Bombardier a décidé de ne pas risquer d’envenimer ses relations avec Ottawa et ne contestera pas la décision d’accorder un contrat milliardaire de gré à gré à Boeing pour remplacer les avions de surveillance et de lutte anti-sous-marine vieillissants de l’Aviation royale canadienne (ARC).

Après avoir songé à se tourner vers les tribunaux pour en appeler de la décision, le constructeur de jets privés a fait savoir lundi qu’il changeait finalement son fusil d’épaule. L’avionneur québécois est toujours « profondément » déçu de ne pas avoir eu l’occasion de rivaliser avec le géant américain, mais il regarde désormais vers l’avant.

« Bombardier prend acte de la décision du gouvernement canadien et choisit de se concentrer sur la construction d’une relation plus forte et stratégique entre les femmes et les hommes talentueux de l’industrie aérospatiale et de la défense du Canada et les Forces armées canadiennes », a écrit la multinationale établie à Montréal dans une déclaration.

Dans un contexte où l’entreprise souhaite accroître son exposition au secteur de la défense, elle ne veut visiblement pas ajouter d’huile sur le feu. Au cours des derniers mois, le président et chef de la direction de Bombardier, Éric Martel, ne s’était pas gêné pour critiquer le travail des fonctionnaires fédéraux dans ce dossier en dénonçant un manque d’« intégrité » et un « manque de transparence ».

Un « concept »

Le 30 novembre dernier, le gouvernement Trudeau confirmait l’achat de jusqu’à 16 exemplaires du Poseidon P-8A de Boeing pour remplacer les CP-140 Aurora vieillissants de l’ARC. La valeur totale de l’entente est estimée à 10,4 milliards. Ottawa avait justifié sa décision en affirmant que l’avion du constructeur américain était en service, contrairement au « concept » de son concurrent québécois.

Bombardier souhaitait offrir une version militarisée de son jet privé Global 6500. Une telle version de l’appareil ne vole pas encore, un élément qui a visiblement joué contre l’entreprise.

En échange du contrat obtenu, Boeing devra générer des retombées économiques équivalentes à sa portion de l’accord, soit 5,4 milliards.

Dans une entrevue avec La Presse, le 4 décembre dernier, M. Martel avait vivement dénoncé le choix du gouvernement Trudeau. Il s’expliquait mal comment Boeing, qui avait « failli mettre à terre l’industrie aéronautique canadienne », avait pu obtenir un lucratif contrat sans appel d’offres.

En 2017, Boeing avait temporairement convaincu Washington d’imposer des droits punitifs massifs sur la C Series de Bombardier. L’entreprise américaine avait perdu cette dispute commerciale. Ce litige avait néanmoins fragilisé davantage financièrement Bombardier, qui avait cédé la C Series à Airbus.