. Au Québec, la jeune pousse suédoise produira des matériaux de cathodes (le pôle positif d’une batterie) et assemblera des cellules de batteries, en plus d’effectuer du recyclage.

Bien que différents, les projets au Québec et en Allemagne sont similaires sur un aspect : la taille de l’investissement, soit environ 7 milliards.

Pour l’instant, le soutien financier public européen offert à l’entreprise se limite à une aide de 902 millions d’euros (1,32 milliard CAN) émanant du gouvernement allemand. Il s’agit d’une subvention visant à financer la construction du complexe assortie d’une garantie d’emprunt.

« D’autres aides pourraient être accordées à Northvolt Drei, mais rien n’a été annoncé en ce sens jusqu’à présent », confirme l’entreprise, dans un courriel à La Presse.

Tout indique que l’entreprise touchera une part du fonds de 3 milliards d’euros (4,4 milliards CAN) annoncé en décembre dernier par l’Union européenne (UE) pour accélérer l’émergence d’une filière batterie. Cette enveloppe risque cependant d’appuyer plus d’un projet – et il y en a plusieurs dans les cartons en Europe. Une compilation réalisée l’été dernier par l’agence Reuters en dénombrait au moins 35 en phase de planification.

Soutien à deux volets

Au Canada, l’aide publique aux projets de Northvolt, Volkswagen (Ontario) et Stellantis (Ontario) se décline en deux volets : la construction et la production. Dans le cas de Northvolt, Québec et Ottawa ont offert 2,7 milliards pour la réalisation de son complexe sur le gigantesque terrain qui chevauche Saint-Basile-le-Grand et McMasterville. À cela s’ajoutent des subventions à la production de cellules plafonnées à 4,6 milliards.

L’aide publique à Northvolt au Québec

Pour la construction de l’usine (2,74 milliards d’argent public sur les 7 milliards prévus)

La part de Québec (environ 1,37 milliard)

  • Prêt : 376 millions
  • Subvention : 436 millions
  • Actions de l’entreprise : 567 millions

La part d’Ottawa (environ 1,37 milliard)

  • Prêt et actions de l’entreprise : 900 millions
  • Subvention : 400 millions

Subventions pour la production des cellules*

  • Québec : 1,5 milliard
  • Ottawa : 3,1 milliards

* L’argent est versé une fois que les cellules sont produites et livrées.

Ce dernier mécanisme se veut une riposte à l’Inflation Reduction Act (IRA), cette loi américaine dotée d’une enveloppe de 370 milliards US pour appuyer des projets visant à lutter contre les changements climatiques, comme ceux du créneau des batteries pour véhicules électriques.

En donnant son feu vert au soutien financier offert à Northvolt par le gouvernement allemand, le 8 janvier dernier, la Commission européenne – dont l’aval était essentiel pour aller de l’avant – justifiait sa décision par la nécessité de répliquer à l’offensive américaine. Il fallait « niveler le terrain de jeu », selon la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager.

« Sans cette aide, Northvolt aurait implanté son usine aux États-Unis, où un soutien était notamment offert en vertu de l’Inflation Reduction Act », avait expliqué la Commission européenne.

Pour l’instant, l’usine allemande de Northvolt n’a aucune garantie de voir une partie de sa production subventionnée. Cela n’a pas empêché l’entreprise d’aller de l’avant avec son projet. Cela contraste avec ce qui s’est passé au Canada, où les gouvernements ont insisté sur la nécessité de copier l’IRA pour convaincre Northvolt, Volkswagen et Stellantis de s’implanter de ce côté-ci de la frontière plutôt qu’aux États-Unis.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon

En décembre dernier, dans le cadre d’une entrevue avec La Presse, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, avait réitéré que le « traitement IRA » était une condition sine qua non pour accueillir Northvolt au Québec.

Lisez « Le point de bascule »

« Les Américains débloquent de grosses sommes, et nous autres, le Canada, il faut que l’on suive, affirme le professeur Richard Ouellet, spécialiste du droit international de l’Université Laval. C’est un autre exemple de la guerre aux subventions. L’Europe est relativement chanceuse de s’en tirer à ce coût. »

Si l’IRA devait être abrogé aux États-Unis, le Canada cesserait de subventionner les trois énormes complexes d’usines de batteries. Entre-temps, la subvention de la production change la donne pour ces entreprises. Dans le cas de Northvolt, La Presse avait calculé que chaque voiture électrique équipée de cellules de batteries Northvolt du Québec coûterait 3000 $ de subventions des gouvernements du Québec et du Canada.

Lisez une chronique de Francis Vailles à ce sujet

Deux contextes

Hambourg est l’une des plaques tournantes de l’industrie automobile allemande. À une centaine de kilomètres au nord, Northvolt se retrouvera géographiquement à proximité des multiples usines de Volkswagen, l’un de ses principaux clients et actionnaires, dans cette région du pays.

La grappe industrielle allemande est déjà plus grosse. Il y a des économies d’échelle : les acheteurs sont à côté, les fournisseurs aussi.

Richard Ouellet, professeur et spécialiste du droit international de l’Université Laval

Il n’en reste pas moins qu’au bout du compte, il est actuellement beaucoup plus onéreux d’attirer des projets d’usines de batteries en Amérique du Nord en comparaison de ce qui se fait en Europe, affirme l’expert de l’Université Laval.

En plus d’officialiser la réalisation de son complexe en Allemagne, Northvolt a également été en mesure de boucler un financement de 3,4 milliards d’euros (5 milliards CAN) auprès de prêteurs privés, parmi lesquels on retrouve 23 institutions financières. La Banque européenne d’investissement participe aussi à ce financement.

L’argent doit servir à financer l’expansion de son complexe initial, à Skellefteå, dans le nord de la Suède.

En savoir plus
  • 2027
    Année où la production de l’usine québécoise de Northvolt doit débuter
    source : Northvolt
    2032
    Échéance de la subvention à la production offerte à Northvolt
    source : GOUVERNEMENT DU QUÉBEC