La Baie d’Hudson affirme que les Galeries de la Capitale et les Promenades Gatineau ne sont plus des centres commerciaux « de première classe » qui remplissent leurs obligations. Voilà pourquoi le détaillant est dans son droit de ne pas payer l’entièreté de ses loyers, affirme son président et chef de la direction, Ian Putnam, dans une déclaration sous serment.

Poursuivie pour 2,3 millions de dollars par la société Oxford, gestionnaire des Galeries de la Capitale et des Promenades Gatineau, La Baie d’Hudson (HBC) a répliqué. Le détaillant, qui ne nie jamais avoir cessé de payer ses loyers depuis avril, a déposé des déclarations sous serment (affidavits) à la Cour supérieure afin de faire valoir ses arguments. La Presse les a obtenues.

« Leur volonté que HBC paie l’intégralité du loyer ignore le changement fondamental dans la nature de ces propriétés », déclare M. Putnam. À son avis, les deux centres commerciaux sous la responsabilité d’Oxford ne peuvent plus être considérés comme étant « de première classe » alors que les baux spécifient clairement que leur propriétaire a le devoir de s’assurer qu’ils respectent cette définition.

Le patron de la plus vieille entreprise de l’Amérique du Nord explique que les centres commerciaux « de première classe » sont « attrayants » pour les détaillants puisqu’ils leur promettent un certain achalandage. Ils se montrent « accueillants » pour les consommateurs et leur « offrent un environnement plaisant » grâce à leur aire de restauration rapide et à leurs restaurants.

Or, depuis le début de la pandémie, HBC ne profite plus de ces avantages, déplore M. Putman.

Je ne suis au fait d’aucun effort marketing pour générer de l’intérêt envers les centres commerciaux. Oxford semble simplement espérer que les consommateurs reviendront d’eux-mêmes, ou est indifférent, car il s’attend à ce que tout le fardeau de la pandémie soit supporté par les locataires.

Ian Putnam, président et chef de la direction de La Baie d’Hudson

De plus, selon le dirigeant, Oxford n’a pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de la clientèle, que ce soit en ajoutant de la signalisation ou de nouveaux équipements (système d’ouverture des portes sans contact, par exemple). À son avis, il est « évident que les clients sont nerveux ».

Des magasins encore déficitaires

En conséquence, dit HBC, ses magasins « souffrent d’une baisse significative d’achalandage et de ventes » depuis mars. « Et les ventes n’augmentent pas. Au contraire, les choses empirent au lieu de s’améliorer. » En outre, la diminution de profitabilité est encore plus dramatique étant donné la hausse des coûts d’exploitation, lit-on dans la déclaration sous serment.

En deux mots, les grandes surfaces sont « non rentables », déclare M. Putman.

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DE LA BAIE D’HUDSON

Ian Putnam, président et chef de la direction de La Baie d’Hudson

Le détaillant fournit un tableau très précis sur la situation dans les deux centres commerciaux gérés par Oxford.

On y apprend qu’en avril, au pire de la pandémie, le nombre de transactions aux Promenades Gatineau a reculé de 99,1 % (passant de 16 090 à 149) par rapport au même mois de l’année précédente. Les ventes ont pour leur part reculé de 99,5 % (de 1,07 million à 7926 $).

Cinq mois plus tard, soit en septembre, les transactions demeuraient 35 % moins nombreuses qu’un an plus tôt (9962 plutôt que 15 337). Et les ventes étaient en recul de près de 29 % (de 1,07 million à 759 000 $).

Le retour à la normale se fait encore plus lentement aux Galeries de la Capitale ; les ventes, en septembre, ont été inférieures de 39 % à celles d’il y a un an (de 1,73 million à 1 million de dollars). Quant au nombre de transactions, il était en baisse de 43 % (de 22 425 à 12 684).

« Étant donné l’augmentation des restrictions imposées par Québec, je m’attends à ce que le mois d’octobre [aux Galeries de la Capitale] soit encore pire que septembre », affirme M. Putman.

Oxford se défend

Dans une série de lettres transmises à HBC en septembre, Oxford rejette toutes les critiques du détaillant et qualifie ses allégations de « déloyales ». Le gestionnaire affirme respecter « toutes ses obligations ». Le gestionnaire ajoute que « toute affirmation suggérant l’inverse semble être une tentative pour faire oublier que HBC ne respecte pas les obligations de ses divers baux ».

HBC a également déposé une déclaration sous serment d’un expert en vente au détail, James Tates, au sujet des Promenades Gatineau.

Le propriétaire n’a toujours pas fourni les éléments requis dans un centre commercial de première classe, à savoir un endroit pour faire des emplettes, manger et socialiser dans un environnement perçu comme étant propre, sûr et prévisible.

James Tates, expert en vente au détail

À son avis, ces « manquements » expliquent la baisse d’achalandage des lieux et des ventes.

Les ventes au pied carré en juin, juillet et août dans le centre commercial seraient en baisse de plus de 16 % (à environ 370 $), rapporte-t-il en se fiant à des données d’Oxford. L’achalandage aurait par ailleurs reculé de 15 % en juin, de près de 12 % en juillet et de 8,5 % en août.

HBC déplore en outre qu’Oxford l’ait pris « totalement par surprise » en intentant un recours judiciaire alors que les parties étaient en discussions. Le détaillant affirme ne pas avoir l’intention de poursuivre ses activités sans payer de loyer et affirme « ne pas être insolvable ».

(Re)lisez notre reportage au sujet de la poursuite intentée par Oxford

Cominar, de Québec, poursuit le détaillant pour près de 33 millions et veut l’évincer, a révélé La Presse la semaine dernière. HBC n’aurait pas payé son loyer au Mail Champlain, au Centre Rockland et au Centre Laval.

(Re)lisez notre reportage au sujet de la poursuite de Cominar

HBC a indiqué à La Presse que ses arguments dans cette affaire seraient similaires à ceux transmis à la Cour dans le dossier Oxford.

Dorval Property Corporation, société immobilière de Toronto qui possède Les Jardins Dorval, poursuit aussi HBC pour la même raison. Sa réclamation frôle les 660 000 $.