Le projet de mine et d’usine de transformation envisagé par Nemaska Lithium retourne à la planche à dessin. Malgré plusieurs dizaines de millions de dollars injectés à Shawinigan ces dernières années, l’entreprise détenue en partie par l’État québécois souhaite maintenant s’installer dans le parc industriel de Bécancour.

« Il faut admettre que le projet, on le recommence à zéro, a lancé le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, mardi au cours d’un entretien téléphonique. Il y a une étude exhaustive qui a été menée. On a investi l’argent des Québécois, on souhaite de meilleures chances de succès pour la deuxième mouture. »

Jusqu’à 600 millions

La table avait été mise pour un déménagement au cours des dernières semaines alors que le ministre avait ouvert la porte à ce scénario pour Nemaska Lithium, reprise l’an dernier par Investissement Québec (IQ) et la firme britannique Pallinghurst, qui pourraient ensemble injecter jusqu’à 600 millions dans le projet.

De manière distincte, M. Fitzgibbon et le président du conseil d’administration de l’entreprise, Gervais Jacques, ont martelé que l’option d’une année négociée avec la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour afin d’acquérir un terrain d’environ 5,4 millions de pieds carrés pour y construire une usine de transformation n’était pas le fruit d’une « décision politique ».

Mais le maire de Shawinigan, Michel Angers, ne voyait pas les choses du même œil. Au bout du fil, il a déploré une « concurrence déloyale » en soulignant que l’entente avait été conclue entre une entreprise comptant le bras financier de l’État parmi ses actionnaires et une entité qui est mandataire du gouvernement québécois.

« Est-ce qu’une ville peut rivaliser avec un parc industriel gouvernemental aidé par Investissement Québec ?, a demandé M. Angers, estimant que le gouvernement Legault avait une dette à l’endroit de sa municipalité. Moi, je n’en connais pas. Tout le travail que nous avons effectué ces dernières années s’envole en fumée. »

Gros problèmes

Nemaska Lithium s’est retrouvée sous les projecteurs dans la foulée d’une débâcle financière provoquée par l’explosion des coûts, qui sont passés de 875 millions à plus de 1,2 milliard. La société avait été contrainte de se placer à l’abri de ses créanciers. Ayant participé au montage financier initial, Québec avait perdu 71 millions.

Initialement, la société planifiait de transformer, dans une usine électrochimique, du minerai de spodumène extrait de la mine de Whabouchi – à environ 300 kilomètres de la Baie-James – en sels de lithium à valeur ajoutée. Ces derniers devaient ensuite être vendus à des fabricants de matériaux de cathodes destinés aux batteries rechargeables au lithium-ion, utilisées notamment dans les voitures électriques.

La transformation devait s’effectuer dans l’ancienne usine de papiers de Produits forestiers Résolu située à Shawinigan, où le site de démonstration avait été aménagé. C’est à Bécancour que le prochain chapitre s’écrira.

« L’usine datait du siècle dernier à Shawinigan, a dit le ministre. Elle n’était pas configurée pour traiter des produits chimiques. Nous allons commencer les études détaillées pour savoir quelle sera la capacité de la nouvelle usine. On parle de 2024-2025 avant la production d’hydroxyde de lithium. »

M. Jacques a ajouté qu’il ne restait que « quatre ou cinq sites » au terme du processus d’évaluation et qu’on avait tranché la semaine dernière en faveur de Bécancour.

Plus simple de construire en neuf

« Il sera possible de bâtir sans contraintes au lieu de tenter de prendre un modèle et tenter de le faire cadrer dans une bâtisse existante », a expliqué l’ancien directeur exécutif de la division Atlantique chez Rio Tinto.

Dans ce parc industriel, le terrain se trouvera à moins d’un kilomètre du site où Nouveau Monde Graphite, dont le plus important actionnaire est également Pallinghurst, souhaite produire des matériaux de batteries.

Le déménagement, les études ainsi que l’analyse du terrain à Bécancour seront financés grâce aux sommes consenties par IQ et Pallinghurst. Les deux actionnaires ont allongé environ 190 millions depuis l’automne.

Quant à l’usine de Shawinigan, Nemaska Lithium se chargera de retirer les équipements avant de négocier avec l’entreprise afin de lui rétrocéder le site.

« L’objectif n’est pas de faire de l’argent avec cela, a dit M. Jacques. C’est pratiquement de le vendre [le site] pour 1 $. L’intention est d’être un bon citoyen corporatif. Il y a du potentiel pour ce site. »