Important ralentissement ou récession, l’économie du Québec continue de s’affaiblir, alors que son produit intérieur brut s’est contracté de 0,8 % en variation annuelle au troisième trimestre.

Il s’agit du deuxième trimestre consécutif de recul du PIB, ce qui correspond à la définition technique d’une récession, qui ne fait pas l’unanimité.

« Le fait d’avoir deux trimestres négatifs consécutifs n’est pas un critère suffisant pour déclarer une récession », affirme Stephen Gordon, directeur du département des sciences économiques de l’Université Laval.

En plus de deux trimestres consécutifs de contraction économique, il faut que d’autres indicateurs soient réunis pour déclarer officiellement une récession, notamment une détérioration du marché de l’emploi. Or, malgré l’augmentation récente du taux de chômage, le marché du travail se porte encore très bien au Québec, souligne le professeur.

« Une économie où le problème principal du marché de l’emploi est une pénurie de main-d’œuvre ne peut pas être en récession », estime-t-il.

C’est aussi l’avis du ministre des Finances, Eric Girard, qui s’est empressé de commenter les chiffres de l’Institut de la statistique du Québec dès leur publication vendredi matin. « L’ISQ confirme que le ralentissement économique se poursuit au troisième trimestre, a-t-il commenté sur le réseau social X. Il est néanmoins trop tôt pour déclarer que le Québec est en récession puisque la baisse de l’activité économique n’est pas généralisée. »

Eric Girard insiste sur le fait que l’emploi, le revenu disponible et la consommation continuent de progresser.

Pas plus tard que le mois dernier, le ministre des Finances avait dû constater que la faiblesse de l’économie québécoise avait un impact sur les revenus du gouvernement. Dans sa récente mise à jour économique, il avait réduit sa prévision de croissance pour 2023, mais écarté la possibilité d’une récession.

« Une récession technique, soit un recul du PIB réel pendant au moins deux trimestres consécutifs, n’est pas envisagée à court terme », selon la mise à jour économique du 6 novembre.

L’opposition n’a pas manqué de relever cette prévision qui s’avère erronée un mois plus tard. « Après l’affaire des Kings et maintenant de mauvaises prévisions économiques, comment les Québécois peuvent-ils encore avoir confiance en un ministre des Finances incapable de voir arriver une récession quand tous les signaux étaient au rouge ? », a réagi le porte-parole du Parti libéral en matière de finances, Frédéric Beauchemin.

Préoccupant, mais pas alarmant

Selon les économistes de la Banque Nationale, l’économie québécoise se porte moins mal qu’il n’y paraît. Le recul du troisième trimestre s’explique par le commerce international et une baisse des investissements dans les stocks, alors que la demande reste solide. Malgré une augmentation de 1,2 % depuis le mois de mai, le taux de chômage du Québec reste au troisième rang parmi les plus bas au pays, rappellent les économistes Matthieu Arseneau et Darren King.

Le Québec pourrait tout de même être entré en récession avant le reste du pays, mais il est difficile de le savoir avec certitude parce que les autres provinces ne publient pas de statistiques trimestrielles, indique l’économiste de Desjardins Benoit Durocher.

L’économie québécoise a entamé son ralentissement en mai dernier, rappelle-t-il. Le repli du PIB de 0,8 % sur une base trimestrielle annualisée au troisième trimestre suit un recul de 1,5 % au deuxième trimestre.

Au Canada, le troisième trimestre affiche aussi un recul du PIB de 1,1 %, mais le dernier trimestre de l’année s’annonce positif.

Le dernier trimestre de l’année, dont les résultats seront connus au début de 2024, devrait être négatif au Québec, selon l’économiste de Desjardins. « Si on se projette dans le futur, avec les grèves dans le secteur public, les doutes ne sont plus permis », estime-t-il.

Mais même avec trois trimestres négatifs d’affilée, on ne pourra pas parler de récession si les autres indicateurs économiques continuent de bien se porter, affirme le professeur Stephen Gordon, qui fait partie du Conseil des cycles économiques de l’Institut C.D. Howe, responsable de déterminer ce qui est une récession et ce qui n’en est pas une.

Ce qui se passe au Québec actuellement est semblable à ce qui s’est passé au Canada en 2015, alors qu’il y avait eu deux trimestres négatifs consécutifs tandis que le marché de l’emploi restait robuste, selon Stephen Gordon. Les économistes de l’Institut C.D. Howe ont mis trois ans avant de décider, en 2018, que l’économie canadienne n’était pas en récession en 2015.

La question de savoir si le Québec est en récession ou non pourrait donc continuer d’être débattue un certain temps, reconnaît Stephen Gordon, qui note que les statistiques font souvent l’objet de révisions qui peuvent tout changer.

À l’exception de la pandémie, qui a fait reculer le PIB du Québec lors des deux premiers trimestres de 2020, la dernière récession québécoise remonte à la crise financière de 2008. L’économie avait alors reculé pendant trois trimestres consécutifs.

Une récession, deux définitions

– La définition classique : deux trimestres consécutifs de recul du produit intérieur brut

– La définition défendue par l’Institut C.D. Howe : une baisse significative de l’activité économique qui s’étend à l’ensemble de l’économie et dure plus de quelques mois