Avec quelque 165 magasins en moins et en misant sur 3 enseignes, Reitmans devrait franchir, ce mardi, l’étape qui lui permettra d’émerger de la protection de ses créanciers. Impressionné par la restructuration déployée depuis mai 2020, un analyste espère que la pandémie ne viendra pas tout gâcher.

« Je vois deux défis à l’horizon : une autre année de COVID-19 et de restrictions potentielles ainsi que des interrogations sur la chaîne d’approvisionnement », a expliqué à La Presse Randy Harris, président de Trendex North America, firme d’experts dans le secteur du vêtement. « Dans quelle mesure l’entreprise peut-elle réduire son exposition à la Chine au profit de pays comme le Viêtnam ? »

Après s’être tourné vers la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), en mai 2020, le détaillant montréalais reviendra devant la Cour supérieure du Québec, ce mardi. Le plan d’arrangement, qui a obtenu un appui massif des créanciers le 21 décembre dernier (98 %), devrait recevoir l’aval du tribunal.

L’ordonnance qui permet à Reitmans de bénéficier d’une protection en vertu de la LACC avait été prolongée jusqu’au 28 janvier.

« Ils se sont pris en main, estime M. Harris. Je crois qu’ils ont terminé de fermer des magasins. L’entreprise détient trois bonnes enseignes [Reitmans, Penningtons et RW & CO] qui fonctionnent de manière distincte. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE TRENDEX NORTH AMERICA

Randy Harris, président de Trendex North America

Il n’a pas été possible, lundi, de s’entretenir avec le président et chef de la direction, Stephen Reitman, également petit-fils des fondateurs de la société.

Plus mince

Au moment de faire appel à la LACC, le détaillant exploitait 576 magasins et comptait environ 6800 salariés. L’entreprise avait justifié son repositionnement par les nombreuses restrictions – comme les fermetures forcées de commerces non essentiels – mises en place en raison de la crise sanitaire au printemps 2020.

Selon le rapport du contrôleur Ernst & Young – nommé par le tribunal – rendu public le 27 décembre dernier, on recense maintenant 413 boutiques et 5200 employés dans ses points de vente, au centre de distribution ainsi qu’au siège social. Les enseignes Addition Elle et Thyme Maternité ont été abandonnées.

Selon le contrôleur Martin Rosenthal, Reitmans représente une « belle histoire » alors que la crise sanitaire a forcé nombre de détaillants, comme Aldo, à se placer à l’abri de leurs créanciers.

« Ils ont pris certaines décisions qui n’étaient pas très plaisantes, mais nécessaires, comme délaisser deux enseignes, a-t-il dit au cours d’un entretien téléphonique. Ils ont aussi effectué des investissements aux bons endroits. Dans la vente omnicanal et le commerce en ligne. »

Dans le cadre de son plan d’arrangement, Reitmans redistribuera 95 millions à ses créanciers, parmi lesquels figurent notamment des employés. Un minimum de 20 000 $ par réclamation sera remis.

D’après la liste des créanciers diffusée en septembre dernier par le contrôleur, la chaîne de mode devait plus de 192 millions.

« Ils ont tout fait d’un point de vue stratégique et je suis impressionné, a affirmé le président de Trendex North America. Je suis plus optimiste que je ne l’étais il y a deux ou trois ans. L’entreprise sera viable. »

Plus encourageant

Au troisième trimestre terminé le 30 octobre dernier, Reitmans avait dégagé un bénéfice net de 27 millions dans un contexte où les mesures sanitaires avaient été assouplies. À la même période en 2020, l’entreprise avait perdu 14,5 millions.

Ses ventes du troisième trimestre avaient grimpé de 9 %, à 178 millions.

Randy Harris estime qu’il est de plus en plus dispendieux de s’approvisionner en Chine, dont les relations diplomatiques avec le Canada sont tendues. Dans le contexte, il croit que Reitmans devrait maintenant s’affairer à trouver de nouveaux fournisseurs.

L’analyste croit aussi que l’entreprise doit améliorer son image en matière de développement durable. Le détaillant s’était retrouvé dans une position délicate en novembre dernier. Des journalistes de CBC avaient découvert des vestes fabriquées par une usine chinoise soupçonnée d’avoir eu recours au travail forcé nord-coréen.

Les vêtements en question se trouvaient dans des boutiques Penningtons situées dans le Grand Toronto.

Dans la dernière décennie, Reitmans avait déjà réduit le nombre de ses magasins, en plus de laisser tomber des enseignes comme Smart Set. L’entreprise exploitait 981 boutiques en 2009.