Journée mouvementée dans le dossier de la fusion de Rogers et Shaw : alors que les investisseurs ont propulsé le titre de Québecor à la hausse, le Bureau de la concurrence a annoncé en fin de journée son intention de contester la décision du Tribunal de la concurrence qui ouvre la voie à la fusion des deux entreprises de télécommunications.

Vendredi matin, les réactions étaient nombreuses, à commencer par les principaux intéressés qui se félicitaient de pouvoir aller de l’avant avec la transaction. Le Tribunal de la concurrence avait annoncé en soirée jeudi le rejet de la demande du Bureau de la concurrence visant à bloquer la fusion de Rogers et Shaw, un projet évalué à 26 milliards (dette comprise).

Mais le Bureau n’avait pas dit son dernier mot : non seulement il conteste la décision, mais il demande une injonction qui empêcherait la fusion jusqu’à la prochaine décision.

« Nous sommes profondément déçus que le commissaire continue de tenter de priver le Canada et les Canadiens des avantages qui découleront de ces transactions proposées », a-t-on pu lire dans un communiqué publié par les deux entreprises en après-midi. Tout un changement de ton avec les réjouissances du matin.

Rappelons que le Bureau s’oppose à cette fusion qui serait défavorable pour les consommateurs canadiens, dit-il, en réduisant la concurrence et en faisant potentiellement monter les prix des services de télécommunications au pays.

Hausse de l’action de Québecor

Avant ce revirement de situation, la décision du Tribunal avait eu ses effets dans la journée : l’action de Québecor a terminé 2022 en remontant à son plus haut niveau depuis le mois d’avril à la Bourse de Toronto. Le titre du conglomérat dirigé par Pierre Karl Péladeau s’est apprécié de 4 % durant la dernière séance boursière de l’année pour clôturer à 30,20 $.

Québecor avait accepté plus tôt cette année de se porter acquéreur de la filiale de Shaw dans le sans-fil (Freedom Mobile) contre 2,9 milliards dans l’éventualité où la fusion de Rogers et Shaw se concrétiserait. Cette transaction impliquant Québecor avait été présentée comme contribuant à rendre acceptable le projet de fusion de Rogers et Shaw aux yeux du Bureau de la concurrence.

Les investisseurs ont longtemps montré des réticences devant les intentions de Québecor d’étendre ses activités dans le sans-fil en dehors du Québec. Mais comme le souligne l’analyste Jérôme Dubreuil, de Valeurs mobilières Desjardins, le sentiment a maintenant changé depuis que les modalités de la transaction pour l’acquisition de Freedom ont été présentées.

En se fiant à ces informations, l’analyste Jérôme Dubreuil calcule que l’acquisition de Freedom est nettement positive pour Québecor en raison du rendement attendu. « Le titre de Québecor devrait se négocier à au moins 31 $, et ce, même avant d’obtenir plus de détails entourant les cibles financières et les plans d’expansion de la direction », souligne cet expert dans une note publiée vendredi, avant l’annonce de la contestation.

Le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie doit approuver le transfert des licences de Freedom à Québecor.

François-Philippe Champagne avait exigé un engagement à long terme de la part de Vidéotron si Québecor souhaitait acquérir de nouvelles licences. Il s’attend aussi à ce que les prix des services sans fil en Ontario et dans l’Ouest canadien soient comparables à ceux offerts par Vidéotron au Québec, qui sont inférieurs de 20 %, en moyenne, à ceux du reste du pays.

La diminution du prix des services de téléphonie mobile demeure une condition difficile à interpréter. Des experts ont notamment souligné que les prix varient de région en région et même à l’intérieur d’une province, et qu’ils sont notamment affectés par des campagnes de promotion ainsi que par les différents forfaits offerts.

C’est justement ce qui est au cœur du débat : le Commissaire de la concurrence avait fait savoir plus tôt cette année qu’il craignait une hausse des prix, une qualité de service moindre et une perte de choix en parlant du projet de fusion annoncé.

Le titre de Shaw a clôturé la séance de vendredi en hausse de 9 %, à 39,01 $, tout près de la valeur de 40,50 $ promise par la direction de Rogers. Le titre de Rogers a de son côté monté de 4 % vendredi à Toronto.

Avec la collaboration de Stéphanie Bérubé, La Presse