À terme, les cathodes fabriquées à Bécancour alimenteront l’usine de camions F-150 électriques que Ford est en train de bâtir au Tennessee.

C’est ce qu’a expliqué aux représentants des médias la vice-présidente responsable des véhicules électriques chez le constructeur automobile, Lisa Drake, lors de l’annonce d’un investissement de 1,2 milliard visant la construction d’une usine de cathodes en partenariat avec les sociétés coréennes EcoPro BM et SK On.

« Les cathodes qui seront produites ici, dans cette usine, vont finir dans nos camions électriques, a répondu Mme Drake en point de presse à une question sur l’importance de l’investissement pour Ford. Si vous nous connaissez, vous savez que la construction de camions est une activité que nous menons très bien et que nous connaissons bien. Nous construisons une nouvelle usine de camions électriques dans le Tennessee. Ce sera notre quatrième usine de camions série F aux États-Unis. Les cathodes d’ici seront acheminées vers les cellules des batteries et, en fin de compte, vers cette usine. Ça ne peut pas être plus stratégique comme investissement. »

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Le F-150 Lightning de Ford

Les cathodes représentent le pôle positif de la batterie lithium-ion qui alimente les véhicules électriques. Leurs composants représentent environ 40 % du coût d’une batterie. Les anodes constituent le pôle négatif.

C’était jour de grande visite à Bécancour pour annoncer officiellement la construction de l’usine EcoPro CAM Canada (CAM étant l’acronyme anglais de cathode active materials, soit matière active de la cathode, en français).

S’y côtoyaient des dirigeants des deux multinationales coréennes, l’ambassadeur de Corée du Sud, la présidente de Ford Canada, une v.-p. du siège social du constructeur à l’ovale bleu, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie du Canada, François-Philippe Champagne, le premier ministre du Québec, François Legault, deux ministres de son cabinet, les maires de Trois-Rivières, de Shawinigan et de Bécancour et les hauts dirigeants d’Investissement Québec, le bras investisseur du gouvernement provincial. Ian L. Edwards, PDG de SNC-Lavalin, est aussi descendu à l’Auberge Godefroy, de Bécancour, pour l’occasion. Sa firme a obtenu le contrat d’ingénierie pour la phase 1 de l’usine évalué à 141 millions.

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Pelletée de terre officielle

Les gouvernements avanceront plus de la moitié de la somme nécessaire à la construction de l’usine de Ford à Bécancour. Québec et Ottawa accordent des prêts de 644 millions pour la construction d’une nouvelle usine de production de matériaux de batteries à Bécancour. La partie « prêt pardonnable » du Québec s’élève à 194 millions, l’équivalent d’une subvention.

Malgré l’importance de l’aide publique, les représentants des deux ordres de gouvernement assurent que l’investissement reste rentable pour les contribuables. « On s’assure que les retombées prévisibles dans les 10 à 20 prochaines années excèdent le coût pour le gouvernement », a expliqué François Legault au cours du point de presse.

Un premier investissement de Québec

Les sourires étaient nombreux et l’émotion contagieuse. En 119 ans d’histoire au Canada, il s’agit après tout du premier investissement de Ford au Québec.

Le Québec, qui a été un acteur périphérique de l’industrie automobile depuis la fermeture de l’usine de GM à Boisbriand, devient un fournisseur stratégique de la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques, a insisté pour sa part le ministre fédéral François-Philippe Champagne.

« Il y a 18 mois, les gens n’associaient pas nécessairement le Québec aux véhicules électriques de l’avenir, a dit le ministre fédéral. Avec cet investissement, nous intégrons le Québec dans la chaîne de valeur des véhicules électriques avec l’élément [la cathode] ayant la plus forte valeur ajoutée. À terme, dans chaque véhicule Ford circulant en Amérique du Nord, on trouvera un morceau de cette usine essentiel à son alimentation. »

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Le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne

C’est multigénérationnel comme évènement. Et quand c’est bon pour Ford, c’est bon pour à peu près tout le monde. C’est un véritable catalyseur pour la région.

François-Philippe Champagne, ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie

Avant lui, le premier ministre Legault était tout aussi en verve. « Mon objectif en politique, c’est de créer des emplois mieux payés, a-t-il déclaré dans son allocution. Ce que je souhaite, c’est que nos jeunes aient des défis ici et qu’ils n’aient pas besoin de s’exiler pour avoir des jobs passionnantes et bien payées. On a des jeunes qui sont brillants, qui ont de l’ambition et qui sont prêts à relever ces défis-là. Il faut leur offrir des emplois de qualité. »

L’usine de cathodes créera 345 emplois. L’usine d’EcoPro CAM Canada produira en moyenne 45 000 tonnes de matériaux actifs de cathode par année. La production sera destinée à la fabrication de batteries pour les futurs véhicules électriques de Ford. L’usine devrait être opérationnelle en 2026.

L’usine d’EcoPro CAM est le fruit d’un consortium formé de Ford et des entreprises coréennes EcoPro BM et SK On. EcoPro BM est le premier fabricant au monde de matériaux cathodiques actifs à forte teneur en nickel, tandis que SK On est un leader mondial dans le développement et la fabrication de batteries de véhicules électriques.

Leader mondial de l’économie verte

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Le premier ministre du Québec, François Legault

Parmi les retombées, il y a le positionnement du Québec comme leader mondial de l’économie verte, aux yeux de M. Legault. « On vient de démontrer aujourd’hui qu’on est capable d’attirer de gros joueurs comme Ford. C’est une grande fierté. Ça vient confirmer que le Québec est vraiment en train de se positionner comme un leader mondial de l’économie verte. » L’énergie propre et pas chère est l’une des raisons pour lesquelles Ford et ses deux partenaires ont choisi le Québec. Québec souhaite réserver 900 mégawatts d’électricité additionnels pour la filière des batteries à Bécancour.

Une école des métiers de la batterie en projet

Le gouvernement et ses partenaires en éducation vont travailler fort pour créer une école des métiers de la transition énergétique. Les parties visent une ouverture des portes en septembre 2024. Le site privilégié pour le moment est le parc industriel La Prade, où se trouvent les anciens bâtiments d’Énergie atomique que la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour vient d’acquérir, tout juste à l’est de la future usine de cathodes de Ford et de GM-POSCO. Caractère novateur de l’initiative, l’établissement offrira à la fois de l’enseignement secondaire (DEP), collégial (techniques) et universitaire. Au moins 200 élèves sont attendus dans la première cohorte. « Il faut voir combien ça coûte, les laboratoires, etc., a commenté le député caquiste de Nicolet-Bécancour, Donald Martel, en marge de l’évènement. Ce qui est exceptionnel, ce sont les huit centres de services scolaires de la Mauricie et du Centre-du-Québec qui travaillent là-dessus, les quatre cégeps et l’UQTR. »

Bécancour élargira son périmètre urbain

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L’usine de Bécancour devrait être opérationnelle en 2026.

Bécancour, ville de 15 000 habitants répartis dans six villages, est en processus de demande auprès de la MRC et du ministère des Affaires municipales pour élargir le périmètre urbain de ses noyaux villageois afin de construire environ 5000 logements à court et moyen termes, principalement dans les secteurs de Sainte-Angèle-de-Laval et de Gentilly. « Il n’y aura aucun empiétement sur la zone agricole », assure la mairesse Lucie Allard, présente à l’évènement.