(Pékin) Outre des résultats trimestriels conformes aux attentes, le géant chinois du cybercommerce Alibaba a annoncé jeudi l’annulation d’un projet de scission de sa branche informatique en nuage (cloud) en raison de restrictions américaines sur les puces informatiques.

Le groupe a fait état d’un chiffre d’affaires en hausse de 9 % sur un an sur la période juillet-septembre, après plusieurs années difficiles et sur fond de ralentissement économique en Chine, qui pèse sur la consommation.

Le groupe basé à Hangzhou (est), acteur incontournable de l’économie numérique, est un précurseur de la généralisation en Chine des achats sur l’internet. Il est à ce titre un baromètre de la consommation dans le pays.

Le montant des ventes pour la période juillet-septembre s’élève à 224,8 milliards de yuans (28,6 milliards d’euros), un chiffre conforme aux attentes d’analystes sondés par l’agence Bloomberg.

Alibaba avait réalisé un chiffre d’affaires de 234,1 milliards de yuans le trimestre précédent.

« Alibaba Group a réalisé un trimestre solide, marqué par un élan et une énergie renouvelés dans de multiples activités grâce à notre réorganisation stratégique », a indiqué Eddie Wu, le PDG du groupe, dans un communiqué publié par l’entreprise.

Il fait référence au grand plan de restructuration annoncé en mars. Alibaba prévoyait alors de découper le groupe en six entités, dont cinq pourront être cotées séparément en Bourse.

L’objectif affiché était notamment de créer davantage de valeur pour les actionnaires et d’être plus compétitif.

« Sécurité nationale »

Mais l’entreprise a annoncé jeudi annuler pour l’heure le projet de scission en une entité distincte de son activité cloud en raison du « récent renforcement des restrictions américaines sur l’exportation de puces informatiques de pointe ».

« Nous estimons qu’une scission complète de Cloud Intelligence Group pourrait ne pas produire l’effet escompté d’amélioration de la valeur actionnariale », a indiqué Alibaba dans le communiqué annonçant ses résultats trimestriels.

En réaction à la nouvelle, les titres du groupe cotés à Wall Street se sont écroulés de 9,14 % à 79,11 dollars. Au plus haut de l’année en février dernier, ils cotaient plus de 120 dollars.

Les États-Unis tentent depuis de nombreux mois de limiter l’accès des entreprises chinoises aux technologies de pointe, avec notamment des restrictions à l’exportation vers le géant asiatique de semi-conducteurs et de machines utilisées pour leur fabrication.  

Selon l’administration américaine, il s’agit de prévenir leur utilisation par la Chine à des fins militaires et de répondre aux menaces posées à la « sécurité nationale ».

L’exportation des puces les plus performantes, notamment celles utilisées pour le développement de l’intelligence artificielle, est soumis à l’octroi d’une licence par les autorités américaines.

La Chine dénonce régulièrement ces mesures, qu’elle accuse de vouloir enrayer son développement économique.

Le plan de restructuration d’Alibaba a été annoncé après plusieurs années de turbulences pour la « tech » en Chine, marquées par une reprise en main par les autorités d’un puissant secteur alors peu régulé.  

Alibaba avait été en 2020 la première entreprise à subir la vindicte du pouvoir.

Consommation atone

Les autorités avaient alors stoppé in extremis ce qui aurait dû devenir l’une des plus grosses levées de fonds de l’histoire (34 milliards de dollars) pour son ex-filiale Ant Group, propriétaire d’Alipay, un système de paiement par téléphone très populaire en Chine.

Le mois suivant, Alibaba était visé par une enquête pour entrave à la concurrence, puis condamné à une lourde amende (2,3 milliards d’euros).  

Ces mesures avaient marqué le début d’un brutal durcissement de la réglementation dans le secteur technologique, qui avait fortement pénalisé la rentabilité des géants du numérique.  

Mais après l’avoir malmené, le pouvoir chinois réaffirme désormais son soutien à l’économie numérique, un important vivier de croissance et d’emplois, au moment où l’économie est sous pression.

Le secteur n’a toutefois pas encore retrouvé son dynamisme d’antan.

Les marchés restent inquiets quant à la santé de l’économie chinoise, à nouveau entrée en déflation en octobre selon des chiffres annoncés la semaine dernière.

Des craintes renforcées par des achats relativement modestes durant la récente période de soldes en ligne de la « Fête des célibataires », évènement phare du groupe Alibaba qui jadis battait chaque année un record de ventes.

La consommation chinoise reste atone, sur fond de marché immobilier en crise et de fort chômage chez les jeunes, la deuxième économie mondiale peinant toujours à se remettre de la stricte politique zéro-COVID-19 abolie fin 2022.