Le Québec pourrait devenir un leader mondial de la récupération de déchets électroniques, avec l’ouverture d’ici un an d’une usine pilote à Thetford Mines qui pourra traiter annuellement jusqu’à 200 tonnes de circuits imprimés pour en extraire les métaux.

À terme, on veut construire d’ici 2025 une usine commerciale capable de traiter jusqu’à 5000 tonnes de déchets, un investissement estimé à 150 millions.

Dans un premier temps, le projet d’usine pilote de 13 millions est mené par une nouvelle entreprise, enim, cofondée par deux partenaires dans ce domaine, la firme de génie montréalaise Seneca et la minière torontoise Dundee. C’est dans les installations de Thetford Mines d’une filiale de cette dernière, Dundee Sustainable Technologies, que sera hébergée l’usine pilote qui emploiera une cinquantaine de personnes.

La firme enim (palindrome de « mine ») est dirigée par Simon Racicot-Daignault, à la tête d’une filiale d’Hydro-Québec, InnovHQ, de juin 2020 à avril dernier. « Une de nos grandes forces, ce sont nos deux partenaires, des gens qui ont une expérience technique et opérationnelle très forte », explique-t-il. Seneca fait notamment partie du consortium Recyclage Lithion, qui a mis au point un procédé de recyclage des batteries automobiles lithium-ion. Quant à Dundee Sustainable Technologies, elle se spécialise dans l’extraction et la décontamination de minerai.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Simon Racicot-Daignault, PDG de la firme enim qui ouvrira d’ici un an une usine pilote à Thetford Mines qui pourra traiter jusqu’à 200 tonnes de circuits imprimés.

Entre 95 et 99 % d’extraction

L’objectif de cette usine pilote à Thetford Mines : valider sur le plan industriel un procédé breveté, à faible empreinte, d’extraction de différents métaux présents dans les circuits imprimés. Ces circuits imprimés proviendront du programme québécois de recyclage des appareils électroniques, ces « Serpuariens » dont on a récupéré 175 000 tonnes depuis 2012. Les circuits imprimés, eux, « sont essentiellement envoyés à la Fonderie Horne pour y être brûlés », explique M. Racicot-Daignault. Une partie de ces circuits est également envoyée à des recycleurs comme eCycle, Quantum Lifecycle et FCM Recycling.

C’est dans les laboratoires du Centre d’études des procédés chimiques du Québec (CEPROCQ, associé au collège de Maisonneuve) qu’on a mis au point un procédé d’une efficacité rarement atteinte. Basé sur l’hydrométallurgie, il permet d’extraire des circuits imprimés « entre 95 et 99 % » des métaux comme l’or, l’argent, le platine, le palladium, le cuivre et l’aluminium.

Dans un circuit imprimé, il y a de 10 à 100 fois plus d’or que dans la même quantité de minerai d’or, explique le PDG d’enim. On paie des fortunes pour ouvrir des sites miniers, alors qu’on a plein de métaux qui sont disséminés un peu partout dans nos équipements électroniques, et on accepte qu’une partie soit exportée.

Simon Racicot-Daignault, PDG d’enim

Le passage du laboratoire à la validation industrielle est l’un des grands défis qui attendent enim. Son PDG ne doute pas de démontrer la rentabilité du procédé. « Toute notre analyse démontre une profitabilité, et nos tests l’ont confirmée. Une entreprise a beau être écoresponsable, ce n’est pas soutenable si elle n’est pas rentable. On est conscients que sans profitabilité, il n’y a pas de lendemain. »

7500 tours Eiffel

En dehors des considérations purement comptables, M. Racicot-Daignault estime que le recyclage des déchets électroniques est un défi environnemental incontournable. « Il y a tout un courant dans la société, on le voit avec la discussion autour de la Fonderie Horne. La société est mûre pour une discussion plus large, et ça ne peut être seulement sur l’aspect économique. »

Alors que les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont de plus en plus présents pour les gestionnaires d’entreprise, le PDG d’enim estime que les métaux qui seront recyclés auront une valeur ajoutée qui les rendra plus attrayants. En avril dernier, un géant comme Apple, par exemple, a annoncé que 20 % des matériaux utilisés pour ses appareils électroniques étaient recyclés, qu’on utilisait pour la première fois de l’or recyclé certifié et que l’utilisation de cobalt, de tungstène et de terres rares recyclés avait doublé.

« Notre ambition n’est pas que québécoise, elle est vraiment mondiale : on sait que la matière première va aller en augmentant, les prévisions sont ahurissantes, souligne le PDG d’enim. Selon les projections de l’ONU, on générera annuellement en 2030 75 millions de tonnes de déchets électroniques, l’équivalent de 7500 tours Eiffel. »

En savoir plus
  • 17,4 %
    Proportion des équipements électroniques et électriques obsolètes dans le monde qui ont été revalorisés
    Source : Union internationale des télécommunications (ONU), Suivi des déchets d’équipements électriques et électroniques à l’échelle mondiale pour 2020
  • 57 milliards US
    Valeur des matières premières présentes dans la quantité de déchets électroniques et électriques produits à l’échelle mondiale. À titre de comparaison, la valeur totale des minéraux extraits au Canada en 2021 était de 55,5 milliards, selon Ressources naturelles Canada.
    Source : Union internationale des télécommunications (ONU), Suivi des déchets d’équipements électriques et électroniques à l’échelle mondiale pour 2020