(Montréal) Si l’intelligence artificielle soulève des questions sur la protection de la propriété intellectuelle dans l’industrie culturelle, le grand patron du Cirque du Soleil, Stéphane Lefebvre, croit que le risque est relativement faible pour l’entreprise québécoise.

« On n’a pas encore toutes les réponses, mais je mentirais de dire que je suis bien inquiet étant donné la force de la marque de commerce », répond M. Lefebvre en entrevue, mardi, en marge d’une allocution devant le Cercle canadien de Montréal.

La « forte » marque de commerce du Cirque représente une protection contre les tentatives de copies, selon lui. « Il y a beaucoup de gens dans le passé qui ont voulu faire des choses, qui ressemblaient au Cirque du Soleil, même sans intelligence artificielle, ajoute-t-il. Il peut y avoir un paquet de gens qui veulent créer des spectacles de cirque semblables, mais sans avoir la marque de commerce du Cirque, le sceau de qualité du Cirque, ça deviendrait plus compliqué pour les gens. »

L’intelligence artificielle soulève de nombreuses questions dans l’industrie culturelle et artistique. Des utilisateurs ont été en mesure de créer des images, des textes ou de la musique, inspirés du travail d’autres artistes. Récemment, un faux duo copiant les voix de Drake et The Weeknd est devenu viral sur les réseaux sociaux et a semé l’émoi dans la communauté artistique.

En privé, M. Lefebvre raconte s’être amusé à faire des expériences avec les robots conversationnels. « Je l’ai fait moi-même, il n’y a pas tellement longtemps, dans un but purement personnel pour raconter une histoire à mes enfants. C’est très rapide. Donc, c’est possible. La technologie, elle est là aujourd’hui. »

Le Cirque du Soleil ne ferme pas entièrement la porte à l’utilisation de cette technologie dans son processus créatif, mais le dirigeant semble plus enclin à le considérer pour les opérations administratives.

« On essaie de voir comment on peut utiliser l’intelligence artificielle pour nous aider à l’extérieur de la sphère créative, répond-il. Parce que ça peut être un support quand même intéressant d’un point de vue administratif, pour devenir de plus en plus efficace. Donc ça, c’est des choses qui sont à l’étude à l’heure actuelle. »

La question est plus complexe pour ce qui touche à la création, constate M. Lefebvre. « On est encore à l’étude pour comprendre ce que ça peut vouloir dire, où ça peut aider, mais aussi les pièges qu’il peut y avoir, notamment les pièges légaux. »

Vidéos et jeux vidéo

Au cours de son allocution, M. Lefebvre a abordé la relance et la stratégie de l’entreprise québécoise, qui a été durement frappée par l’arrêt des spectacles durant la pandémie.

Outre les spectacles, le Cirque veut aussi déployer sa marque sur d’autres plateformes, notamment la diffusion vidéo et les jeux vidéo. Le conférencier a fait miroiter une annonce imminente dans le segment du jeu vidéo plus tard ce mois-ci. « Malheureusement, je ne peux pas en parler de façon plus concrète », se limite-t-il à dire plus tard en entrevue.

Le studio MGM a produit un documentaire sur la reprise des spectacles après la pandémie. D’autres projets vidéo sont dans les cartons, a précisé M. Lefebvre, en entrevue.

Encore une fois, il reste discret. « Il y a une entente de signée aujourd’hui. Malheureusement, je ne peux pas en parler. Il y a un autre projet sur lequel on travaille aussi, sur une autre plateforme, où on est rendu très loin dans la phase de développement. »

Après l’éclipse

Après l’arrêt imposé par la pandémie, la reprise du Cirque a dépassé « toutes nos attentes », a dit M. Lefebvre, durant son allocution qui s’est conclue par une brève prestation d’acrobates.

Il faut dire que la stratégie de croissance de l’entreprise, qui avait accumulé une dette de 1 milliard US avant la pandémie, avait frappé un mur durant l’arrêt des spectacles, la forçant à déclarer faillite.

En novembre 2020, Catalyst Capital Group a injecté 375 millions US pour renflouer les coffres de l’entreprise, mais il aura fallu attendre à l’été 2021 avant que l’assouplissement des mesures sanitaires permette la reprise des spectacles.

L’entreprise se trouve dans une bien meilleure posture financière. Elle est parvenue en mars à diminuer sa dette de 100 millions US et de la refinancer à des taux plus bas, malgré le resserrement monétaire des banques centrales. La dette totale du Cirque du Soleil s’établissait à 550 millions US en mars.

Malgré l’incertitude économique, la demande reste vigoureuse pour les spectacles du Cirque du Soleil, assure M. Lefebvre. Il ne croit pas que cet engouement s’explique par un simple retour de balancier après le confinement, mais traduit plutôt une tendance lourde. « Les gens ont envie de vivre des expériences, de les vivre et de montrer à tout le monde qu’ils ont vécu cette expérience-là. Je pense que c’est une tendance lourde et qu’on ne va pas retourner en arrière. »