Essoufflées par la pandémie, inquiètes de l’inflation et de l’incertitude économique, les entreprises canadiennes n’ont jamais été aussi peu nombreuses à prévoir des investissements technologiques.

Le Portrait des TI 2023 dressé par le groupe Novipro qui sera rendu public ce lundi montre également un retard québécois en matière de transition vers l’intelligence artificielle, notamment expliqué par la pénurie de ressources.

76 %

Quand on demande aux responsables d’entreprise s’ils prévoient des investissements technologiques dans les deux prochaines années, environ les trois quarts répondent par l’affirmative. Ils étaient 92 % à le faire en 2019. Ce 7Portrait des TI provient d’un sondage Léger mené auprès de 435 décideurs en mars dernier.

« Mon explication, c’est que les entreprises font plus attention à leurs sous, sont plus prudentes dans leurs investissements, analyse Martin Pelletier, chef de la stratégie chez Novipro, une firme montréalaise de service-conseil en technologie fondée en 1993. Avec la pénurie de main-d’œuvre, certains projets sont ralentis. »

La crainte de récession et l’inflation sont les raisons les plus souvent évoquées pour justifier une pause des investissements technologiques, citées respectivement par 41 % et 40 % des entreprises.

Pratiquement tous les secteurs d’investissement sont en chute libre depuis 2017, note-t-on.

Rendez-vous manqué

Autre grande perdante du contexte économique, l’intelligence artificielle ne semble plus avoir la cote. Seulement 13 % des entreprises prévoient y investir dans les deux prochaines années, contre 36 % en 2019, ce que les analystes de Novipro qualifient de « rendez-vous manqué ».

« Elles sous-estiment l’évolution fulgurante à venir de cette technologie et l’impact qu’elle aura sur leur croissance », déclare par communiqué David Chamandy, PDG de Novipro.

Le Québec, où 45 % des entreprises affirment avoir obtenu des résultats positifs après avoir implanté des solutions d’IA et d’analyse avancée, accuse par ailleurs un retard significatif sur l’Ontario, où elles sont 63 % à faire ce constat.

Le Québec a plus de difficulté. Est-ce un problème de langage ? On a un bassin plus restreint ; en Ontario, ils peuvent engager jusqu’à Vancouver. On n’a pas de conclusion évidente, on constate.

Martin Pelletier, chef de la stratégie chez Novipro

Accepter de payer

Après les investissements d’urgence pendant la pandémie pour faciliter entre autres le télétravail, on note par ailleurs un certain essoufflement pour les investissements en cybersécurité. « Il y a une baisse en formation, en mise à niveau des équipements », résume M. Pelletier. Si 74 % des entreprises ont offert une formation en sécurité à leurs employés en 2019, elles ne sont plus que 59 % en 2022.

En tout, 22 % des entreprises affirment avoir été victimes d’une cyberattaque, une statistique dans la bonne moyenne des dernières années. Pour une entreprise sur quatre, les coûts des menaces informatiques sont de plus de 500 000 $, et 43 % des répondants affirment détenir une cyberassurance. Ce qui suscite l’inquiétude chez Novipro, c’est que plus de la moitié d’entre elles, 57 % plus précisément, ont accepté de payer la rançon exigée par les cybercriminels.

« C’est une statistique que je trouve très bizarre, reconnaît M. Pelletier. Si tu es obligé de payer, c’est que tu n’étais pas prêt pour protéger tes données ; 57 % qui paient, c’est beaucoup. »

Une illustration de cette méconnaissance des risques : seulement 58 % des entreprises exigent que les employés utilisent à distance un réseau privé virtuel sécurisé. Seulement 33 % empêchent leurs employés de télécharger des applications sur leurs ordinateurs.

« Beaucoup de gens vont considérer que c’est contraignant, mais non, c’est purement de la sécurité, martèle M. Pelletier. Tes deux exigences préliminaires les plus importantes, c’est de sensibiliser les gens et d’assurer une bonne hygiène informatique, avec des mises à niveau et les bonnes versions sécurisées. »

Dans une version précédente, nous mentionnions que « 45 % des entreprises affirment avoir implanté des solutions d’IA et d’analyse avancée » ; il s’agit en fait de la proportion ayant affirmé avoir obtenu des résultats positifs avec cette implantation. De même, nous écrivions que « le coût moyen de la menace a été établi à 500 000 $ ». En fait, pour une entreprise sur quatre, les coûts des menaces informatiques sont de « plus de 500 000 $ ».