(Montréal) Le président de BMO Groupe financier au Québec a été invité mercredi par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) pour parler du leadership du secteur financier dans la lutte aux changements climatiques. Pourtant, la BMO est une importante bailleuse de fonds des énergies fossiles, ce que n’ont pas manqué de signaler des militants écologistes, qui l’ont interrompu lors de son discours.

Le président de la BMO au Québec, Grégoire Baillargeon, s’adressait à des centaines de membres de la communauté des affaires de la métropole en expliquant que sa banque est « motivée chaque jour » dans la lutte au changement climatique, lorsque trois militants de Greenpeace l’ont interrompu.

« Vous êtes conscient que vous faites de l’écoblanchiment en continuant de financer les projets d’industrie fossile », lui a lancé le porte-parole de Greenpeace Canada, Patrick Bonin.

Pendant plusieurs minutes, le militant a fait état des contradictions de la BMO, qui fait partie de l’alliance bancaire Net Zéro, mais qui, pourtant, a financé l’industrie fossile à hauteur de 25 milliards en 2022.

Le dirigeant de la BMO a tenu à ce que le militant de Greenpeace termine son plaidoyer avant de lui dire ceci : « Je suis venu ici vous livrer mon cœur aujourd’hui, et j’aimerais avoir le privilège de vous rencontrer pour discuter de la question ».

L’écologiste a accepté l’invitation du banquier.

M. Baillargeon a ensuite livré un vibrant plaidoyer en invitant la Chambre de commerce à s’engager dans la lutte au changement climatique.

En s’adressant aux gens d’affaires de Montréal, il a posé cette question, la gorge nouée d’émotion : « Serons-nous les leaders, pourrons-nous regarder nos enfants dans les yeux et dire qu’on a fait ce qu’on pouvait ? », a lancé Grégoire Baillargeon.

« Jamais une telle responsabilité n’a été donnée à autant de personnes et le temps presse », a-t-il ajouté en indiquant « qu’à l’avenir, nous devons tous être de meilleurs citoyens ».

À la fin de son discours, les centaines de gens d’affaires présents dans la salle se sont levés pour l’applaudir.

180 milliards dans l’industrie fossile

Pourtant, la BMO a investi plus de 180 milliards dans l’industrie fossile depuis la signature de l’Accord de Paris en 2015, selon les données de l’étude Banking on Climate Chaos, publiée par un consortium de groupes écologistes.

D’après les projections du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), l’utilisation du charbon, du pétrole et du gaz doit être réduite respectivement de 100 %, 60 % et 70 % d’ici 2050 par rapport aux niveaux de 2019, pour atteindre l’objectif de 1,5 degré Celsius.

Dans la foulée de la publication d’un rapport du GIEC en 2022, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, avait d’ailleurs déclaré qu’« investir dans de nouvelles infrastructures de combustibles fossiles est, moralement et économiquement, une folie ».

Mais plutôt que de diminuer ces investissements dans ce secteur, la BMO les a plutôt augmentés en 2021.

En 2020, le financement de la BMO aux industries fossiles s’élevait à environ 20 milliards ; son aide a crû à près de 25 milliards en 2021 pour ce secteur, le même montant qu’en 2022.

L’alliance bancaire Net Zéro, dont fait parte la BMO, demande à ses membres de « réduire et d’éliminer progressivement tous les combustibles fossiles ne pouvant faire l’objet de mesures de contrôle des émissions dans le cadre d’une transition juste ».

La Presse Canadienne a demandé à Grégoire Baillargeon si la BMO avait l’intention d’arrêter le financement de nouvelles infrastructures de combustibles fossiles.

Il a répondu que d’arrêter de financer l’industrie des sables bitumineux serait l’équivalent « de se mettre la tête dans le sable ».

« On est une banque fiable pour l’économie canadienne et être une banque fiable, c’est être là pour l’ensemble de l’économie », a-t-il ajouté en indiquant que sa mission est « d’amener une économie forte en carbone vers la transition » et que c’est ce qu’il compte faire « main dans la main avec tout le monde le plus vite possible ».

Réduction de 30 % du portefeuille

Le président de la BMO pour le Québec a également dit que la banque avait « annoncé une réduction de 30 % de son portefeuille “ scope 3 ” dans le secteur du pétrole et du gaz d’ici 2030 ».

L’expression « scope 3 » fait référence aux émissions indirectes, comme celles liées à la combustion du carburant produit grâce au financement d’une banque par exemple.

Si la BMO souhaite diminuer de 30 % son portefeuille « scope 3 », elle devra effectuer un virage important, car en 2022, la Banque de Montréal figurait au 13e rang des plus importants bailleurs de fonds à l’industrie fossile au monde, toujours selon les données de Banking on Climate Chaos.

« Oui on finance l’industrie fossile, les transports des aliments, de ce que nous avons besoin, nécessite encore de l’essence », a répondu Grégoire Baillargeon à une question posée par Michel Leblanc, le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

M. Baillargeon a tenu à souligner que décarboniser l’économie demandera un énorme effort collectif.

« S’il y a des pratiques qui sont fortes en carbone, il faut que ces pratiques-là changent, ça veut dire qu’il faut que la demande du consommateur change. Ça veut dire que la demande des entreprises doit changer, la réglementation doit changer, il faut que l’entreprise change ses façons de faire les choses, il faut réinventer les industries. »

Il a ajouté « qu’il ne faut pas démoniser nos partenaires de l’Alberta, il faut plutôt travailler ensemble », en faisant référence à l’industrie des sables bitumineux.

Les plus importants exploitants de sables bitumineux ont reçu 21 milliards de financement en 2022, selon Banking on Climate Chaos, et ce financement provient principalement des grandes banques canadiennes, TD, RBC et la Banque de Montréal.