Larguée par son ancien propriétaire Mitsubishi, Medicago renaîtra de ses cendres : ses brevets et une partie des installations de la défunte biopharmaceutique sont repris par Aramis Biotechnologies. Ottawa récupère aussi 20 % – environ 40 millions – des aides financières offertes au conglomérat nippon depuis 2020.

Frédéric Ors, qui a occupé des rôles de direction pendant près de 14 ans chez Medicago avant de quitter ses fonctions en 2015, est l’instigateur de cette tentative de relance.

« La décision de Mitsubishi était une décision d’affaires qui n’a rien à voir avec la technologie développée par Medicago, explique-t-il, en entrevue téléphonique avec La Presse. On a aussi acquis des équipements qui proviendront des États-Unis [où se trouvait la première usine commerciale de Medicago]. Notre intention est de rapatrier toute la production au Canada et à Québec. »

La transaction, annoncée vendredi, est intervenue au terme de négociations entre le gouvernement Trudeau et Mitsubishi concernant le transfert d’actifs et de propriété intellectuelle.

Depuis 2020, Ottawa a mis 200 millions à la disposition de Medicago, propriété de la multinationale japonaise, dans le cadre de ses efforts de croissance.

« Nous avons travaillé étroitement avec Mitsubishi pour faire en sorte que le savoir scientifique, la propriété intellectuelle et les principaux actifs de Medicago demeurent au Canada, affirme le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne. Nous avons atteint ces objectifs. »

Québec, qui a consenti un prêt de 50 millions à Medicago pour l’aider à financer son expansion, tente toujours de se faire rembourser par le conglomérat. Vendredi, le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie a indiqué que les discussions se poursuivaient en précisant que le « gouvernement s’attend à être pleinement remboursé ».

Relance minceur

Aramis s’installera dans le complexe situé sur le boulevard du Parc-Technologique, où se trouvent des locaux administratifs, des serres ainsi que des salles de production. Il ne s’agit pas de l’immense complexe où Medicago planifiait une expansion, dans le secteur D’Estimauville, où l’on cherche toujours un nouveau propriétaire.

PHOTO PATRICE LAROCHE, ARCHIVES LE SOLEIL

Le complexe où Medicago prévoyait accroître son empreinte est toujours vacant.

Il y a encore beaucoup d’étapes à franchir puisque l’on repart « à zéro » au chapitre de la production avec le réaménagement des serres puisque les vaccins sont produits à base de plantes. M. Ors affirme que son équipe est actuellement formée de 14 personnes, parmi lesquelles on retrouve d’anciens dirigeants de Medicago.

Nous sommes tous des actionnaires. Avec des investisseurs privés [dont les noms n’ont pas été dévoilés], nous allons investir un minimum de 40 millions dans les cinq prochaines années pour redémarrer [la production].

Frédéric Ors, président d’Aramis Biotechnologies

Dans une décision qui avait suscité l’étonnement en raison de sa rapidité, Mitsubishi avait jeté l’éponge le 2 février dernier en annonçant la liquidation des actifs de l’entreprise malgré les 176 millions obtenus auprès du gouvernement Trudeau et le prêt de 60 millions consenti par le gouvernement québécois en 2015 pour la phase d’agrandissement à Québec. Cela a entraîné la perte de quelque 400 emplois.

Le conglomérat nippon avait évoqué des « changements importants » survenus sur la scène internationale « contre la COVID-19 depuis l’autorisation du Covifenz » – le vaccin à base de plantes développé par Medicago.

Après avoir obtenu l’aval de Santé Canada en février 2022, le vaccin avait été rejeté par l’Organisation mondiale de la santé en raison des liens de la biopharmaceutique avec l’industrie du tabac. Le cigarettier Philip Morris était alors le deuxième actionnaire en importance de Medicago avec une participation de 21 %. La multinationale s’était départie de ses actions. Cela est survenu trop tardivement.

L’accent sur la grippe

Avant l’arrivée de la COVID-19, c’était le vaccin de Medicago contre la grippe qui était « le plus avancé », rappelle M. Ors. C’est de ce côté que les efforts seront déployés, dit-il.

« On pense que c’est dans ce marché, où les vaccins sont encore produits à base d’œufs, qu’il y a des occasions, affirme le dirigeant d’Aramis. Il y a encore place à l’amélioration, notamment chez les personnes plus âgées, où les taux d’efficacité demeurent faibles. »

C’est la deuxième fois en environ une semaine que des actifs qui appartenaient autrefois à Medicago trouvent preneur. Le 28 novembre dernier, le spécialiste québécois des biomarqueurs Linearis annonçait l’ouverture d’un laboratoire dans l’espace auparavant occupé par la défunte biopharmaceutique, sur la route de l’Église, à Québec.

Linearis avait mis la main sur 650 « instruments scientifiques » en plus d’intégrer d’anciens employés de Medicago spécialisés en spectrométrie de masse, en assurance qualité ainsi qu’en gestion de laboratoire. L’entreprise prévoit effectuer ses premières analyses à cet endroit pendant les trois premiers mois de 2024.

En savoir plus
  • 1999
    Année de fondation de Medicago
    Source : medicago