(New York) Après les « superprofits » des majors européennes, les géants américains des hydrocarbures ExxonMobil et Chevron ont dégagé des bénéfices encore plus juteux au troisième trimestre, s’exposant ainsi à de nouvelles critiques de l’administration américaine.

ExxonMobil a gagné 19,7 milliards de dollars sur la période, un niveau jamais atteint auparavant, tandis que Chevron s’est octroyé 11,2 milliards de profit, juste en-dessous de son record du trimestre précédent.  

Sous l’effet de l’envolée des prix de l’énergie dans la foulée de la guerre en Ukraine, les groupes européens ont aussi tiré leur épingle du jeu : Shell a dégagé un bénéfice net de 6,7 milliards, TotalEnergies de 6,6 milliards et Eni de 5,9 milliards.  

Cette situation contraste avec celle d’il y a deux ans, quand la chute des prix de l’énergie au début de la pandémie avait conduit à de lourdes pertes pour les groupes d’hydrocarbures.  

Elle pourrait toutefois raviver les tensions avec le gouvernement américain, le président Joe Biden reprochant régulièrement aux majors pétrolières les juteux bénéfices qu’elles engrangent sans prendre la peine d’augmenter leur production pour faire baisser les prix à la pompe. Un sujet d’autant plus sensible à l’approche des élections de mi-mandat.  

Les groupes américains assurent pour leur part participer à l’effort collectif en augmentant les volumes pompés et raffinés aux États-Unis.  

Actionnaires récompensés

Mais ces groupes sont aussi sous la pression d’investisseurs demandant à ce qu’ils limitent leurs dépenses et d’acteurs de la société civile militant pour une baisse de leur production afin de limiter les émissions de CO2.

Ils n’ont pas pour l’instant prévu d’augmenter significativement leurs investissements dans de nouveaux projets, à un niveau actuellement bien moins élevé qu’avant la pandémie, préférant gâter les actionnaires.  

« Il y a eu des discussions aux États-Unis sur la possibilité que notre secteur reverse une partie de nos bénéfices directement au peuple américain », a souligné le patron d’ExxonMobil, Darren Woods, dans des remarques préparées pour une conférence téléphonique. « C’est exactement ce que nous faisons avec nos dividendes trimestriels. »

« Je n’arrive pas à croire que je doive dire cela, mais verser des bénéfices aux actionnaires n’est pas la même chose que faire baisser les prix pour les familles américaines », a rétorqué sur Twitter Joe Biden.

Comme l’ensemble des majors pétrolières, ExxonMobil et Chevron tirent profit de la récente flambée des prix de l’énergie.  

Cette dernière s’est un peu tassée au troisième trimestre du côté du brut, après un bond en début d’année lié à la guerre en Ukraine.  

Les prix du gaz naturel ont en revanche grimpé sur la période, ExxonMobil soulignant qu’ils ont été tirés par « les inquiétudes sur l’approvisionnement » en Europe « et les efforts effectués pour gonfler les stocks à l’approche de l’hiver ».  

« Nous reconnaissons la douleur causée par ces prix élevés », a dit M. Woods lors de la conférence téléphonique. « Malheureusement, le marché dans lequel nous évoluons est le résultat de nombreuses décisions politiques et de certains discours flottant çà et là », a-t-il affirmé.  

Taxer les profits exceptionnels ou interdire d’exporter depuis les États-Unis des produits raffinés, des idées évoquées par certains responsables, peuvent « régler à court terme un problème politique » mais auront « des conséquences négatives à long terme », a estimé M. Woods.

Le chiffre d’affaires de son entreprise a bondi de 52 % sur un an, pour atteindre 112,07 milliards de dollars.

Le groupe, qui s’est séparé de certains actifs et est sorti de son champ pétrolier en Russie, a pompé un peu moins de pétrole et de gaz naturel qu’au trimestre précédent, sa production s’établissant à 3,72 millions de barils équivalent pétrole par jour sur la période.

Il a en revanche écoulé un volume record de produits raffinés.  

Chez Chevron, le chiffre d’affaires a progressé de 49 % à 66,6 milliards de dollars.  

Le groupe a pompé 3,03 millions de barils équivalent pétrole par jour, soit un peu moins que sur la même période l’an dernier en raison de la cession d’actifs en Asie.

Les ventes de produits raffinés ont de leur côté augmenté de 4 % en volume, notamment avec une demande accrue de kérosène pour les avions.  

L’action d’ExxonMobil prenait 2,5 % à la mi-journée à Wall Street et celle de Chevron 0,8 %, toutes deux ayant touché en cours de séance un niveau record.