Il y avait des enjeux financiers à surmonter chez Groupe Sélection au moins un an avant le début de la pandémie puisque l’entreprise avait entamé des démarches de financement, révèlent des documents qui viennent d’être rendus publics. L’entreprise aujourd’hui insolvable négociait même avec un investisseur potentiel pour obtenir des fonds.

Dès avril 2019, PwC, la firme qui est actuellement aux commandes du redressement financier du géant des résidences pour aînés (RPA), avait été chargée par la Banque de Montréal et Investissement Québec (IQ) – le bras financier de l’État québécois – d’effectuer une vérification au préalable « dans le cadre d’un financement potentiel ».

Pourquoi le processus, qui s’est échelonné jusqu’en avril 2020, a-t-il avorté ?

« Après une revue diligente qui s’est déroulée sur plusieurs mois, notamment à cause des informations incomplètes ou non disponibles, ce financement ne s’est pas concrétisé », écrit Christian Bourque, responsable du département de restructuration de PwC au Québec qui pilote le redressement de Sélection.

Ce n’est pas la première fois que la gestion des finances de l’entreprise fondée par l’homme d’affaires Réal Bouclin est critiquée. Lorsqu’elle s’est placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), les prêteurs avaient estimé que la désorganisation était généralisée dans ce département.

Lisez « J’en ai fait, des dossiers, je n’ai jamais vu ça »

Le rapport initial de M. Bourque n’avait pas encore été rendu public. Toutefois, l’ordonnance de mise sous scellés concernant ce document a été levée par la Cour supérieure du Québec, plus tôt cette semaine, à la demande des avocats de La Presse. Certaines informations de nature délicate, comme la valeur attribuée à certains actifs de Sélection, demeurent caviardées.

Ce rapport de PwC ne précise pas le montant qui était recherché par Sélection. L’entreprise aujourd’hui insolvable a imputé une grande partie de sa débâcle à la crise sanitaire, mais le document témoigne qu’il y avait des enjeux avant l’arrivée de la COVID-19.

Signe des besoins de liquidités, Sélection « était en discussion avec un investisseur potentiel » entre avril 2019 et avril 2020, selon le rapport de PwC. L’identité de l’investisseur n’est pas évoquée et les informations qui auraient permis d’avoir une idée du montant qui aurait pu être injecté ont été caviardées.

« Cet investissement n’a jamais eu lieu », se limite à souligner le rapport.

À l’abri jusqu’au 22 février

Invitée à commenter les pourparlers entourant l’arrivée de potentiels investisseurs ces dernières années, Sélection a répondu, par courriel, que « plusieurs avenues » avaient été explorées, mais qu’« actuellement », les efforts étaient déployés à la « réussite de notre relance ».

En dépit d’enjeux financiers qui dataient d’avant la pandémie, le propriétaire et exploitant de RPA a été en mesure de bénéficier du soutien de l’État québécois dans le cadre du Programme d’action concertée temporaire pour les entreprises (PACTE), mis en place par le gouvernement Legault afin d’offrir du financement d’urgence aux entreprises éprouvées par la crise sanitaire.

Québec est exposé à hauteur de 60 millions dans le cadre de la restructuration en vigueur chez Sélection à la suite de garanties de prêts accordées au printemps 2021 par IQ. Cette garantie concerne le financement bancaire, qui atteint maintenant 272 millions, obtenu à l’époque par l’entreprise.

Le premier rapport de PwC fait en partie le point sur les finances du géant des RPA. Ainsi, l’entreprise était « sous-capitalisée » et avait investi plus de 136 millions dans « les 18 mois terminés le 30 juin 2022 ».

Cette somme avait été financée « à 100 % » par des emprunts ou par le truchement de monétisation d’actifs.

Seulement dans la division de la construction, la perte nette se chiffrait à 8 millions pour la période de six mois qui s’était terminée le 30 juin dernier. Quant au déficit de trésorerie, il s’élevait à 30 millions.

Mercredi dernier, la Cour supérieure a accepté de prolonger jusqu’au 22 février la période permettant à Sélection de demeurer à l’abri de ses créanciers. M. Bourque a déjà déployé un bouquet de mesures visant à réduire les dépenses. Elles devraient avoir fléchi d’environ 14 millions à la fin de février.

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  • 14 novembre
    Date à laquelle Groupe Sélection s’est placé sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies
    SOURCE : GROUPE SÉLECTION