Le transformateur de viande Olymel a confirmé la fermeture de son usine d’abattage de porcs de Vallée-Jonction en Beauce. Près de 1000 travailleurs sont touchés par la décision.

Olymel, qui appartient majoritairement à la coopérative Sollio, a dû réduire sa capacité d’abattage en raison de la conjoncture défavorable dans le marché du porc, notamment sur les marchés d’exportation.

« Au cours des 12 derniers mois, nous avons annoncé deux réductions d’abattage totalisant 1,5 million de porcs annuellement. La fermeture d’une des quatre usines d’abattage au Québec était inévitable », a expliqué son président-directeur général Yanick Gervais en conférence de presse tenue au siège social d’Olymel, à Saint-Hyacinthe.

Dans ses usines de Vallée-Jonction, Yamachiche, L’Ange-Gardien et Saint-Esprit, le transformateur abat en ce moment de 100 000 à 105 000 têtes par semaine. L’objectif à partir de janvier 2024 sera d’abattre 80 000 porcs par semaine.

« Après analyse, Olymel a pris la décision difficile de fermer l’usine de Vallée-Jonction. J’exprime mon soutien à nos employés, leur famille, nos fournisseurs, les producteurs de porcs de la Beauce, et l’ensemble de la communauté régionale », a insisté M. Gervais.

Olymel avait parlé vendredi matin aux élus régionaux, mairesse, préfet et député, pour leur offrir sa collaboration en vue de minimiser les répercussions régionales tout en reconnaissant que celles-ci seront importantes.

L’entreprise agroalimentaire a justifié la décision de fermer son usine beauceronne pour deux raisons. Vieillotte, l’usine nécessite des investissements de 40 millions à très court terme pour pouvoir continuer de fonctionner de façon rentable. De plus, sa configuration complique sa modernisation.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

L’usine d’Olymel de Vallée-Jonction

L’employeur fait aussi face à des défis de recrutement plus importants en Beauce qu’ailleurs en raison de la vitalité économique régionale. L’usine a perdu près de 230 travailleurs depuis 16 mois à la suite de départs volontaires. « C’est à peu près impossible de recruter localement, faute de candidats », a répondu M. Gervais à une question des journalistes.

L’abattoir qui sera fermé avait une capacité théorique de 35 000 porcs par semaine, mais en raison des postes vacants, 28 000 bêtes sont abattues par semaine.

La fermeture touche 994 travailleurs, dont 911 syndiqués et 83 non-syndiqués. Un programme de déplacement dans les autres établissements d’Olymel a été mis sur pied. Le processus va s’étaler sur huit mois. Le quart de soir cessera le 15 septembre, ce qui touchera 443 employés. Le quart de jour devrait se poursuivre jusqu’au 22 décembre prochain.

Le salaire horaire dans la salle de découpe est de près de 27 $ l’heure au sommet de l’échelle. Environ 60 travailleurs ont été embauchés avant 1980, dont 11 avant 1975.

Parmi les employés de Vallée-Jonction qui perdent leur gagne-pain, on dénombre environ 125 travailleurs étrangers temporaires. Des discussions sont en cours avec les autorités fédérales et provinciales pour ouvrir leur permis de travail à d’autres établissements d’Olymel.

Olymel a manqué jusqu’à 3000 travailleurs en plein cœur de la pandémie. Avec l’arrivée prévue chez Olymel d’un contingent de plus de 1400 travailleurs étrangers temporaires, le problème est devenu moins criant. « Dans nos établissements existants, il reste de 500 à 700 emplois qui pourraient être pourvus », indique M. Gervais.

« Déçus »

La direction d’Olymel n’a pas voulu s’avancer sur les effets de la fermeture sur les éleveurs de porcs. Une annonce sur le renouvellement du plan de mise en marché est prévue la semaine prochaine.

« Elle est signée depuis ce matin et on va faire une annonce la semaine prochaine, a indiqué le président des Éleveurs de porcs, David Duval, en entrevue avec La Presse. Je n’en parlerai pas plus, parce que les producteurs, je veux leur en faire l’annonce et je ne veux pas qu’ils l’apprennent dans les journaux comme le syndicat de la CSN. C’est très émotif ces temps-ci. »

Il se dit déçu de la décision d’Olymel. « Avec tous les efforts que les producteurs ont mis au cours des dernières années, que ce soit sur le plan du bien-être, du gaspillage d’eau, des gaz à effet de serre […] d’arriver avec une annonce comme ça, ça fait toujours mal au cœur parce qu’on sent qu’on a tout fait ça pour rien. »

Le porc, c’est cyclique et d’habitude, les producteurs mettent un peu d’argent de côté dans un bas de laine pour que dans les creux, ils soient capables de passer au travers. Je dirais que les transformateurs ne l’ont jamais vraiment fait, et peut-être que ç’a été une faiblesse.

David Duval, président des Éleveurs de porcs

L’Union des producteurs agricoles (UPA), le syndicat dont fait partie les Éleveurs de porcs, a réagi à la fermeture en demandant à Québec d’effectuer un « diagnostic neutre et indépendant sur la situation dans l’industrie porcine ».

« L’annonce d’aujourd’hui est à l’opposé des efforts, des investissements et des sacrifices des éleveurs. Ces derniers méritent mieux, point à la ligne », a déclaré le président de l’UPA, Martin Caron.

Ce dernier estime qu’il est temps que le gouvernement du Québec et son ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) « élargissent leur implication dans le dossier» .

« Il faut que le Ministère regarde quelles sont les options, et quel est le plan de match pour la production porcine au Québec. Parce qu’à un moment donné, à force de ne pas s’impliquer, on laisse aller les affaires. La production porcine, c’est un fleuron du Québec », a-t-il ajouté.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

L’abattoir qui sera fermé avait une capacité théorique de 35 000 porcs par semaine, mais en raison des postes vacants, 28 000 bêtes sont abattues par semaine.

« Il n’y a aucun effort qui va être ménagé pour s’assurer de la pérennité de la filière à moyen et long terme. Ça, c’est certain. Des études, on en a fait, mais s’il faut en faire d’autres, on va en faire d’autres », a répondu lors d’une entrevue téléphonique le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne. « On a pas mal de monde intelligent au cours des derniers mois qui s'est investi jour après jour, après jour, après jour pour comprendre ce qu’il se passe. »

Ce dernier a souligné qu’il allait rencontrer l’ensemble des acteurs de la filière porcine la semaine prochaine pour faire le point sur la suite des choses.

Olymel exporte dans 65 pays. Ses principaux marchés sont le Japon et la Corée pour des pièces à valeur ajoutée comme du filet. La Chine demeure un marché d’importance pour des sous-produits tels des abats. Depuis deux ans, la concurrence est forte notamment en provenance de pays émergents, ce qui a eu pour effet de limiter les hausses de prix dans le porc, contrairement à ce qu’on a pu voir pour les autres viandes, a précisé le PDG d’Olymel. Les coûts, en revanche, augmentent, ce qui comprime les marges au point que le transformateur produisait à perte.

Avec la collaboration de Marie-Eve Fournier, La Presse