Ian Edwards a succédé il y a près d’un an à Neil Bruce comme PDG intérimaire de SNC-Lavalin avant d’être confirmé dans ses nouvelles fonctions en octobre. Depuis juillet dernier, il a entrepris un virage stratégique pour repositionner SNC-Lavalin dans les services professionnels en ingénierie tout en délaissant les activités de construction. Le nouveau PDG réaffirme qu’il n’est pas question que l’entreprise déménage son siège social à partir de 2024 même si ses actionnaires ont refusé de s’y engager officiellement. « Ça fait 110 ans qu’on est à Montréal et on souhaite y rester pour une période de temps équivalente », tranche-t-il.

En juin, vous serez en poste depuis bientôt un an. Quels ont été les faits marquants de cette première année aux commandes de SNC-Lavalin ?

Cela a été une année intéressante. Cela fait quand même six ans que je suis avec SNC-Lavalin. D’abord à titre de vice-président principal des infrastructures, et puis, à partir de janvier 2019, comme chef des opérations.

On faisait face à plusieurs défis et on a mis de l’avant en juillet dernier une nouvelle direction stratégique qui vise à miser sur nos forces. On est un acteur global dans les services professionnels d’ingénierie, avec une présence forte dans les marchés des infrastructures et de l’énergie nucléaire, et c’est là-dessus que nous tablons.

On avait déjà amorcé notre transformation dans le secteur des infrastructures et on a entrepris de délaisser les activités de construction dans les domaines miniers et du pétrole et du gaz. On se concentre dorénavant dans les activités et les marchés géographiques où on peut générer de la valeur.

SNC-Lavalin a été reconnue coupable en décembre dernier des accusations de fraudes relatives à des contrats en Libye, ce qui a mis fin à une longue saga politico-judiciaire. Est-ce que ce jugement et l’amende de 280 millions que vous devez payer ont mis fin à la crise « réputationnelle » qui a grandement nui à vos revenus au cours des dernières années ?

Cet épisode est maintenant derrière nous. Tant à l’interne au sein de nos équipes qu’à l’externe auprès de nos clients, on a fermé les livres. Ce n’est plus un frein pour obtenir de nouveaux contrats ; en fait, on enregistre maintenant de la croissance dans nos principales divisions, on prévoit même être en mesure de soumissionner à nouveau les contrats de la Banque mondiale à partir de l’an prochain.

Mais la crise entourant la réputation de SNC-Lavalin a coûté cher. Plus de 5 milliards de contrats perdus et une réduction de vos effectifs au Canada, où vous comptiez 20 000 employés en 2012 et 9000 l’an dernier. Quels sont vos effectifs actuels au Canada ?

On est rendus à 8000 professionnels au Canada. L’attrition est finie. Heureusement, nos investissements dans les secteurs des infrastructures et du nucléaire nous servent aujourd’hui. Avec la sortie de crise de la pandémie, on prévoit de nombreux projets d’infrastructures au Canada et on veut participer à cet effort.

Avec l’Angleterre et les États-Unis, le Canada fait partie des trois grands pays qui génèrent le plus d’activités pour SNC-Lavalin.

Pourquoi refusez-vous de vous engager formellement à maintenir à Montréal le siège social de SNC-Lavalin, une fois que l’entente avec la Caisse de dépôt qui vous y oblige jusqu’en 2024 prendra fin ?

On n’a aucune intention de quitter Montréal, au contraire. Le virage que l’on vient de prendre et qui fait de nous un acteur global dans les services professionnels en ingénierie axés sur l’innovation et les nouvelles technologies renforce notre lien avec Montréal, son milieu académique et sa réputation internationale.

On est ici depuis 110 ans et on souhaite y rester pour une période de temps équivalente. La proposition du MEDAQ [Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires] faisait davantage problème sur le plan technique, les actionnaires ne voulaient pas être pris dans un étau dans le futur, mais la vérité c’est qu’on n’a aucune intention de quitter Montréal.

Mais vous avez déjà délocalisé certaines activités du siège social de SNC-Lavalin. La direction de la division pétrole et gaz est maintenant à Londres et celle des mines et métaux, à Toronto. Est-ce que vous souhaitez poursuivre cette décentralisation ?

C’est vrai que l’acquisition de Kentz, spécialisée dans le pétrole et le gaz, et sa forte activité au Moyen-Orient a entraîné certains changements.

Mais notre nouvelle stratégie globale est maintenant axée sur nos marchés forts du Canada, des États-Unis et de la Grande-Bretagne, alors que nos marchés secondaires et nos bureaux en Europe du Nord, au Moyen-Orient et en Asie-Pacifique vont continuer de relever du siège social montréalais.

Vous avez décidé de réduire votre empreinte globale en abandonnant certains marchés et certains secteurs, dont celui du pétrole et du gaz. Qu’adviendra-t-il de votre présence au Moyen-Orient ?

On va rester dans les marchés où on est fort et où on peut générer de la valeur pour l’entreprise. On va sortir du secteur pétrole et Gaz au Moyen-Orient parce que les perspectives ne sont plus là et que la crise actuelle vient de renforcer cette tendance.

On peut sortir du secteur en vendant nos actifs ou en cessant simplement nos activités. Le Moyen Orient représente aujourd’hui 15% de nos revenus ce qui est bien en-dessous de ce que c’était il y a deux ans seulement.

On n’a pas parlé encore de la crise de la COVID-19. Comment cette crise-là touchera-t-elle SNC-Lavalin en matière d’efficacité, de revenus et de perspectives à moyen et à long termes ?

La pandémie affecte nos façons de travailler mais pas ce que l’on fait. Elle n’affecte pas non plus notre plan de réorganisation. On a décidé de sortir des contrats de construction clé en main, on a décidé de sortir du secteur pétrole et gaz au Moyen-Orient, on va bâtir sur ce qui génère de la valeur.

Sur le plan du travail, 99 % de nos 44 000 employés sont maintenant en télétravail. Je suis revenu des États-Unis le 12 mars dernier et je travaille de la maison depuis ce jour. Il faut s’ajuster sur le plan des communications, mais nos professionnels répondent très bien aux attentes.

On vient tout juste de gagner un appel d’offres du gouvernement pour un contrat en vue de la livraison d’un hôpital portatif. On est capables de réaliser des projets qui doivent entrer en production immédiate. C’est notre force.

On s’attend à réaliser beaucoup de projets d’infrastructures tant au Canada qu’aux États-Unis parce qu’ils vont être des moyens utiles de relancer l’activité économique pour répondre à l’après-crise.

La clé de notre nouvelle stratégie, c’est d’être consistants et la seule façon d’augmenter la valeur de notre entreprise, c’est d’obtenir des résultats réguliers. C’est ce qu’on va faire.