(Montréal) Une dispute judiciaire avec Nikola Motors risque de retarder davantage l’arrivée d’un nouveau modèle de la Compagnie électrique Lion. L’entreprise québécoise reproche au constructeur américain de camions électriques Nikola Motors de lui avoir mis des bâtons dans les roues après avoir acheté un fournisseur d’ensembles de batteries.

Au terme d’un processus d’arbitrage, le constructeur de camions et d’autobus électriques s’est officiellement tourné vers les tribunaux, la semaine dernière. Le litige concerne le fabricant de batteries Romeo Power, qui appartient officiellement à Nikola depuis octobre dernier.

Selon Lion, son concurrent américain est responsable de la détérioration de sa relation d’affaires avec Romeo, incapable de respecter ses échéances de livraison. Ce fournisseur est responsable de la fabrication des ensembles de batteries du Lion 8T – un tracteur 10 roues – dont la « production et la livraison étaient prévues au quatrième trimestre de 2022 ». Il y avait au moins 100 modèles à produire et livrer depuis l’an dernier, selon la poursuite.

« En raison des ratés de Romeo […], Lion n’a pas été en mesure de satisfaire, en temps voulu, un nombre de commandes, peut-on lire dans le document d’environ 20 pages. Lion a subi et subira des dommages substantiels, sans compter le risque de commandes futures à risque et d’atteinte à sa réputation. »

De l’ingérence

Lion allègue une ingérence malicieuse de Nikola, qui aurait demandé à Romeo d’augmenter ses prix de 65 % avant d’annuler le contrat après avoir acheté le fournisseur. L’entreprise établie à Saint-Jérôme réclame un dédommagement d’au moins 75 000 $ US, mais demande surtout aux tribunaux américains d’ordonner à son fournisseur d’honorer l’entente de 234 millions US intervenue en novembre 2020 entre les deux parties.

En commentant les résultats du quatrième trimestre, vendredi, le président et chef de la direction de Lion, Marc Bédard, s’est montré prudent en abordant le dossier en raison de sa judiciarisation. L’arrivée du Lion 8T – commandé par des entreprises comme la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) – sur les routes risque d’être retardée, a-t-il convenu.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE LION ÉLECTRIQUE

Le modèle Lion 8T

« Ce [litige] avec Romeo pourrait avoir un impact sur le moment du lancement, a dit M. Bédard. Ceci étant dit, nous avons néanmoins des commandes pour le Lion 8T. »

Il n’avait pas été possible d’obtenir une réaction de Nikola au moment d’écrire ces lignes.

Au cours d’une conférence téléphonique avec les analystes le 23 février dernier, la cheffe de la direction financière de l’entreprise américaine, Kim Brady, avait minimisé les conséquences potentielles du différend.

« Nous croyons pouvoir régler ce problème et n’anticipons pas de conséquences à long terme », avait-elle dit.

Après avoir séduit les investisseurs au début de 2020, Nikola s’est retrouvée dans la tourmente et a vu son action dégringoler en Bourse. Son ex-patron et fondateur, Trevor Milton, a été accusé d’avoir embelli les perspectives du constructeur de véhicules électriques.

Des millions à investir

Toujours en croissance, Lion prévoit investir environ 65 millions US cette année dans son usine d’assemblage américaine de Joliet, en Illinois, ainsi que dans son complexe de batteries à Mirabel, dans les Laurentides.

Avec 88 millions US dans ses coffres au 31 décembre dernier, le constructeur d’autobus et de camions électriques estime avoir les reins suffisamment solides pour atteindre ces objectifs. Ses dirigeants affirment toutefois garder un œil attentif sur les liquidités et la possibilité de « récolter du capital ».

« Nous sommes au courant des conditions de marché actuelles et nous allons tenter, bien entendu, d’opter pour des instruments non dilutifs [pour les actionnaires] », a souligné Nicolas Brunet, chef de la direction financière.

Au quatrième trimestre, Lion a amassé environ 116 millions US grâce à l’émission d’actions et en empruntant. Pendant les mois d’octobre, novembre et décembre, l’entreprise a livré 174 véhicules, soit 139 autobus électriques et 35 camions électriques. Benoit Poirier, de Valeurs mobilières Desjardins, anticipait 176 livraisons.

En date du 9 mars, le carnet de commandes atteignait 2468 véhicules. Cela représente une valeur estimée à 575 millions US.

À la Bourse de Toronto, vendredi avant-midi, l’action de Lion cotait à 2,96 $, en recul de 4 cents, ou 1,3 %. Cela lui conférait une valeur boursière d’environ 655 millions.

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  • 1400 personnes
    Effectif de la Compagnie électrique Lion au 9 mars
    Source : compagnie électrique lion