Alors qu’elle vient à peine de souffler les bougies soulignant son 20anniversaire, Juliette & Chocolat a cessé de vendre ses douceurs et de servir ses brunchs sucrés dans ses huit restaurants tous situés dans la grande région de Montréal, fermés définitivement depuis lundi.

Ce qu’il faut savoir

Après 20 ans d’existence, Juliette & Chocolat ferme ses huit restaurants.

La pandémie et l’aide gouvernementale qu’elle doit maintenant rembourser ont eu raison de l’entreprise spécialisée dans le chocolat, les brownies et autres desserts décadents.

Juliette & Chocolat continuera toutefois de confectionner des produits destinés notamment à la vente en ligne.

Une décision que la fondatrice de l’entreprise, Juliette Brun, ne s’attendait pas à devoir prendre il y a à peine deux mois, a-t-elle affirmé au cours d’une entrevue téléphonique accordée à La Presse, mardi.

« Jamais, jamais je n’aurais pensé que ça pourrait aller aussi vite. Quand je regardais mes finances et que je faisais mes projections – assez conservatrices –, je voyais que ça n’avait juste pas de sens de continuer. Je savais que j’allais juste continuer à creuser mon trou », ajoute cette mère de cinq enfants qui dirigeait l’entreprise avec son mari, Lionel May.

Les nombreux épisodes de fermeture pendant la pandémie ont fait mal à l’entreprise de Mme Brun, puisque normalement les consommateurs préfèrent venir savourer et partager un délice sucré sur place « plutôt que de manger un brownie seuls chez eux », analyse-t-elle. Les ventes à emporter ont donc été peu importantes. Puis, l’entreprise, pour survivre, a eu droit à plusieurs millions en prêts gouvernementaux, qu’elle doit maintenant rembourser.

Pourtant, depuis la dernière réouverture, les clients ont été nombreux à venir s’attabler à l’une de ses adresses pour partager brownies, crème glacée et autres biscuits. L’achalandage et les ventes en croissance n’auront toutefois pas suffi à couvrir tous les frais. « Les coûts ont augmenté et, en parallèle, j’ai des remboursements que je n’ai jamais eus avant. Quand on rajoutait le poids de la dette sur les dépenses quotidiennes, ça ne marchait pas. »

PHOTO DENIS GERMAIN, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Juliette Brun, fondatrice de Juliette & Chocolat

Fermeture d’un ou deux restaurants, demande de prolongation ou de pardon d’une partie des prêts, restructuration : toutes les options ont été mises sur la table. Le couple a toutefois dû se rendre à l’évidence, fermer tous les restaurants demeurait la meilleure solution.

« C’est avec beaucoup de tristesse et le cœur très gros que je vous annonce officiellement la fermeture de toutes nos succursales dès aujourd’hui », peut-on lire dans un message envoyé par l’entreprise à ses quelque 400 employés, repris sur le site de TVA Nouvelles. « Nous avons tous travaillé d’arrache-pied depuis la réouverture des restaurants l’été dernier, mais malheureusement les résultats ne sont pas suffisants pour compenser la perte que nous avons accumulée durant la COVID-19. Ajoutez à cela l’augmentation des coûts et l’impact de l’inflation sur les habitudes de consommation de nos invités et aujourd’hui, nos restaurants ne sont malheureusement plus rentables. »

La marque demeure en vie

Bonne nouvelle toutefois pour les amateurs de chocolat, l’entreprise a l’intention de continuer à confectionner des produits qui seront destinés à la vente en ligne. « Je sais que j’ai un concept qui marche, un concept qui est fort. C’est sûr que c’est dur, mais je suis capable de reconstruire quelque chose. Donc, je continue la boutique en ligne. » Les différents commerces qui vendaient quelques produits signés Juliette & Chocolat continueront également à en offrir.

Impossible pour le moment de savoir ce qu’il adviendra du projet de franchise qui devait ouvrir à Montréal à l’automne, rue Sauvé dans le quartier Ahuntsic. « C’est sûr que pour eux, ç’a été un choc, reconnaît Mme Brun, en faisant référence aux futurs franchisés. Ils sont en train de réfléchir. Ça leur appartient, je ne veux vraiment pas les mettre au pied du mur, je veux qu’ils soient à l’aise dans leur décision de continuer avec nous ou non. Leur inquiétude, c’est que cette nouvelle-là ait un impact négatif [sur les affaires]. Mais ça ne change rien à ce qu’on offre. »

En 2021, Mme Brun avait accepté que son concept sucré se retrouve entre les mains d’un franchisé avec l’ouverture d’une première succursale à Dollard-des-Ormeaux à la fin de mai. Et d’autres devaient suivre ailleurs au Québec et peut-être même en Ontario.

« La fin de la récréation »

Par ailleurs, bien qu’elle ne le souhaite pas à d’autres, Juliette Brun croit qu’elle ne sera pas la seule entrepreneure à devoir prendre des décisions difficiles au cours des prochains mois.

La restauration a pris un grand coup pendant la pandémie et les marges ne sont plus du tout les mêmes. Je pense malheureusement que ce qui m’est arrivé risque d’arriver à d’autres.

Juliette Brun, fondatrice de Juliette & Chocolat

Selon l’entrepreneur François Lambert, qui a notamment participé à l’émission Dans l’œil du dragon, « la fin de la récréation » sonnera bientôt pour bon nombre d’entreprises qui vivotent depuis la pandémie. « Les trois dernières années ont vu de nombreuses entreprises échapper à la faillite, souvent grâce à des mesures d’urgence. Beaucoup de ces établissements étaient ce qu’on appelle des “entreprises zombies” », a-t-il commenté sur Linkedln, ne cachant pas sa tristesse à propos de la fermeture des restaurants de Juliette & Chocolat. « Ces entités ont pu survivre un peu plus longtemps que prévu grâce aux aides gouvernementales, mais la fin de la récréation se profile à l’horizon. »

Connu pour ses cornets de crème glacée décadents et autres sucreries, Dominique Brown, président de Chocolats Favoris, a exprimé toute sa sympathie au couple d’entrepreneurs qui a fait naître Juliette & Chocolat. « Quand naviguer à travers la tempête ne suffit plus, quand garder le moral n’est plus possible ou plus suffisant, quand on doit se résigner à assister au naufrage de son navire, ce doit être quelque chose de considérablement difficile à vivre qui n’est souhaitable à personne », a-t-il écrit, également sur Linkedln.

Juliette & Chocolat en bref

Année de fondation : 2003

Fondatrice : Juliette Brun (son mari Lionel May s’est ensuite joint à l’aventure)

Nombre d’établissements : 8 restaurants et 1 usine de production

Siège social : Longueuil

Nombre d’employés : de 400 à 450

Chiffre d’affaires annuel : 10 millions