L’accord de 14 milliards qui verra Volkswagen, le plus grand manufacturier automobile au monde, installer une usine au Canada pour la première fois de l’Histoire est le fruit d’une longue année de négociations des deux côtés de l’Atlantique.

Tout a commencé au début de 2022, quand le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a décidé d’appeler de président-directeur général de la division nord-américaine de la compagnie, Scott Keogh.

« Je me suis présenté et j’ai dit “écoutez, je suis là, le ministre Champagne du Canada. J’aimerais ouvrir une discussion” », a-t-il raconté.

Volkswagen vend des voitures au Canada depuis des décennies, mais ne les a jamais construites sur place. Mais alors que les constructeurs automobiles amorcent leur transition vers des véhicules électriques, produire leurs batteries, demande une chaîne d’approvisionnement solide, et le Canada cherche à faire sa place dans ce nouveau marché.

Au moment où il a appelé M. Keogh, M. Champagne s’apprêtait à annoncer la création de sa toute première méga-usine, en Ontario, pilotée par les compagnies LG et Stellantis.

Le fédéral a aussi déjà conclu des ententes avec Ford, General Motors, Honda et Toyota.

En 2021, Volkswagen avait annoncé son intention de construire six usines de batteries électriques avant 2030. L’appel du ministre Champagne, à point nommé, a conduit à une rencontre à Toronto en avril 2022.

Y ont participé l’ensemble du conseil d’administration nord-américain de la compagnie, M. Champagne et le ministre ontarien du Développement économique, Vic Fedeli.

Mais d’après M. Champagne, la première brique a été posée quelques heures auparavant, quand il est allé souhaiter la bienvenue au chef du service des achats de Volkswagen après l’avoir aperçu dans la rue. « Il était assez surpris », s’est souvenu le ministre, comme il ne s’attendait pas à ce que quelqu’un le reconnaisse.

Deux semaines plus tard, le ministre Champagne s’envolait pour l’Allemagne pour rencontrer les dirigeants de l’entreprise.

En août, il signait une entente avec le président-directeur général de Volkswagen, Herbert Diess, pour coopérer sur la création de batteries électriques et de leurs composantes.

Mais tout n’était pas encore dans la poche. En décembre, quand M. Champagne a rencontré le nouveau dirigeant de la compagnie, Oliver Blume, ce dernier a indiqué que le Canada faisait partie d’une poignée de lieux considérés.

D’après M. Fedeli, alors que Volkswagen laissait entendre que le Canada avait une forte compétition, l’identité de ces rivaux n’a jamais été révélée. Les représentants de l’entreprise étaient « les gens les plus sympathiques que nous ayons jamais rencontrés », mais aussi « les plus intransigeants négociateurs ».

Mais le Canada avait un as dans sa manche : la petite municipalité de St. Thomas, en Ontario. La ville de 40 000 âmes a déjà produit plus de 8 millions de véhicules lorsqu’une usine de Ford y était en activité, jusqu’en 2011. Elle a de l’électricité propre en grande quantité et des travailleurs spécialisés dans la construction automobile et la technologie.

Selon le maire Joe Preston, St. Thomas avait déjà entamé une stratégie d’expansion industrielle soutenue par l’Ontario pour attirer des compagnies manufacturières. Cela incluait l’achat de terres, la création d’un nouveau parc industriel et la mise en place d’eau courante et d’électricité dans le secteur.

Des inspecteurs d’une compagnie mystère ont alors visité la municipalité. « Pendant très longtemps, ils ne voulaient même pas nous dire que c’était Volkswagen, a raconté le maire Preston. Alors entre nous et le gouvernement provincial, nous parlions presque en code quand nous abordions le projet. »

Au début de 2023, les négociations se penchaient maintenant sur des détails, mais Volkswagen continuait de dire qu’elle participait à des pourparlers semblables avec d’autres juridictions.

Le 13 mars, presque un an après la première conversation téléphonique du ministre Champagne, le ministre Fedeli recevait un appel de Volkswagen. L’entreprise allait s’installer à St. Thomas.

L’entreprise compte construire une méga-usine qui créerait un million de véhicules électriques par année dès 2027, et ce, pour plusieurs décennies.

Le complexe devrait employer 3000 travailleurs, mais si on compte la hausse de la demande pour les entreprises de matières premières, environ 30 000 emplois devraient voir le jour.

L’entente inclut un investissement de 700 millions de la part du fédéral et de 500 millions de l’Ontario, en plus de subventions pour le coût de production de chaque batterie, soit de 8 milliards à 13 milliards en une décennie.

Ces subventions ont été négociées pour faire compétition aux États-Unis, qui en offrent des semblables. Si les subventions américaines diminuent ou disparaissent, celles du Canada à Volkswagen feront de même.

Vendredi, LG et Stellantis ont ouvertement critiqué Ottawa, disant que le gouvernement n’a pas rempli ses engagements pour leur usine de Windsor, en Ontario. Tous les paliers de gouvernement devaient s’impliquer financièrement dans l’accord en cours de création, mais la valeur de ces investissements n’a pas été rendue publique. Le fédéral affirme que les négociations sont toujours en cours.