H2 Green Steel illustre bien le principal obstacle qui se dresse devant les promoteurs de projets énergivores par les temps qui courent. Presque tous les ingrédients sont réunis pour ce complexe multimilliardaire d’acier vert que souhaite construire l’entreprise suédoise sur la Côte-Nord. Il n’en manque qu’un, et pas n’importe lequel : l’approvisionnement énergétique.

« C’est essentiellement une question d’accès à l’hydroélectricité », reconnaît le chef de la direction de cette jeune pousse, Henrik Henriksson, en entrevue avec La Presse, à propos de la faisabilité du projet.

Établie à Stockholm, l’entreprise souhaite effectuer une sorte de copier-coller de sa première aciérie qui est en construction dans le nord de la Suède. Cette formule s’apparente à celle de Northvolt et de son projet de fabrication d’usine de cellules de batteries.

H2 Green Steel fait miroiter une production d’acier vert à grande échelle grâce à l’utilisation de l’hydrogène vert – qui nécessite énormément d’énergie – pour remplacer l’utilisation de combustibles fossiles, comme le gaz naturel, dans la production d’acier à l’aide de fours à arc électrique. Selon la World Steel Association, chaque tonne métrique d’acier se traduit par des émissions de 1,85 tonne de CO2.

L’hydrogène vert, qu’est-ce que c’est ?

À l’heure actuelle, 95 % de l’hydrogène dans le monde est produit à partir d’énergies fossiles. L’hydrogène peut être produit par l’électrolyse de l’eau. Ce procédé consiste à faire passer un courant électrique dans l’eau. Cela permet de décomposer ses molécules pour ensuite en extraire l’hydrogène. On parle d’hydrogène vert quand le courant utilisé provient d’une source d’énergie renouvelable, comme l’hydroélectricité.

Source : gouvernement du Québec

L’investissement, qui verrait le jour dans le secteur de Pointe-Noire, à Sept-Îles, pourrait osciller aux alentours de 5 milliards.

Le hic : H2 Green Steel est à la recherche de plusieurs centaines de mégawatts (MW). M. Henriksson aimerait en obtenir au moins 600 MW, soit la puissance nécessaire pour alimenter une aluminerie.

L’entreprise échange avec le gouvernement Legault depuis plus d’un an et demi. Une rencontre a notamment eu lieu à Davos avec le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, en janvier dernier. M. Fitzgibbon a aussi visité l’aciériste le mois dernier dans le cadre de son passage en Scandinavie.

Le projet intéresse Québec, mais les promoteurs ignorent s’ils seront capables d’avoir accès à l’énergie demandée. Hydro-Québec envisage la fin des surplus vers 2027.

« Nous pouvons apporter en Amérique du Nord un portefeuille de clients qui se sont engagés à acheter de l’acier vert et qui sont prêts à payer le prix pour en obtenir, dit l’homme d’affaires. Ils nous suivront en Amérique du Nord. Nous proposons aussi un modèle de financement qui a fait ses preuves. Tout dépend de l’accès à l’énergie. »

Ententes en poche

H2 Green Steel a déjà conclu des ententes pour vendre plus de 1,5 million de tonnes d’acier vert à des clients comme les constructeurs automobiles Mercedes et BMW ainsi que le fabricant d’électroménagers Miele. Le mois dernier, elle a bouclé un tour de financement de 2,1 milliards pour financer sa première usine à Boden, en Suède. Là-bas, l’entreprise jouit de tarifs hydroélectriques avantageux.

Les géants ArcelorMittal et Rio Tinto produisent déjà de l’acier au Québec. L’an dernier, La Presse a rapporté qu’ArcelorMittal avait testé l’hydrogène vert à son complexe de Contrecœur pour remplacer le gaz naturel utilisé dans le procédé. Au moment où ces lignes étaient écrites, le géant sidérurgique n’avait pas répondu aux questions visant à faire le point sur cette initiative.

Puisque des producteurs d’acier sont déjà implantés sur le sol québécois, ne serait-il pas mieux de décarboner ces procédés polluants plutôt que de favoriser l’arrivée d’un nouvel acteur ? Le grand patron de H2 Green Steel n’est pas d’accord.

PHOTO FOURNIE PAR H2 GREEN STEEL

Henrik Henriksson est chef de la direction de H2 Green Steel.

Nous pouvons éliminer 95 % des émissions de CO2 avec notre procédé. Pour y arriver, il faut un projet vierge (greenfield). Avec des sites existants, il faudrait repenser l’endroit au complet. C’est d’une autre époque. Il serait difficile d’atteindre la cible de 95 % à moins d’un projet vierge.

Henrik Henriksson, chef de la direction de H2 Green Steel

Pour le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau, c’est le genre de dossier qui place le gouvernement Legault dans une position délicate. Il souhaite attirer de nouveaux acteurs industriels, mais cela pourrait s’accompagner d’une facture.

« Le problème, c’est que les nouveaux approvisionnements vont coûter plus cher que le prix [de vente] actuel, dit l’expert. Les consommateurs industriels paient environ 5 cents par kilowattheure au tarif L. Mais il n’y a pas une nouvelle source d’approvisionnement qui va fournir de l’énergie à ce prix. La question, c’est de savoir comment on modifie la tarification. »

Membre associé de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie, Sylvain Audette croit pour sa part qu’il est possible de dire oui à des projets comme celui de l’entreprise suédoise, à condition d’imposer des conditions prévoyant des interruptions d’approvisionnement si la situation l’exige, par exemple, pendant une vague de froid.

H2 Green Steel espère savoir d’ici « quatre à six mois » si elle obtiendra l’énergie nécessaire. M. Henriksson et son équipe devront s’armer de patience, puisque M. Fitzgibbon a déjà fait savoir qu’il attendrait encore « quelques mois » avant d’attribuer de nouveaux blocs d’énergie à de grands projets industriels.

Par le passé, le ministre s’est montré peu enthousiaste à l’endroit des projets entourant la production d’hydrogène vert. Dans le cas de H2 Green Steel, ce combustible propre serait intégré à la production d’acier, ce qui pourrait convaincre Québec.

H2 Green Steel en bref 

Année de fondation : 2020

Siège social : Stockholm

Financement obtenu jusqu’à présent : 7,3 milliards CAN

Clients et partenaires : 24

En savoir plus
  • 2025
    Année où H2 Green Steel doit commencer à produire de l’acier vert en Suède
    source : h2 green steel
    5 millions
    Cible de production annuelle de tonnes d’acier vert à Boden en 2030
    source : h2 green steel