Le Québec est la terre d’accueil de plusieurs centaines de filiales françaises, mais c’est le phénomène inverse qui s’est produit à l’occasion de la visite du premier ministre de la France en territoire québécois. Gabriel Attal rentre au bercail avec des engagements qui se comptent en dizaines de millions, tandis que la récolte québécoise est moins importante. Le retour du balancier devrait arriver plus tard.

Cette visite diplomatique a coïncidé avec l’annonce de plusieurs projets d’expansion des deux côtés de l’Atlantique, mais c’est la France qui récolte la part du lion. Entre autres, le fournisseur québécois d’équipement médical Medicom inaugurera « sous peu » une nouvelle usine de gants de protection dans le marché français, un investissement de 145 millions.

De son côté, Lallemand, un spécialiste du développement, de la production et de la mise en marché de levures et de bactéries, investira environ 30 millions pour accroître la production de ses usines françaises, celle de La Ferté-sous-Jouarre et celle d’Aurillac.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES COLLABORATION SPECIALE

Le fournisseur québécois d’équipements médicaux Medicom, établi à Pointe-Claire, doit inaugurer « sous peu » une usine de gants de protection de 145 millions en territoire français.

Une autre entreprise québécoise, Loop Industries, qui dit avoir conçu un procédé chimique lui permettant de recycler les déchets de plastique comme les bouteilles et emballages, doit aussi participer à un projet d’usine dans le marché français, en collaboration avec les géants Suez et Sk Geo Cenric.

L’investissement est chiffré à 800 millions, mais on ignore ce qui sera mis sur la table par Loop. La construction du complexe n’a pas encore débuté. Or, la récolte est bien moins importante du côté québécois. Sopra Steria, une société française de société informatique, viendra s’implanter à Montréal pour y développer un créneau spécialisé dans l’aéronautique. La taille de l’investissement n’est pas précisée. Intégrateur de solutions industrielles, eXent s’était posée dans la métropole l’automne dernier pour y implanter un bureau, un projet de 3 millions échelonné sur trois ans.

Cela dit, un projet d’Exaion est un peu plus important. C’est 25 millions sur cinq ans que cette firme spécialisée dans les solutions numériques consacrera à Sherbrooke, dans le cadre d’un projet de centre de données.

Les rôles pourraient toutefois être inversés au cours des prochains mois. Selon une source gouvernementale, qui n’est pas autorisée à s’exprimer publiquement, certaines annonces concernant des projets de compagnies françaises au Québec n’ont pas été divulguées puisque tous les détails n’étaient pas finalisés. Ce n’est que partie remise, explique-t-on, en coulisses.

« On va travailler ensemble »

Plusieurs représentants du milieu des affaires ont d’ailleurs fait valoir vendredi que la porte est ouverte aux entreprises françaises souhaitant s’établir au Québec, lors d’une table ronde organisée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM).

« On veut encourager les sociétés françaises à venir nous voir. Il y en a déjà, notamment dans la filière batterie, mais si vous avez des projets, on va travailler ensemble », a indiqué la vice-présidente au développement du milieu de vie et des partenariats à la Zone d’innovation de la vallée de la transition énergétique, Michèle Landry.

Cette zone, la troisième au Québec, est située entre Bécancour, Trois-Rivières et Shawinigan. Elle a bénéficié l’an dernier d’un investissement gouvernemental de 8 millions pour réaliser sept projets d’infrastructure et de recherche. Son objectif est essentiellement de réunir des entreprises travaillant à la décarbonation.

« Il reste toujours des terrains », a-t-elle répondu, alors qu’on la questionnait sur la disponibilité des terrains. « On entend que les terrains sont de moins en moins disponibles à Bécancour. C’est sûr que certains ont été pris, mais il y en a encore. Et il y a de l’ouverture à accueillir d’autres entreprises », a poursuivi Mme Landry.

Un lien bien ancré

Malgré la disparité entre les projets prévus en France et au Québec, les liens d’affaires entre l’Hexagone et Montréal témoignent d’une certaine vigueur.

On dénombre plus de 380 filières françaises dans la grande région métropolitaine, selon Montréal International, ce qui représente 16 % du nombre d’antennes étrangères dans ce marché et 45 600 employés. Des géants comme Ubisoft, Thales et Airbus sont bien installés depuis des années.

L’an dernier, l’agence de promotion économique a accompagné 20 projets dans la région montréalaise qui représentaient des investissements d’environ 625 millions, d’après des données qui ont été compilées dans le cadre du passage de M. Attal au Québec.

Le président du CA du géant bancaire français Société Générale, Francis Repka, a de son côté rappelé que 75 % des entreprises françaises qui s’établissent au Canada viennent d’abord au Québec. « Il y a les gouvernements, mais in fine, ce sont les entreprises qui choisissent leur cadre », a-t-il rappelé.

À ses yeux, le fait que Gabriel Attal ait choisi le Canada et le Québec pour son premier déplacement hors de l’Europe en tant que premier ministre envoie d’ailleurs « un signal très fort » qu’il faudra entendre, d’un côté comme de l’autre. « C’est une occasion de regarder avec un œil neuf et surtout responsable le développement économique entre le Québec et la France », a-t-il dit.

Les investissements étrangers de la France dans le Grand Montréal

  • 2019 : 639 millions
  • 2020 : 523 millions
  • 2021 : 937 millions
  • 2022 : 664 millions
  • 2023 : 626 millions
  • Total : 3,4 milliards (source : Montréal International)
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  • 52 %
    Croissance des importations françaises au Québec depuis 2016. Elles totalisaient 3,8 milliards l’an dernier.
    Gouvernement du Québec