L’investisseur militant qui vient de placer ses pions au conseil d’administration d’Hexo après avoir vivement critiqué le producteur québécois de cannabis a embelli son CV en se présentant comme diplômé d’une université ontarienne. Or, personne du nom d’Adam Arviv n’a reçu de diplôme de l’Université Western.

Après une dispute qui s’est échelonnée sur plusieurs mois, l’Ontarien de 46 ans a réglé ses différends avec l’entreprise de Gatineau, qui est dans la tourmente financière. Elle a accepté d’accueillir parmi ses administrateurs deux candidats proposés par la firme de M. Arviv, Kaos Capital, dont le président du conseil. Kaos détient une participation de 2 % dans Hexo, l’un des principaux fournisseurs de la Société québécoise du cannabis (SQDC).

Dans sa proposition diffusée le 2 février dernier, où il écorchait le conseil d’administration de l’entreprise, M. Arviv vantait son parcours professionnel en plus d’affirmer être titulaire d’un baccalauréat en économie d’une université ontarienne.

Lisez le communiqué d’Adam Arviv (en anglais)

« Nous pouvons vous dire qu’aucun individu portant ce nom [Adam Arviv] n’a reçu de diplôme de l’Université Western », a indiqué une porte-parole de l’établissement, Roxanne Beaubien, en réponse aux questions de La Presse.

PHOTO TIRÉE DU SITE GAMINGINTELLIGENCE.COM

Adam Arviv

M. Arviv possède deux profils sur le réseau social LinkedIn. Sur l’un d’eux, il se présente comme titulaire d’un baccalauréat en économie de l’Université Western obtenu au terme de ses études, de 1993 à 1996. Sur l’autre, il indique avoir fréquenté l’établissement sans faire référence à l’obtention d’un diplôme.

Généralement, les investisseurs militants ne se gênent pas pour remettre publiquement en question la stratégie d’une entreprise pour tenter de la remodeler à court terme afin d’améliorer sa performance et de réaliser un gain rapide en revendant leurs actions.

Hexo n’y voit pas de problème

Il a été impossible de parler de vive voix avec M. Arviv. La première demande a été effectuée le 28 février dernier. Dans un échange de messages, l’investisseur a proposé de rappeler La Presse, mais ne l’a pas fait. M. Arviv a affirmé « ne jamais avoir déclaré être diplômé » de l’Université Western et ne pas avoir été la personne qui a rédigé le communiqué diffusé le 2 février dernier dans lequel il s’en prenait à Hexo. M. Arviv n’a pas dit pourquoi il était présenté comme un diplômé universitaire.

« Vous devriez faire vos devoirs avant de me jeter de la merde à la figure, a-t-il écrit à La Presse. Je suis sûr que vous savez que certaines des personnes qui ont le mieux réussi dans le monde ont abandonné l’université pour créer leur propre entreprise. »

Après avoir parcouru le communiqué diffusé par M. Arviv en février dernier, Richard Leblanc, professeur de gouvernance, de droit et d’éthique à l’Université York, estime qu’il n’y a pas d’ambiguïté : M. Arviv se présente comme un bachelier.

Le dicton dit qu’on ne lance pas de pierre quand on vit dans une maison de verre. C’est mon conseil aux activistes, parce qu’ils attaquent des entreprises. Sinon, cela remet en question la crédibilité et la légitimité de vos conseils. Cela crée un doute dans l’esprit des personnes concernées.

Richard Leblanc, professeur de gouvernance, de droit et d’éthique à l’Université York

Interrogée sur le parcours scolaire de M. Arviv, Hexo s’est portée à la défense de ce dernier.

« Ce journalisme à sensation [garbage journalism] n’a pas sa place au Canada, a écrit l’entreprise, dans un courriel. Nous sommes fiers de notre association avec Adam Arviv et nos actionnaires. »

Écorché par l’investisseur militant, le magnat de l’immobilier Vincent Chiara est toujours membre du conseil d’administration du producteur de marijuana. En entrevue avec La Presse, il a dit qu’il n’était « pas sûr » si Hexo avait vérifié le passé de M. Arviv.

« De toute façon, il n’est pas sur le conseil, a affirmé M. Chiara. On a fait des vérifications et je ne suis pas sûr qu’on a regardé sa scolarité, mais de toute façon, il n’est pas sur le conseil. »

L’homme d’affaires a expliqué que les services d’une « firme » avaient été retenus pour « valider » les candidats de Kaos Capital – Mark Attanasio et Rob Godfrey – qui font maintenant partie du conseil d’administration, et que ces derniers avaient « passé le test ».

Pas sortie de l’auberge

Hexo est dans la tourmente depuis l’automne dernier, lorsqu’elle avait prévenu qu’il n’y avait pas assez d’argent dans ses coffres pour financer les remboursements de sa dette.

Son vérificateur, PricewaterhouseCoopers, soulignait que l’entreprise n’avait pas maintenu « un contrôle interne efficace sur ses divulgations financières » et qu’un « doute substantiel » planait sur sa capacité à poursuivre ses activités.

Le cofondateur et chef de la direction, Sébastien St-Louis, ainsi que le chef de l’exploitation, Donald Courtney, sont partis. C’est Scott Cooper, auparavant à la tête de Truss Beverages, coentreprise entre Molson Coors Canada et Hexo, qui a pris les commandes.

Lisez l’article « Tilray prend une option sur le contrôle d’Hexo »

Vendredi dernier, Hexo a conclu une entente avec l’ontarienne Tilray, qui achètera jusqu’à 211 millions US de la dette de l’entreprise québécoise. Cela lui donne l’option d’acquérir jusqu’à 37 % des actions d’Hexo. L’accord permet à l’entreprise de Gatineau d’obtenir un peu d’oxygène.

En savoir plus
  • 41
    En mai 2019, l’action d’Hexo valait plus de 41 $ à la Bourse de Toronto. Le titre se négocie actuellement autour de 75 cents.
    Source : Bourse de Toronto