Les quads biplaces de Bombardier Produits récréatifs (BRP) viennent de gagner deux importants rallyes en Arabie saoudite et en Californie. Voici comment la course est prise en compte dès la conception.

On est loin de l’hiver et des motoneiges…

En Californie, le 4 février dernier, le quad biplace Can-Am Maverick X3 de BRP a remporté la course hors piste UTV King of the Hammers, la plus exigeante de celles tenues en une journée.

Le pilote du petit véhicule (vraiment) tout-terrain a gravi des monticules rocheux, traversé des terrains pierreux, franchi des déserts sablonneux et sablé un vin mousseux.

Trois semaines auparavant, un Maverick X3 similaire avait remporté le tout aussi prestigieux rallye Dakar, tenu sur 12 jours et 7600 kilomètres dans le désert d’Arabie saoudite. Les véhicules Can-Am y ont raflé les 11 premières places dans leur catégorie.

Alors qu’il n’y a pratiquement aucun point commun entre la Mercedes que pilote Lewis Hamilton sur les circuits de Formule 1 et celles que l’on retrouve sur les autobahns allemandes, le quad biplace vainqueur du Dakar et son équivalent vendu chez le concessionnaire Can-Am sont des frères jumeaux, à quelques détails près.

Et c’est exactement le message que l’entreprise voulait faire passer.

Les ingénieurs de BRP l’ont conçu pour les amateurs en pensant à la course. Ou peut-être l’inverse.

« Quand on a lancé le X3, et dans toutes les améliorations qu’on a apportées, année après année, on s’est assurés que c’était toujours le plus puissant de sa catégorie, qu’il allait être le plus performant et qu’il allait avoir les suspensions avec les plus grands débattements », affirme André Fournier, vice-président, ingénierie des véhicules, chez BRP.

« Même si tous nos clients ne vont pas courir dans le désert et dans les roches, certains d’entre eux vont s’identifier à ces gens-là. D’où l’intérêt d’aller gagner aux courses, de développer les produits avec les coureurs. »

Comme ne l’a jamais dit Pierre de Coubertin, l’important n’est pas d’y participer, mais de les remporter.

PHOTO FOURNIE PAR BRP

André Fournier, vice-président, ingénierie des véhicules, chez BRP, à côté du quad biplace Maverick X3, au siège social de BRP à Valcourt

En nous assurant d’être toujours les meilleurs aux courses, c’est notre façon de démontrer la performance de notre véhicule à quelqu’un qui ne peut pas l’expérimenter avant de l’acheter.

André Fournier, vice-président, ingénierie des véhicules, chez BRP

La course n’est pas un appendice de marketing, insiste le vice-président à l’ingénierie des véhicules. La preuve en est que l’équipe de course est sous sa responsabilité.

Le quad biplace Maverick X3 a été lancé en 2017, bientôt suivi des versions Sport et Trail, plus petites et davantage destinées aux sentiers. Ses concepteurs savaient dès la planche à dessin que le X3 courrait en rallye.

« Ça nous prend typiquement trois ans à développer ces plateformes-là, explique André Fournier. Lorsqu’on démarre le projet, l’équipe de course va déjà y participer. Vers la fin du développement, avant même que le véhicule soit lancé, on va même utiliser les coureurs pour aller tester le véhicule dans des conditions de course, pour nous donner du feedback. »

PHOTO FOURNIE PAR BRP.

Le vainqueur Kyle Chaney au volant du biplace Can-Am Maverick X3 durant la course hors piste UTV King of the Hammers, en Californie, le 4 février dernier

Quand BRP a décidé que le Maverick participerait au UTV King of the Hammers, ses ingénieurs et son équipe de course sont allés voir la compétition, ont testé leur véhicule sur le site et se sont mis à l’ouvrage.

« L’année suivante, on y est allés et on a gagné. »

Veni, vidi, vici.

« Et cette année, on espère encore gagner », ajoute-t-il en ce 1er février.

Trois jours plus tard, c’était fait.

Influences croisées

La conception tient compte de la course, et la course influence le produit.

C’est ainsi que la modification apportée au différentiel du X3 pour sa participation au King of the Hammers a ensuite été appliquée à toute la gamme.

Évidemment, on n’applique pas tout, parce qu’il faut quand même tracer une ligne entre ce que les gens vont faire et ce que les coureurs vont faire. Mais, ultimement, 80 % des pièces du véhicule qui va participer à une course seront les mêmes que celles du véhicule qu’on va vendre à monsieur Tout-le-Monde.

André Fournier, vice-président, ingénierie des véhicules, chez BRP

Tout le monde, en effet : le Maverick X3 est vendu dans plus de 125 pays.

Question d’équilibre

Néanmoins, le quad biplace est d’abord conçu en fonction de ses utilisateurs courants. « Si on demande à un groupe d’ingénieurs de développer un véhicule juste pour aller gagner les courses, l’équation est plus simple à résoudre parce qu’il n’y a pas de compromis. Le vrai défi, c’est de faire un véhicule qui va satisfaire le client normal, comme vous et moi. »

Comme lui, surtout.

PHOTO FOURNIE PAR BRP

Quad biplace Can-Am Maverick X3 au rallye Dakar en janvier, en Arabie saoudite

« Ça prend un véhicule qui ne vibre pas trop, qui n’est pas bruyant, qui est confortable. Donc, tous ces attributs dont le pilote dirait qu’ils sont les derniers de ses soucis. 

« En plus, avec le minimum de modifications permises, il faut aussi qu’il gagne les courses. Ça, c’est un beau défi ! Ça, c’est une équation compliquée ! Et c’est là que tu peux te démarquer face à tes compétiteurs. »

Ces compétiteurs s’appellent Polaris, Honda, Yamaha, Kawasaki – des pointures.

Les meilleurs…

Les quads biplaces de Can-Am, comme tous les véhicules de BRP, sont conçus à Valcourt.

C’est un peu méconnu qu’on fait ça dans un très beau centre de recherche, qui est, en version beaucoup plus petite, équivalent à ce que le secteur automobile va avoir. Mais on fait ça dans un petit village de l’Estrie…

André Fournier, vice-président, ingénierie des véhicules, chez BRP

Plus de 750 personnes travaillent dans ce centre, dont 450 ingénieurs et techniciens.

« À 90 %, ce sont des Québécois qui viennent de différentes régions », glisse-t-il pour souligner la qualité de la formation en génie au Québec et la créativité de ses praticiens.

De plus en plus d’ingénieurs étrangers se joignent à l’équipe : Français, Brésiliens, Mexicains, Britanniques…

Comment peuvent-ils affronter, mieux, battre leurs puissants concurrents américains et japonais ?

« C’est typique, nous, les Québécois, on n’ose pas dire qu’on est bons. On veut être polis et respectueux dans nos analyses », répond André Fournier, avant d’avancer quelques explications.

D’abord, BRP connaît de longue date le marché et la clientèle du sport motorisé.

« Ensuite, ce qui va nous démarquer, typiquement, c’est l’innovation face à nos concurrents japonais », ajoute-t-il.

« Si vous aviez la chance de parler à mon équivalent chez Yamaha ou Honda, il finirait par vous dire : “Je ne sais pas ce qu’elle a, cette gang-là, au Nord…” »

C’est ce qu’il fait valoir aux étudiants en génie qui viennent visiter le centre de recherche et rencontrer ses ingénieurs.

« On leur fait comprendre que l’ingénieur avec qui ils travailleront, typiquement, va être parmi les cinq meilleurs au monde dans sa discipline. »