La faiblesse aggravée du marché de l’emploi en mars devrait inciter la Banque du Canada à commencer à baisser les taux d’intérêt dans un avenir pas trop éloigné, peut-être dès le mois de juin.

Le taux de chômage a franchi le seuil des 6 % au Canada le mois dernier, alors que le nombre d’emplois a baissé pour la première fois depuis huit mois. À 6,1 %, le taux de chômage est maintenant à son niveau le plus élevé depuis janvier 2022. Au Québec, le taux de chômage a grimpé de 4,7 % en février à 5 % en mars.

Cette augmentation du taux de chômage au Canada, la plus forte en 19 mois, est supérieure à ce que prévoyaient les économistes et elle ravive les attentes d’une baisse imminente des taux d’intérêt.

« La Banque du Canada ne modifiera pas le taux directeur la semaine prochaine, mais les dirigeants pourraient commencer à suggérer que les baisses de taux ne sont plus très loin », estime Roy Mendes, directeur général et chef de la stratégie macroéconomique de Desjardins.

L’Enquête sur la population active pour le mois de mars est la dernière avant la prochaine décision de la banque centrale, le 10 avril. Même si le taux directeur devrait rester inchangé à 5 %, le message du gouverneur Tiff Macklem devrait ouvrir la porte à une première baisse du taux directeur.

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Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada

Lors de sa dernière décision, le gouverneur de la Banque du Canada avait soutenu qu’il était trop tôt pour même songer à réduire les taux, mais dans le compte rendu des discussions qui avaient précédé cette décision, le conseil de direction de la banque avait envisagé la possibilité d’une baisse du taux directeur.

La hausse du taux de chômage en mars s’ajoute au recul de deux mois consécutifs de l’inflation, en janvier et en février, pour convaincre la Banque du Canada que le moment est venu de jeter du lest.

La Banque du Canada court le risque de maintenir une politique monétaire restrictive pendant trop longtemps. Cela pourrait plonger l’économie dans une récession inutile.

Roy Mendes, directeur général et chef de la stratégie macroéconomique de Desjardins

Les économistes de Desjardins et ceux de la Banque Nationale ont publié récemment des analyses qui soutiennent que la Banque du Canada surestime l’inflation réelle, avec le risque qu’elle maintienne des taux élevés plus longtemps que nécessaire.

Le Québec perd 18 000 emplois

Dans l’ensemble du pays, le nombre d’emplois a diminué de 2200 en mars, mais la baisse a été beaucoup plus marquée au Québec, qui a perdu 18 000 emplois. Les secteurs de l’hébergement et de la restauration, et du commerce de détail sont ceux qui ont perdu le plus d’emplois. L’emploi a progressé dans le secteur des soins de santé et dans la construction.

Au Québec, la détérioration du marché de l’emploi en mars touche surtout les jeunes. Depuis un an, le nombre d’emplois est resté stable dans la province tandis que la population en âge de travailler a augmenté de 2,1 %.

« On s’attendait à ce que la contraction de l’activité économique se matérialise sur le marché du travail, mais la baisse de l’emploi en mars est particulièrement marquée », a commenté Florence Jean-Jacob, économiste principale de Desjardins.

Au-delà des variations mensuelles, le dernier trimestre de 2023 et le premier trimestre de 2024 se sont soldés par des pertes d’emplois au Québec, souligne-t-elle.

Malgré tout, le taux de chômage québécois est le plus faible parmi les provinces, à égalité avec le Manitoba, et bien en dessous de la moyenne nationale de 6,1 %.

Ce n’était pas le cas jusqu’à récemment, mais le marché de l’emploi reflète maintenant la faiblesse de l’économie canadienne. Depuis un an, l’emploi a progressé plus rapidement dans le secteur public (+4,8 %), tandis que le secteur privé stagne avec une hausse de 1,1 % du nombre d’emplois.

Le nombre d’emplois a augmenté de 1,6 % au Canada depuis un an, mais la population en âge de travailler a connu une hausse deux fois plus forte, soit 3,2 %.

Salaires

Statistique Canada rapporte une nouvelle hausse du salaire horaire moyen, de 5,1 %, qui suit une augmentation de 5 % en février. Au Québec, la hausse est plus modeste, à 4,6 %.

Cette augmentation importante des salaires, bien supérieure au taux d’inflation de 2,8 %, préoccupe la Banque du Canada et pourrait retarder les baisses de taux, tout comme la croissance économique qui s’est avérée supérieure à ses prévisions au début de 2024. Le produit intérieur brut a crû de 0,6 % en janvier et les données préliminaires pointent vers une hausse de 0,4 % en février.

La plupart des économistes s’attendent tout de même à une baisse des taux en juin, ou à la mi-année pour les plus prudents. Des décisions sur les taux d’intérêt sont prévues le 5 juin et le 24 juillet. En juillet, la décision sera accompagnée du rapport trimestriel de la banque centrale sur l’état de l’économie, ce qui serait le moment le mieux choisi pour annoncer le changement de cap de la politique monétaire.