Ralentissement économique et récession sont généralement synonymes de mises à pied. Mais avec un nombre record de postes vacants, les entreprises prendront-elles le risque de faire tomber le couperet si les scénarios pessimistes se confirment ? Pour éviter de perdre des employés qui risquent de ne jamais revenir, les employeurs semblent prêts à faire des pieds et des mains pour éviter ce scénario.

« Ce que j’entends, c’est qu’on veut garder son monde le plus possible », résume Julie Lajoie, directrice d’Altrum Reconnaissance, firme spécialisée dans les ressources humaines. « C’est tellement difficile de garder ses employés, et quand on sait que le ralentissement ou la récession risque d’être temporaire, il y a une réflexion. »

Travail partagé, formation et réalisation de projets qui étaient sur la glace : les moyens sont nombreux pour éviter d’avoir à effectuer des mises à pied si le volume d’affaires n’est plus au rendez-vous.

Reste à voir si les entreprises auront les reins assez solides pour absorber d’éventuelles secousses tout en évitant de sabrer le personnel.

Le programme de travail partagé consiste à offrir des prestations d’assurance-emploi à des salariés dont l’horaire de travail est temporairement réduit lorsqu’une baisse de l’activité survient afin d’éviter des mises à pied.

PHOTO FOURNIE PAR ALTRUM RECONNAISSANCE

Julie Lajoie, directrice d’Altrum Reconnaissance

« Il peut aussi y avoir des projets pertinents que l’on a en tête et qui ne se sont pas réalisés dans le passé faute de temps, comme des projets d’amélioration continue, explique Mme Lajoie. Cela fait partie des idées créatives pour retenir ses employés, les reconnaître et les soutenir dans un contexte de ralentissement. »

Changement de ton

Personne n’a de boule de cristal pour savoir avec certitude ce que l’avenir nous réserve, mais des nuages sombres pointent à l’horizon. Dans sa mise à jour économique présentée le 8 décembre dernier, le ministre des Finances, Eric Girard, avait finalement intégré un scénario de récession dans ses prévisions.

Le Conseil du patronat du Québec (CPQ), qui se présente comme le plus grand regroupement d’employeurs de la province, demeure confiant. Plus de neuf membres sur dix ont des « enjeux de pénurie de main-d’œuvre », rappelle le président et chef de la direction de l’organisation, Karl Blackburn. Advenant une détérioration du contexte économique, « ce qui arrivait avant n’arrivera pas ».

« Il y a des besoins de main-d’œuvre dans tous les secteurs, dit-il. Le nombre de postes vacants ne diminuera pas de façon marquée. Mais si ça change, le volet de formation en continu constitue une façon pour des entreprises de maintenir des employés en poste avec des programmes spécifiques. »

La première vague de la pandémie de COVID-19 avait mis à l’épreuve la résilience des entreprises qui peinaient déjà à trouver le personnel nécessaire.

Le président et chef de la direction de Groupe Meloche, Hugue Meloche, ignore ce que l’avenir réserve au fabricant de composants pour l’industrie aéronautique. Une chose est sûre : si la situation se corse, il compte avoir la même approche qu’au plus fort de la crise sanitaire.

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Hugue Meloche, président et chef de la direction de Groupe Meloche

« Le mot d’ordre était de ne pas faire de mises à pied, explique l’homme d’affaires. Même si le contexte suggérait d’en faire, on savait que la demande reviendrait et que ça serait extrêmement difficile de réembaucher des travailleurs de qualité par la suite. On s’en félicite. Ce n’était pas facile financièrement, même s’il y avait des programmes comme la subvention salariale. Heureusement, nous n’étions pas beaucoup endettés. »

Avec une quarantaine de postes à pourvoir, M. Meloche anticipe qu’une baisse de l’activité viendrait essentiellement raccourcir la liste des candidats recherchés.

Planification en marche

Il n’en reste pas moins que les gestionnaires réfléchissent aux voyants jaunes qui apparaissent sur leur tableau de bord, souligne Marie-Ève Drouin, présidente et stratège en ressources humaines chez Équipe Drouin RH. Les petites et moyennes entreprises (PME) de moins de 60 employés représentent la majorité de sa clientèle.

« Notre clientèle est en train d’anticiper ce qui s’en vient, explique-t-elle. Si c’est un ralentissement qui n’est pas trop sévère, on ne veut pas être le premier à libérer des travailleurs. Des concurrents pourraient les embaucher et quand les affaires vont repartir, on aura un problème. Je pense que les entreprises vont jouer de prudence. »

Signe que les entreprises souhaitent à tout prix éviter de perdre des salariés : la firme de Mme Drouin a déjà été contactée par des PME qui ne prévoient pas de mises à pied, même si elles anticipent un recul du niveau d’activité. Celles-ci veulent s’assurer d’être bien outillées « pour ne pas perdre de bons joueurs qui pourraient être à l’écoute du marché » s’ils se mettent à avoir des doutes sur leur avenir.

En savoir plus
  • 6,2 %
    Taux de postes vacants au deuxième trimestre. Il était de 3,6 % en 2019.
    source : gouvernement du québec
    3,8 %
    Taux de chômage au Québec en novembre dernier. Un creux record.
    source : statistique canada